Et si Google et les autres géants de la tech’ créaient leur propre micro-état ? Un état indépendant où ils seraient affranchis des règles locales imposées par les édiles ou des lois générales qui encadrent la nation, qui peuvent parfois être un frein à la recherche, au progrès technologique, et de facto au profit qu’engendrent ces mastodontes.
L’idée n’est pas nouvelle, Larry Page en parlait déjà sur le ton du rêve lors de la conférence Google I/O de 2013.
« Il y a énormément de choses que vous pourriez faire qui sont illégales et non autorisées par les réglementations. Et c’est tant mieux, nous ne voulons pas changer le monde. Mais on pourrait peut-être mettre de côté une partie du monde, racontait-il. J’aime aller à Burning Man (une rencontre artistique qui a lieu chaque année dans une cité nomade du désert de Black Rock au Nevadan ndlr). En tant que technologue, je pense qu’on a peut-être besoin de chasses gardées, où l’on peut essayer de nouvelles choses sans forcément les montrer au reste du monde. J’aime penser à ce genre de choses ».
Le laboratoire urbain
La question de cette cité utopique a refait surface lors d’une conférence organisée par The Information, durant laquelle était présent Dan Doctoroff, CEO de Sidewalk Labs, une filiale d’Alphabet qui travaille en collaboration avec les villes sur des questions urbanistiques.
« Construire une ville à partir de rien pourrait aider l’entreprise à repenser la gouvernance, la politique sociale et la gestion basée sur les données », écrit The Information, citant juste après Doctoroff qui reste prudent dans ses déclarations, ne pouvant pas vraiment commenter sur les plans d’un des géants du web concernant la création d’un laboratoire à l’échelle de la cité.
« Il est tentant de penser à une ville construite à partir de l’Internet. Les villes actuelles sont complexes. Vous avez des gens qui sont chargés d’intérêts, de politiques, d’espaces physiques… Mais en définitif, la technologie ne peut-être arrêtée ».
Plus tard, il ajoute que créer une ville nouvelle pourrait servir à tester des solutions aux questions de cybersécurité et d’intimité : « Si on crée ce genre d’endroit, il serait un laboratoire d’expérimentation sur ces problématiques ».
Sans rien dévoiler, la thèse quasi prophétique qui reprend l’axiome du progrès sans fin est un indice supplémentaire concernant les ambitions de la firme de Mountain View. La ville d’Alphabet s’inscrirait cependant dans une longue tradition de villes utopiques voulant répondre aux problématiques nouvelles de leurs époques, et dont la plupart des expériences se sont conclues par des échecs, on pense par exemple à la ville de New Harmony ou au projet EPCOT (pourPrototype expérimental d’une communauté du futur) de l’utopiste Walt Disney.
Des problématiques
À l’heure de la smart city et du tout connecté, il n’est pas étonnant que les projets de cité idéale refassent surface. En soi, les campus gigantesques construits par Google ou encore Apple sont à l’image de cette ambition, dont la prétention se retrouve renforcée par les trésors de guerres accumulés depuis de longues années, dépassant le PIB de certains pays.
Toutefois, même s’il semble impossible dans l’état actuel pour ces entreprises de créer leurs cités états, la question soulève de nombreuses inconnues, notamment en termes de légitimité. Quand les révolutions urbanistiques résolvent des problèmes, elles en en créent de nouveaux. La révolution industrielle a provoqué une pollution sans précédent, la voiture a étendu la ville, mais a créé des cités périurbaines, des dortoirs sans âmes. Aujourd’hui, des villes intelligentes comme Songdo sortent de terre et se veulent ubiquitaires, connectées, au prix de la vie privée des habitants.
Dans tous les cas — comprendre, en faisant fi de toute préoccupation éthique –, on ne peut s’empêcher de se demander à quoi ressemblerait cette ville laboratoire, que l’on imagine à base d’Hyperloop, de drones et de voitures autonomes.
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