C’est un communiqué de presse historique. Le 25 janvier, Apple a publié sur sa newsroom un article intitulé « Apple annonce des changements pour iOS, Safari et l’App Store dans l’Union européenne ». Dans cet article assez long, Apple fait quelque chose de peu commun : il médit ses propres nouveautés. Les changements annoncés par Apple ne sont pas de son fait, puisqu’ils sont dictés par l’Union européenne. Apple ne manque pas de rappeler qu’elle n’est pas d’accord avec le DMA européen, en affirmant notamment que les nouveautés du jour « ouvrent la porte aux virus, à la fraude, à des arnaques et à du contenu illicite ». On est loin de l’habituel vocabulaire de l’incroyable et du révolutionnaire.
Que change le DMA pour l’iPhone en Europe ? Beaucoup de choses. Cet article résume les changements principaux. Pour en savoir plus, Numerama vous propose d’autres articles sur le même sujet.
App Store : la (presque) fin d’un monopole
Comme prévu depuis plusieurs mois, Apple renonce au modèle unique de l’App Store, du moins dans l’Union européenne (un système de géolocalisation encore inconnu indique à iOS si l’utilisateur se trouve dans un pays concerné par le DMA).
Concrètement, cela veut dire qu’il sera possible d’installer des concurrents de l’App Store sur son iPhone. Google et Amazon pourraient se laisser tenter par l’expérience, au même titre qu’Epic Games, qui réclame son propre Store pour Fortnite depuis des années (Epic Games a confirmé le retour de Fortnite en Europe en 2024). N’importe quel développeur peut utiliser de nouvelles API pour créer son propre magasin d’applications avec ses propres règles (ou presque, vous allez voir).
Un App Store européen, un App Store pour le monde
Presque, puisqu’Apple fixe malgré tout des règles. Cela peut sembler contraire au droit européen (nul doute que la justice s’en mêlera), mais Apple compte proposer aux développeurs de choisir entre deux systèmes :
- Le premier est le même qu’avant, avec des ventes exclusives à l’App Store et une commission de 30 % sur les achats (15 % pour les petits développeurs). Les développeurs n’ont pas accès aux nouvelles API européennes.
- Le nouveau permet de vendre ses applications sur l’App Store, dans un autre magasin ou partout. La commission baisse à 17 % (20 % si le développeur utilise le moteur de paiement d’Apple) ou 10 % pour les petits développeurs. Avec ce nouvel App Store, les développeurs gagnent de nouvelles API… mais doivent payer Apple avec une nouvelle taxe. Au bout d’1 million de téléchargements, ils doivent verser 50 centimes à la marque à chaque premier téléchargement. C’est ce qu’Apple appelle la « Core Technology Fee ».
Apple s’oppose aussi à l’installation d’un logiciel depuis un site web, il faut forcément passer par l’App Store ou un magasin concurrent (et ces magasins concurrents sont validés par Apple).
Apple prédit que la très grande majorité des utilisateurs resteront fidèles à l’App Store dans ces conditions, ce qui l’arrange évidemment. Les développeurs qui veulent utiliser des API privées, changer des fonctions système ou ne pas payer de commission doivent accepter les nouvelles règles d’Apple et quitter l’App Store, ce qui peut les dissuader.
Des paiements en dehors de l’App Store
Autre changement : la possibilité pour un développeur de rediriger un utilisateur vers un site pour payer, en contournant la commission Apple. Avec cette nouveauté, Spotify pourra proposer une promotion depuis son application iOS et proposer à ses utilisateurs de s’abonner via PayPal, sans rien partager avec Apple.
Il y a néanmoins une subtilité importante, les paiements en dehors d’Apple sont réservés aux développeurs qui acceptent les conditions du second App Store européen. Celles et ceux qui souhaiteraient rester sur le modèle actuel, sans la taxe de 50 centimes, devront continuer de payer la taxe de 30 %.
Safari va proposer de télécharger Chrome
Au premier démarrage de Safari, les utilisateurs européens auront le choix de changer de navigateur web, comme sur Windows ou Android. Avec ce changement, l’UE veut empêcher Apple d’imposer Safari.
Autre changement : le moteur WebKit d’Apple n’est plus obligatoire sur iOS. Google pourra par exemple proposer Chromium sur Chrome, avec des performances différentes de celles de Safari.
Apple Pay : un déclin annoncé en France ?
Autre fin de monopole : Apple Pay. L’Union européenne impose désormais à Apple d’ouvrir la puce NFC de son iPhone aux banques. Concrètement, cela veut dire que rien n’empêche dorénavant le CIC ou la Société Générale de lancer CIC Pay ou SG Pay pour payer, tout en se retirant d’Apple Pay.
Ici, la réaction des banques sera particulièrement scrutée. Apple Pay est-il trop aimé pour disparaître ? Ou sera-t-il abandonné maintenant qu’il n’est plus obligatoire ?
Le cloud gaming autorisé sur l’App Store
Il s’agit du seul changement mondial dans les annonces d’Apple (le reste est réservé à l’Europe) : les applications de cloud gaming, comme Xbox Game Pass et Nvidia GeFORCE Now, sont maintenant autorisées sur l’App Store. Elles devraient prochainement faire leur apparition sur iOS, iPadOS, tvOS et visionOS.
Des changements à partir de mars
Les développeurs qui le souhaitent peuvent préparer leurs applications européennes dès maintenant, avec la bêta d’iOS 17.4 (qui active ces nouveautés). La mise à jour sera disponible en mars, vraisemblablement avant le 6, pour tous les utilisateurs. Les Européens auront ainsi un iPhone « libéré », avec des applications différentes du reste du monde.
Reste désormais à savoir si les changements proposés par Apple sont conformes au droit européen. La marque annonce des changements historiques, tout en restant en contrôle. Son objectif est évidemment de protéger ses propres intérêts, tout en se mettant les consommateurs européens dans la poche.
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