En matière de paiement mobile, la France fait partie des bons élèves. Presque un quart des Français ont déjà utilisé leurs smartphones pour payer, alors que le paiement sans contact est déjà largement adopté. Encore plus intéressant, Apple expliquait à Numerama en novembre 2023 que 98 % des cartes françaises sont compatibles avec Apple Pay, ce qui est bien plus que dans la plupart des pays. Seules quelques cartes professionnelles et quelques banques manquent à l’appel en 2024.
À partir du 6 mars 2024, Apple autorisera les banques à développer leurs propres applications de paiement mobile, sur demande de la Commission européenne. Le Digital Markets Act impose un non-monopole sur les services de paiement. Le risque pour l’écosystème iOS est une fragmentation totale des services, alors qu’Apple Pay écrase tous ses concurrents Android grâce à son accessibilité.
Qui veut payer avec Paylib sur iPhone ?
Aujourd’hui, pour payer en sans contact avec un iPhone, il n’existe aucune autre solution qu’Apple Pay. Bien que critiquée lors du lancement français du service en 2016, la stratégie d’Apple s’est montrée extrêmement efficace. En faisant d’Apple Pay un avantage concurrentiel, la marque a convaincu la quasi-totalité des banques françaises d’adopter le service (et de le promouvoir). L’expression « vous prenez Apple Pay ? » est devenue banale, alors que les services concurrents sont beaucoup moins connus en France.
Sur Android, la donne est différente. Google propose son propre service Google Pay dans l’application Google Wallet, mais des géants comme Samsung lui barrent la route avec leurs propres solutions (Samsung Pay, Fitbit Pay…). La réalité est que ces applications sont assez insignifiantes, faute de banques compatibles. Pour payer avec sa carte CIC, il faut, par exemple, installer « CIC Pay : paiement mobile » sur le Google Play Store. La plupart des banques disposent de leur propre application de paiement, tandis que d’autres misent sur Paylib ou Lyf Pay pour autoriser le paiement NFC. Évidemment, ces applications sont moins intégrées au système d’exploitation que Google Pay. Elles ne permettent aussi pas de payer en ligne.
Soyons honnêtes, même si aucun monopole n’est souhaitable, Apple Pay ne serait pas compatible avec 98 % des cartes de paiement françaises si Apple n’avait pas imposé son service sur iPhone. L’écosystème Android est la preuve que l’ouverture n’est parfois pas bénéfique aux utilisateurs, puisqu’elle crée de la fragmentation. Il est peu probable qu’un utilisateur régulier d’Apple Pay reproche quoi que ce soit au service ou ait envie de changer d’application de paiement, à moins qu’il en soit forcé.
Pourquoi les banques pourraient-elles lâcher Apple Pay ?
Apple Pay est populaire, alors pourquoi l’abandonner ? Pour plus de contrôle, assurément. Apple Pay crée une carte virtuelle associée à votre compte bancaire et ne collecte aucune donnée sur vos paiements. Apple n’apprend rien de vos habitudes, la banque se contente d’informations classiques, ce qui limite ses capacités de profilage.
Avec sa propre application, une banque pourra faire ce qu’elle veut de vos habitudes de consommation (possiblement en vous proposant des cartes de fidélité et des remises, pour mieux personnaliser l’expérience). Évidemment, les banques françaises ont aussi intérêt à vous inciter à télécharger leurs propres applications pour ne plus payer de commission à Apple, puisqu’Apple prélève un pourcentage sur l’interchange, alias l’argent que touche une banque lors d’une transaction.
Depuis 2016, les banques françaises se plaignent régulièrement des conditions imposées par Apple (alors que Google, par exemple, ne leur demande rien). Pour elles, l’heure de la vengeance a sonné. Un mouvement pourrait se produire rapidement, dès qu’une banque aura le courage d’être la première à annoncer la résiliation de son contrat avec Apple.
Soyons clairs, notre problème n’est pas l’existence de solutions concurrentes à Apple Pay. Ce qui nous inquiète est la disparition d’un des services les plus complets d’Europe, si les banques décidaient de le remplacer entièrement. Le paiement mobile en Europe n’en sortirait que plus faible.
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