C’est un loupé d’ampleur pour Amazon. Dans un communiqué partagé le 29 janvier 2024, on apprend que le géant du commerce électronique renonce à l’acquisition de l’entreprise américaine iRobot, spécialisée dans la robotique domestique. Elle vend des aspirateurs automatisés et connectés sous la marque Roomba.
Cette opération, dévoilée publiquement en août 2022, aurait fait d’iRobot l’un des plus rachats les plus importants de la société fondée par Jeff Bezos. Estimée à 1,7 milliard de dollars (environ 1,57 milliard d’euros) au départ, la manœuvre prévoyait finalement une transaction à 1,4 milliard de dollars (environ 1,3 milliard d’euros).
Cette opération, si elle était allée à son terme, aurait été la quatrième la plus coûteuse de toute l’histoire d’Amazon. Le podium est aujourd’hui occupé comme suit :
- One Medical, une entreprise de soins de santé rachetée en juillet 2022 pour 3,9 milliards de dollars ;
- les studios de production Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), récupérés pour presque 8,5 milliards de dollars en mai 2021 ;
- Whole Foods Market, une chaîne de magasins bio achetée pour 13,7 milliards de dollars en juillet 2017.
D’après Amazon, l’arrivée d’iRobot dans son portefeuille de biens et services lui aurait permis « d’investir dans l’innovation continue d’iRobot et de l’aider à réduire les prix des produits que les clients apprécient déjà ». Mais la firme sise à Seattle pointe le contexte réglementaire trop défavorable en Europe pour boucler l’accord.
La faute à l’Europe, selon Amazon
« Le projet d’acquisition d’iRobot par Amazon n’a aucune chance d’être approuvé par les autorités réglementaires de l’Union européenne, ce qui empêche Amazon et iRobot d’avancer ensemble — une perte pour les consommateurs, la concurrence et l’innovation », regrette le communiqué de presse.
La Commission européenne a effectivement suivi de très près ce dossier. Le 27 novembre 2023, Bruxelles estimait au contraire que ce rachat « était susceptible de restreindre la concurrence sur le marché des aspirateurs robots ». L’autorité européenne lui avait listé les différents points justifiant sa réticence à approuver le deal.
Entre autres, les services bruxellois ont craint qu’Amazon puisse se servir de son site pour « mettre en place plusieurs stratégies d’éviction » afin d’écarter les rivaux d’iRobot, et ainsi rentabiliser son acquisition plus vite grâce à une meilleure visibilité. À l’inverse, la concurrence risquerait d’en souffrir, car il est très difficile de se passer d’Amazon.
Selon une information de Politico, Amazon a raté une première échéance le 10 janvier 2024 lui permettant de répondre aux griefs de la Commission. Le site officiel permettant de suivre le dossier indiquait depuis une nouvelle date limite, fixée au 14 février. Finalement, il ne sera pas nécessaire de patienter jusque-là.
Craintes sur la vie privée
Ailleurs dans le monde, la prise de contrôle d’iRobot a été diversement appréciée. Au Royaume-Uni, l’autorité de la concurrence a autorisé cette opération à la mi-juin 2023. En revanche, l’instance américaine menait des investigations sur l’acquisition. Plusieurs ONG s’étaient dressées contre ce projet.
Avec iRobot, Amazon aurait accentué un peu plus sa mainmise sur la domotique et la robotique. Les voix hostiles à ce rachat soulignaient le risque de laisser entrer un peu plus Amazon dans les foyers, via les aspirateurs robots, alors que la société ne jouit pas d’une réputation impeccable en matière de vie privée et de confidentialité.
« Il n’y a pas d’espace plus privé que le domicile. Pourtant, grâce à cette acquisition, Amazon va pouvoir accéder à des informations extrêmement intimes sur nos espaces les plus privés, qui ne sont pas disponibles par d’autres moyens ou pour d’autres concurrents », peut-on lire dans la missive des ONG.
« Ces informations vont au-delà des plans des maisons et comprennent des informations très détaillées sur l’intérieur des maisons des consommateurs et sur le mode de vie de leurs habitants. En permettant à Amazon d’accéder à ce type d’informations privées par le biais de cette acquisition, on porte préjudice aux consommateurs », ajoutent-elles.
Amazon conserve toutefois d’autres possessions dans le domaine de la domotique :
- 2lemetry : analyse des données des appareils connectés
- Blink : caméras de surveillance et sonnettes connectées ;
- Ring : caméras de surveillance et sonnettes connectées ;
- Eero : routeurs Wi-Fi ;
- et les enceintes connectées Echo, qui peuvent capter des sons pour répondre à des instructions orales.
De son côté, iRobot va donc poursuivre sa route. Une suite qui démarre par un plan de restructuration, censé « préparer l’avenir ». 350 personnes (soit 31 % des salariés) vont être licenciés d’ici au 30 mars 2024. Quant à Colin Angle, le fondateur qui occupait à la fois le poste de PDG et de président du conseil d’administration, il cède ses deux places. Il reste toutefois au conseil jusqu’à la fin de son mandat.
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