Finalement, le gouvernement américain prendra bien le risque de devoir aller jusqu’à la Cour Suprême pour obtenir un avis juridique contraignant sur la possibilité ou non d’exiger l’aide d’Apple ou d’autres entreprises pour contourner la sécurité de leurs propres produits. Alors que l’administration Obama avait demandé un petit sursis jusqu’à lundi, le Département de la Justice (DoJ) a fait savoir vendredi dernier qu’elle maintenait l’appel qu’elle avait interjeté suite à la décision cinglante émise par un juge de New York.
« Le gouvernement continue de requérir l’assistance d’Apple pour accéder aux données qu’un mandat autorise à rechercher », a écrit le gouvernement dans un mémoire transmis à la justice de Brooklyn.
Rendu en pleine controverse sur l’aide exigée d’Apple par le FBI pour accéder au contenu de l’iPhone 5C du tueur de San Bernardino en Californie, mais dans une toute autre affaire de l’autre côté du continent, le jugement de New York du 29 février 2015 n’avait pas eu de mots assez durs pour s’opposer au fait que le DoJ puisse exiger d’une entreprise qu’elle pirate ses propres produits, alors qu’aucune loi en offre explicitement la possibilité.
Obtenir une jurisprudence : un pari risqué
Le juge avait estimé qu’il était totalement anticonstitutionnel de se reposer sur le très vieux All Writs Act de 1789, qui permet à la justice de prononcer des ordonnances permettant son bon fonctionnement. Seul le législateur peut décider de donner de tels pouvoirs d’injonction à la Justice, avait estimé le magistrat. C’était aussi cette base juridique que le gouvernement américain avait tenté d’exploiter en Californie, avant de retirer sa demande grâce à l’aide technique obtenue d’une entreprise tierce.
Il n’était pas certain que l’administration américain décide de maintenir son appel à New York. Quelle que soit son issue, l’appel risque en effet d’ouvrir la voie jusqu’à la Cour Suprême, qui dira le droit pour l’ensemble des États des États-Unis. Si elle décidait que le All Writs Act n’est pas adapté pour exiger d’une entreprise qu’elle aide à déchiffrer des données qu’elle n’a pas en possession, il faudra nécessairement que la justice procède autrement, ou que le législateur s’empare du sujet dans un débat public.
Mais si au contraire la Cour Suprême donne raison au gouvernement, alors ni Apple ni aucune autre entreprise ne pourra s’opposer à ce que les autorités exigent leur coopération pour pirater leurs données de leurs clients, y compris lorsqu’ils sont présumés innocents. C’est, semble-t-il, le pari fait par les équipes du Département de la Justice.
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