La menace d’une « arme nucléaire spatiale » russe pourrait se concrétiser dès cette année. C’est en tout cas une hypothèse sur laquelle travaillent les États-Unis, en se fondant sur les évaluations de leurs agences de renseignement. Ces estimations ne font toutefois pas l’unanimité, ni sur le calendrier ni sur les intentions réelles de Moscou.
Ce calendrier a été rapporté par le New York Times dans son édition du 21 février 2024. D’après le journal américain, cette fenêtre d’un éventuel déploiement d’une charge nucléaire en orbite a été partagée aux « plus proches alliés européens », ce qui inclut la France. À la mi-février, des sources avaient déjà indiqué au Monde que Paris a été « briefé ».
La mise en place effective d’une telle arme est toutefois discutée dans les sphères du renseignement outre-Atlantique. Le quotidien évoque ainsi la piste d’une feinte russe. Ce pourrait ne pas être une vraie charge, mais, selon la formulation du New York Times, « une ogive factice afin de laisser l’Occident dans l’incertitude quant à ses capacités ».
Qu’il s’agisse d’une vraie tête ou d’un armement artificiel, cela se ferait dans une ambiance de dissuasion qui pourrait entraîner de mauvais calculs et de dangereuses interprétations chez les autres puissances nucléaires. C’est tout particulièrement le cas de celles dans l’OTAN, qui incluent les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.
La Russie rejette les allégations américaines
Officiellement, la Russie a démenti les suspicions américaines. « Nous avons toujours été catégoriquement opposés au déploiement d’armes nucléaires dans l’espace et nous continuons de l’être », a déclaré Vladimir Poutine, le 20 février. La Russie n’aurait de toute façon pas ce type d’armement, selon le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou.
Moscou a signé et ratifié le Traité sur l’espace, qui interdit de placer en orbite autour de la Terre un quelconque vecteur d’armes nucléaires. Les pays sont aussi obligés de ne pas positionner ce type d’armement dans l’espace extra-atmosphérique. Cependant, il serait possible pour la Russie de sortir de ce traité.
Précédemment, Moscou avait accusé Washington de créer une « ruse » pour influencer le Congrès américain. Cela, afin de l’inciter à adopter le paquet d’aide en faveur de l’Ukraine. Pour emporter l’adhésion des élus, il s’agirait donc de présenter la menace russe plus grande qu’elle ne serait. C’est ce que les agences étatiques russes ont avancé.
Au-delà des pays européens, d’autres pays dans le monde ont été alertés par les États-Unis, à commencer par la Chine et l’Inde, deux autres grandes puissances nucléaires et qui entretiennent toujours des bonnes relations avec Moscou. C’est Anthony Blinken, le secrétaire d’État américain, qui s’est chargé de prévenir Beijing et New Delhi.
L’évaluation américaine, bien que contestée par la Russie, est prise avec sérieux en Europe. Elle a fait l’objet d’un commentaire public d’Emmanuel Macron le 16 février, lors de la signature d’un accord de sécurité bilatéral entre Paris et Kiev. Le président de la République a appelé Vladimir Poutine sans tarder à donner des explications.
Pour sa part, le patron du commandement spatial allemand a prévenu que la manœuvre russe, si elle est avérée, risquerait de faire seulement des perdants. Les intérêts russes seraient également affectés directement. Une impulsion électromagnétique pourrait détruire de nombreux satellites, ce qui aurait ensuite des répercussions sur Terre.
« Si quelqu’un ose faire exploser une arme nucléaire […] dans l’espace, ce serait plus ou moins la fin de l’utilisation de ce bien commun mondial [qu’est l’orbite] », a alerté Michael Traut, cité par Politico. « Personne ne survivrait à une telle action. […] Si l’on fait des calculs rationnels, personne n’emploierait une telle arme dans l’espace. »
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