Progressivement, Apple rétropédale sur certaines de ses décisions pour respecter le DMA, le nouveau règlement européen sur la concurrence. Dernier exemple en date : la marque a annoncé le 12 mars 2024 qu’elle allait autoriser l’installation d’applications depuis des sites web, après avoir initialement annoncé qu’il faudrait systématiquement passer par des magasins concurrents de l’App Store, eux-mêmes validés par ses équipes. Apple a aussi renoncé aux chèques de banque obligatoires pour créer un magasin, perçus par beaucoup comme un moyen de faire fuir d’éventuels concurrents.
Il reste un élément qui divise : la « Core Technology Fee ». Dans l’Union européenne, Apple propose aux développeurs qui le souhaitent de contourner sa célèbre taxe des 15-30 %, en passant par des sources tierces ou en intégrant un moteur de paiement différent de celui de l’App Store. Cette possibilité vient avec une contrainte financière : un prélèvement de 50 centimes d’euro par installation, au-delà d’un premier million non taxé. La « Core Technology Fee » vise officiellement à rémunérer Apple pour le développement de ses systèmes d’exploitation, mais cela fait aussi peur à de nombreux développeurs.
Aucun développeur n’a exploité le DMA
Deux semaines après l’entrée en vigueur du DMA, il n’existe aucun magasin concurrent de l’App Store sur iOS. Les premiers (Alt Store, Epic Games, Setapp) ne devraient plus tarder à arriver, mais leurs développeurs ne semblent pas vouloir se précipiter. Certaines voix, comme celle de Spotify, se plaignent même publiquement du sort qui leur est réservé, en indiquant que les nouvelles conditions ne vont pas dans le bon sens. En l’état, elles renoncent à l’idée de quitter l’App Store.
En mars 2024, la « Core Technology Fee » est sans doute le principal frein pour les développeurs en quête d’émancipation. Le développeur Riley Testut, connu pour avoir développé l’émulateur GBA4iOS il y a une dizaine d’années (et l’AltStore, qui utilise un certificat entreprise pour s’installer), a pu interroger un responsable d’Apple sur le sujet.
« Quand j’étais au lycée, j’ai sorti une application gratuite et open source en dehors de l’App Store et elle a été téléchargée 10 millions de fois », raconte Riley Testut. « Avec les nouvelles conditions, je devrais verser à Apple cinq millions d’euros pour l’application gratuite que j’ai développée au lycée. ».
Dans sa prise de parole, le développeur explique que sa famille avait dû téléphoner à Amazon, qui hébergeait son application, pour le supplier de renoncer à la facture de 15 000 dollars qu’il lui avait envoyée. La marque avait accepté en guise de geste commercial, mais Riley Testut s’interroge sur la bonne volonté d’Apple dans la même situation. La marque est-elle prête à ruiner des familles ? Ou sera-t-elle prête à adapter ses conditions au cas par cas ?
Kyle Andeer, le vice-président d’Apple en charge de la conformité juridique, semble ouvert à un changement. « Pendant 15 ans, nous avons tout monétisé avec la commission. […] La beauté de ce système est qu’il permet aux développeurs de prendre des risques. Apple n’est payé que lorsque le développeur est payé », explique-t-il dans un premier temps, pour justifier l’existence de l’App Store et de l’ancien modèle. Kyle Andeer indique que les situations similaires à celles de Riley Testut sont rares, mais qu’elles existent. « Nous n’avons pas encore trouvé de solutions pour ça, mais nous vous tiendrons au courant. »
Avec sa Core Technology Fee, Apple ne vise pas les petits développeurs au grand succès, mais les géants de la tech qui souhaitent s’émanciper de l’App Store pour ne rien lui payer. Un Netflix ou un Spotify ont tout à perdre avec cette taxe de 50 centimes, là où un petit développeur ne devrait normalement pas dépasser le million de téléchargements en Europe. Le cas de GBA4iOS est très particulier et pourrait amener à Apple à effectuer quelques changements. Pourquoi pas une exemption de paiement pour les entreprises avec un petit chiffre d’affaires ?
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