À Taïwan, il n’y a pas que le sol qui ait été victime de secousses. Le monde de la tech a aussi tremblé un bref instant, et pour cause : l’île positionnée à l’est de la Chine s’avère aussi être à un carrefour majeur de l’informatique. C’est sur ce petit territoire qu’est basée l’entreprise TSMC, l’un des grands fleurons du secteur des semi-conducteurs.
Or, la presse asiatique rapporte que le tremblement de terre a causé quelques perturbations dans l’activité du groupe. Selon le quotidien japonais Nikkei, citant un communiqué de TSMC, certaines usines ont dû être évacuées. Il n’y a eu ni morts ni blessés, mais la société évalue désormais l’impact potentiel du séisme.
Il est encore trop tôt pour déterminer les conséquences de la catastrophe sur les activités de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company. Sur les marchés, le cours de l’action du groupe a brièvement accusé le coup, avec une baisse de quelques points par rapport à son cours au plus haut, dans les heures qui ont précédé l’évènement sismique.
Parmi les principales entreprises qui produisent ces composants électroniques, que l’on retrouve dans une très large variété de produits, à commencer par les smartphones, TSMC est dans le trio de tête, avec Samsung (Corée du Sud) et Intel (États-Unis). Ses « forges » sont à la pointe, avec une capacité de produire des puces d’une finesse de gravure extrême.
TSMC, une société à la pointe d’un secteur indispensable pour la tech
TSMC est capable d’évoluer au seuil des 3 nanomètres (nm) depuis 2022 — un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre (en comparaison, un cheveu est 50 000 fois plus épais). Le prochain horizon pour le Taïwanais sera de descendre d’un cran en dessous, avec le processus de fabrication à 2 nm, évoquée pour 2024.
La miniaturisation dans le domaine des semi-conducteurs offre l’intérêt de faire croître très vite la densité des transistors sur une surface dont les dimensions ne changent guère. Ainsi, le nombre de transistors dans un processeur est passé de quelques (dizaines) de milliers au début des années 70 à des dizaines de milliards aujourd’hui.
Or, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company a surtout déployé la très grande majorité de ses installations à… Taïwan. Sur son site, l’entreprise liste treize usines sur l’île, ainsi que son centre de recherche et de développement, à l’instar de son quartier-général. Seules trois usines se trouvent ailleurs : deux usines en Chine et une aux États-Unis.
Comme le rappelait le Financial Times en octobre 2022, TSMC a placé ses usines sur la côte ouest du pays, de l’autre côté de l’île où a frappé le séisme. Un coup de chance ici (cela pose toutefois d’autres problèmes en cas de conflit avec la Chine). C’est aussi sur cette façade que la population taïwanaise se concentre.
TSMC est un acteur aujourd’hui indispensable dans la production de semi-conducteurs. Le groupe est à l’origine de 37 % des microprocesseurs au niveau global, pointait Forbes en février 2023. La firme a dans sa clientèle des noms comme Apple, Nvidia, Qualcomm, AMD, ARM, Broadcom, MediaTek ou encore Marvell.
Un effondrement des capacités de fabrication sur l’île aurait sans aucun doute des conséquences terribles sur l’industrie de la tech, avec des retards significatifs dans les calendriers des différentes entreprises qui n’ont pas de solutions de rechange. Une étude de 2019 montrait que 92 % des puces de moins de 10 nm venaient de Taïwan.
Le risque qui pèse sur TSMC existe aussi pour les autres entreprises de la tech qui se trouvent à Taïwan — comme United Microelectronics, Innolux ou AU Optronics. La première fabrique des puces, les deux autres des écrans. Des évacuations ont également concerné des industriels, rapporte Nikkei. Foxconn et Winbond se trouvent aussi dans le pays.
Interruption pour au moins une journée
Pour l’heure, les dégâts éventuels du séisme sur les activités de TSMC sont incertains. L’entreprise a suspendu sa production pour une journée au moins, le temps de mener à bien des inspections. Il s’agit de vérifier l’état des chaînes de fabrication, et par ailleurs du réseau d’approvisionnement en eau et en électricité.
Les périls sont multiples : incendies, dommages structurels au niveau des bâtiments, désalignement des outils d’assemblage, risque d’électrocution, casse de matériel, fuites de produits chimiques… sans parler des victimes humaines, ou des blessures corporelles — toutefois non signalées à ce stade pour le personnel de TSMC.
TSMC, comme d’autres sociétés, n’ignore pourtant pas que le pays se trouve dans une région sismique agitée. La compagnie pointe d’ailleurs les différentes mesures prises depuis 1999 (date du dernier séisme très grave qui avait frappé l’île) pour sécuriser ses sites industriels, avec des mesures « dépassant les exigences légales. »
« L’entreprise a mené une enquête approfondie sur tous les bâtiments et installations, mis en place des amortisseurs pour améliorer les structures des bâtiments et adopté de nouvelles technologies et méthodologies antisismiques pour évaluer et contrôler les risques », peut-on lire sur le site officiel, avec une liste de mesures.
Il reste à savoir si cette stratégie pour résister aux aléas sismiques a suffi cette fois ou si de nouvelles mesures devront être prises. L’ouverture de nouveaux centres de production est aussi une solution, à la fois pour répondre à la demande, mais aussi pour s’implanter dans des zones plus sûres. Des sites en Allemagne et en Arizona sont justement prévus.
Cela continuera. Dans un article daté de novembre 2022, la revue Le Grand Continent notait l’intention de TSMC d’investir de 40 à 44 milliards de dollars en cinq ans, notamment en Europe. C’est dire, aussi, les capacités d’un groupe qui a fait passer l’île de Taïwan de 0 % de part de marché en 1990 à 22 % en 2020 — les premiers.
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