A part quelques courageux technophiles ayant installé Linux sur leur PC et les utilisateurs de Mac, nous sommes tous sous Windows. Parmis nous, beaucoup travaillent avec une version piratée de Windows. Un CD gravé, un Numéro de licence, et le tour est joué. Pas besoin de débourser une grosse centaine d’euros pour installer l’OS de Microsoft. Cela n’est pas très joli joli, je vous l’accorde, mais les raisons de ce choix ne sont pas systématiquement des envies piratage. L’un de mes amis par exemple avait sur son portable XP Edition Familiale. Après d’une mise à Jour de Windows Update, son PC planta lors de l’installation du Service Pack 2. Impossible de relancer Windows. Ne disposant pas de copie de sauvegarde, comme bien souvent pour les PC portable où Windows est pré installé, il dut recourir à une version piratée de XP. Depuis, elle est restée. Il est donc » pirate » mais » légitime » puisque avec son portable aucun CD de XP n’était fourni. (exigez toujours le CD d’installation de Windows lorsque vous achetez un ordinateur censé être accompagné de la licence, ndlrc)
Bientôt les gens utilisant des versions » piratées » de Windows seront cloués au pilori. Alors que jusqu’à maintenant Windows Update fonctionnait aussi bien pour les version » légales » que pour les » copies « , Microsoft vient d’annoncer qu’à compter de mi-2005, les » copies » ne pourront plus être mises à jour. Autrement dit, impossible de télécharger les nombreux packs édités par Microsoft pour réparer les (nombreuses, mais c’est pas le sujet) failles du système.
Je me pose deux questions et sachez, bande de veinards, que j’ai les deux réponses :
- 1. Pourquoi Microsoft n’interdisait-il pas ces mises à jours par les » copistes » avant ?
- 2. Quelles pourraient être les conséquences de cette mesure qui fera des » copistes » des cibles fragiles pour les pirates (les vrais, les méchants…) ?
La même réponse vaut pour ces deux interrogations : Linux.
Je m’explique. Microsoft contrôle plus de 95% du marché des OS. Un vrai monopole. Mac OS ne marche que sur les (belles mais onéreuses) machines de la marque Mac (c’est dur à dire ça, marque Mac…). Et Linux trimballe une image d’OS réservée aux petits génies de l’informatique, amateurs de ligne de code indéchiffrable pour le commun des mortels. Cette image s’avère de plus en plus faussée, les diverses » distributions Linux » (c’est comme ça qu’il faut dire) étant de plus en plus simples à installer et utiliser. Des quasi-Windows. Mais gratuits…
Il est probable que Windows ait compris et anticipé le fait qu’en traquant les » copistes « , il encouragerait un nombre énorme de clients à passer sous Linux (en Asie du Sud Est, il doit y avoir 90% de Windows piraté…). En n’emmerdant pas ces utilisateurs illégitimes, Windows les gardait sous son aile, dans son parc, les rendant presque dépendants. Ca a marché. Aujourd’hui la perspective de travailler sous un OS différent de Windows fait frémir une grande majorité des gens.
Alors Windows fait-il un mauvais calcul en décidant de punir les » copistes » ? C’est ce qu’on peut croire à première vue. On pourrait imaginer que tous ces utilisateurs de Windows copiés migrent sous Linux. D’autant que cette option n’est plus contraignante. Elle ne nécessite pas des compétences en informatiques particulières. Même ma grand-mère saurait s’en servir. Il est plus probable que Windows ait anticipé une réaction différente. Apeurés, les » copistes » achèteront une version légale de Windows, au prix fort. Ca permettra à ma grand-mère de dormir tranquille sur ses deux oreilles, sans rêver que des pirates entrent dans son ordi pour lui piquer son numéro de carte bleu parce qu’une faille de Windows le leur a permis, et que cette faille n’a pas été comblée par un patch, réservé au Windows enregistrés (ndlr : dans cette hypothèse ma grand-mère avec son Windows pirate n’est pas une hackeuse, c’est juste son demeuré de petit fils qui lui a installé un XP copié…). Au final Microsoft perdra des parts de marché (une partie des copistes migreront sous Linux) mais verra ses recettes croître ses ventes et bénéfices. Envisageable, non ?
Mais une troisième hypothèse pourrait être envisagée. Moins réjouissante pour nous, adeptes du logiciels gratuit et qui marche. Si Microsoft a décidé d’emprunter cette voie en 2005, et de traquer les Windows piratés, c’est peut être aussi parceque MS a prévu que tous ces copistes migreront vers un Windows payant. Comment ? Comme ils l’ont toujours fait : en écrasant la concurrence, en assassinant le pingouin (ndlr : le pingouin, pour ceux qui l’ignorerait, est l’emblème de la communauté Linux. On en apprend des choses en lisant le Blogototo hein !). Ca fait des années qu’ils essayent, et ils ont peut être, tout d’un coup, la certitude que ça va marcher. Comment ? En brevetant les logiciels.
Le logiciel libre, créé par un piti ninformaticien qui le distribue gratos, est en péril. Avec le brevet logiciel, MS (ou tout autre grosse multinationale d’édition informatique) peut breveter des applications toutes simples qu’on retrouve dans tous les logiciels. Par exemple le lien hypertexte, le double clic, la barre d’état qui avance à mesure que l’application progresse, le fait de bleuir un mot, le clic droit… Si un logiciel propose cette fonctionnalité, il devra payer des royalties au détenteur du brevet. Donc ne sera plus gratuit… Donc n’aura presque plus de client. Les seuls logiciels gratuits seront ceux des méga multinationales du software. Ou comment créer un oligopole.
Antoine Bouteilly
Juriste, 25 ans, stagiaire en quête de travail, Antoine tient son blog (le »Blogototo« ) à propos de la culture, du P2P et du logiciel libre.
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