Les échanges de fichiers video et musicaux via Internet sont devenus un vrai problème, ou un vrai cheval de bataille, pour nombre d’industriels qui font des affaires dans ces domaines. Curieusement, l’industrie du logiciel est moins véhémente et moins menaçante pour les internautes gourmands de « libre échange ».
Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que le soit-disant recul de la consommation de CD ou DVD, ou tout du moins son manque à gagner,
prétendument causé par les réseaux P2P, révèle d’autres raisons plus dures à
admettre.
Ainsi, depuis quelques années a-t-on vu arriver sur le marché nombre de nouveaux objets de loisirs, comme notammment les téléphones portables et leurs très rentables (pour les opérateurs) SMS. Un abonnement de mobile sur un mois, c’est autant d’argent qui ne sera pas dépensé dans d’autres loisirs, comme par exemple les CD. On pourra citer également les voyages en charters à des prix impensables il y a encore 10 ans. Là encore, on peut partir à l’étranger pour parfois le prix de quelques CD, et certains n’hésitent pas.
D’un point de vue plus artistique, la réalité économique de « l’industrie de la musique » (terme qui en fait en dit long à lui tout seul) implique des choix dans la qualité et la diversité de la production. Ainsi apprend-t-on que les titres qui vont intéresser les maisons de disques sont soigneusement sélectionnés. Ils ne doivent évidemment pas être subversifs ou revendicateurs (souvenons-nous de certains textes d’il y a déjà 30 ans), mais plus étonnant, ils doivent coller à certaines plages de fréquences pour mieux passer en FM. Oubliez les solos instrumentaux endiablés, le publique retient plus facilement les mélodies chantées (qu’ils reprendront ensuite sous la douche), si possible sur une demie-octave pour que même l’adolescent en pleine mue puisse y parvenir. Tout celà entraîne une production d’une grande pauvreté malgré la quantité énorme d’artistes présents sur la scène mondiale. D’où une consommation éventuellement réduite, contre-coup de la saturation d’entendre encore et toujours le même son stéréoptypé.
Alors on cherche un peu…
Alors, on cherche un peu, et on trouve le téléchargement comme cause idéale.
On pourra attaquer le petit peuple, celui qui ne sait pas se défendre, et qui n’en a ni le temps ni les moyens. Surtout celui qui ne se rassemble pas, on trouve ici le lobby de la cigarette ou de l’alcool, ici celui des droits d’auteurs, mais nulle part de « lobby des gens » !
Bien sûr, il est inadmissible qu’un internaute lambda télécharge tout un album, pour ensuite aller le vendre dans la rue. Il gagne de l’argent avec le travail d’une tierce personne qui ne touche rien. Mais on s’en prend ici à la propre cible commerciale, on met la pression à une population de consommateurs potentiels, on cherche à leur imposer un mode de fonctionnement. Et la réaction ne se fait pas attendre ; oppressée, cette population s’indigne de ces comportements dictatoriaux et refuse d’enrichir ces déjà milliardaires. Réalité ou pas, c’est la vision qu’il en reste.
Quelles solutions dans cette situation bloquée ? Avant tout, arrêter la
guerre, ce n’est jamais la bonne réponse. S’il est inévitable, et juste, de rémunérer les artistes pour leur travail, il est plus discutable de punir un internaute qui refuse de payer un album après l’avoir téléchargé et constaté que la qualité n’est pas au rendez-vous.
On pourrait par contre imaginer que les clients P2P ne fassent pas que du partage de fichier, mais aussi du partage de temps de processeur. Celui-ci pourrait être utilisé par des industriels, l’armée ou la recherche via des systèmes comme il en existe et il en a existé consistant en un logiciel que les volontaires installent sur leur machine et qui utilise le temps processeur libre pour effectuer des calculs. Ceci multiplié par le nombre de clients P2P, on arrive à des puissances de calculs gigantesques. Dans ce cas, les utilisateurs de ces logiciels paieraient aux sociétés de protections des droits d’auteurs pour le temps consommé. De la même manière, on pourrait aussi partager la bande passante inutilisée pour faire des serveurs distribués ou des « web services ». Bien sûr, cela demanderait un investissement en temps et en énergie de part et d’autre, et ils ne sont pas nécessairement prêts à le faire.
Autrement, les internautes consommateurs de P2P, pourraient plus simplement
souscrire à une option « je pirate librement » chez le FAI lui-même, lui autorisant l’utilisation précédemment illicite de logiciels de partage de fichiers. Etant donné la chute des prix des abonnements ADSL ces derniers mois, repayer le prix d’un an auparavant pour consommer sereinement son Internet n’est pas forcément une régression. Et les montants alors récoltés pourraient eux-aussi compenser les « manques à gagner » de ces belles industries créatrices de talents. Une telle taxe a déjà été instaurée sur les supports mémoires quelques années en arrière et les consommateurs y sont maintenant habitués.
Pour conclure, il faut rappeler que les internautes « pirates » ne sont pas des malfaiteurs, ils ne souhaitent pas nuire et sont souvent plus avides de culture que d’autres le sont d’argent. Garder un comportement mature et objectif, intelligent et réfléchi sur le sens de ces actes est une clef pour trouver des arrangements constructifs. Le monde évolue et les artistes se dirigent aujourd’hui vers d’autres modes de diffusion que les maisons de disques et équivalents (sites de vente directe ou même de téléchargement réellement gratuits). C’est en suivant ces évolutions, et en les prenant comme telles, que tout le monde trouvera son compte et pas en s’opposant à un phénomène qui aura de toute façon le dernier mot.
Kiristu
27 ans, employé au service informatique d’une très grande banque privée à Genève, intermédiaire entre centres techniques et business. Avant tout, passionné de musique.
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