Depuis bientôt trois ans que Ratiatum.com existe, nous avons vu passer des dizaines de milliers de commentaires sur l’industrie du disque et sur les raisons qui poussent les internautes à pirater de la musique sur les réseaux P2P. En numéro 1 : la diversité présente sur les réseaux. Visiblement, les majors n’en ont pas conscience. Petite piqûre de rappel.

Dans son Actualité du Disque 2004, le syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) concluait que « l’année 2003 aura permis de voir la radio enrichir son offre musicale et s’ouvrir plus aux nouveautés« . 66 000 titres différents avaient été recensés sur les ondes en 2002, soit plus de 10% de plus par rapport à l’année précédente. Le nombre d’artistes joués augmentait de 12%, et le nombre de nouveautés en playlist de +3,3%.

Pourtant, à y regarder de plus près, difficile d’être aussi optimiste. La part des 40 meilleures diffusions (« Top 40 ») au sein de la programmation progresse sur la majorité des stations« , reconnaissait le syndicat. Mais le phénomène est d’autant plus inquiétant que ce sont les stations les plus écoutées qui rarifient ainsi leur diversité musicale. Sur les 10 stations les plus écoutées en France, toutes à l’exception de RFM ont augmenté la part du top 40 dans leurs playlists. Championne de la non prise de risque, Skyrock. 72% des chansons diffusées sur la station sortent de ce top 40. Certaines chansons sont reprises 18 fois par jour !

Et pourtant

Garantir la diversité musicale dans les média n’est que le troisième et dernier objectif que s’est fixé le SNEP pour 2005. Le syndicat compte bien s’appuyer sur le rapport Cayla qui épinglait en janvier dernier un appauvrissement général de la diversité musicale, particulièrement sur les chaînes publiques, mais ses vraies priorités sont autres.

Priorité : contrôler, contrôler, contrôler

La première priorité du SNEP est de « réussir le pari de la musique en ligne« . Actuellement, la musique numérique représente à peine 1% du chiffre d’affaire de la filière musicale. Le groupement des maisons de disques veut ainsi étendre la disponibilité de son catalogue sur les plateformes payantes. Mais surtout, « le SNEP mènera jusqu’au bout la stratégie définie en 2004, à savoir poursuivre les opérations de sensibilisation du public sur les risques judiciaires qu’engendre la pratique des échanges de musique illégaux et, dans le même temps, sur la promotion des offres légales« . Les procès ne s’arrêteront donc probablement pas en 2005, alors même que les majors savent très bien que leurs offres alternatives au P2P ne répondent pas aux attentes qualitatives et quantitives de leurs clients. Le but est ici de préparer le terrain et d’amener les internautes vers les plateformes payantes dont elles parviennent à contrôler l’offre, à défaut de la demande. Point positif, la profession « souhaite également que puisse être résolue la question de la compatibilité des matériels de lecture portables avec les plateformes« . Un mouvement vers le MP3, seul format accepté par tous et qui résoudrait vraiment la question de la compatibilité des matériels ? Etant donné le second point de priorité des majors, on peut fortement en douter.

La seconde priorité du SNEP pour 2005 est en effet de s’assurer en mars prochain de l’adoption du projet de loi sur les droits d’auteurs et droits voisins dans la société de l’information, qui transpose la directive EUCD. Cette directive condamne le droit à la copie privée en interdisant tout procédé permettant de contourner les mesures de protection des systèmes de gestion des droits numériques (DRM). En l’état, le texte proposé par le Gouvernement est satisfaisant« , indique le SNEP. C’est dire s’il doit être désiquilibré. A-t-on jamais vu un syndicat quelqu’il soit se satisfaire ainsi sans débat d’un texte de loi ?

Enfin, « le SNEP entend veiller à ce que le débat parlementaire ne dérive en aucun cas vers la reconnaissance d’un régime de financement forfaitaire du « peer-to-peer », véritable expropriation de droits, incapable de répondre aux enjeux économiques de la production musicale« . Les maisons de disques entendent ainsi s’opposer avec vigueur à toute proposition de licence légale similaire à celle qui permit aux radios libres de se développer. Une telle licence (à condition d’autoriser l’upload, ce qui n’est malheureusement pas le plan de l’ADAMI) permettrait à tout internaute de créer librement un site de téléchargement de musique, en toute légalité, et en toute gratuité. La diversité musicale serait profondémment accrue, les artistes seraient rémunérés et les internautes libres d’écouter ce qu’ils aiment et de le diffuser. Mais les majors perdraient le contrôle de la redistribution des recettes, qui leur permet aujourd’hui de ne redistribuer aux artistes qu’à peine 10% des sommes générées par les ventes de musique…

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