‘ai toujours été une chèvre en calcul mental. Les mauvaises langues diront que c’est pour ça que j’ai fait du droit. Elles n’ont pas tort. C’est également sans doute pour ça qu’il a fallu qu’on me montre le résultat d’un calcul pourtant simple, avec des chiffres que je manie tous les jours, pour que je prenne conscience de leur ampleur.
Un titre à télécharger coûte 1euro. 0,99 plus exactement. C’est énervant ça d’ailleurs. Pourquoi les prix sont toujours annoncés avec une somme ronde moins 1 ou 5 centimes ? Les marketteurs pensent qu’on se fixe des barrières psychologiques, ou quoi ? Genre une télé à 150 euros c’est cher. Heureusement j’ai fait une bonne affaire je l’ai payé que 149.95 euros. Mais bon, je m’égare.
L’autre chiffre, c’est la capacité d’un iPod. Sur la pub, ils disent 10.000 chansons. Ouah, c’est bien. Mais quand tu fais le calcul, démarche que je n’avais jamais faite, eh bein tu te rends compte que ton iPod plein, rempli sur iTunes… t’aurais pu t’acheter une twingo à la place. 10.000 euros. 65 milles balles. Ce matin j’ai vu un gars avec un iPod dans le RER (pas en grève, pour ceux qui aurait réussi à déchiffrer ma précédente bafouille), et j’ai eu peur pour lui. Il se baladait limite avec un lingot d’or dans la poche. Bon, ça se trouve il avait 5 pov’chansons piratées dedans. Mais quand même. Au lieu d’aller au bureau en écoutant sa musique il aurait pu y aller en twingo ET en musique. Ouais parce que 10.000 euros c’est juste la musique. Pour le prix de l’iPod tu te payes un bon autoradio… pour écouter la soupe de Skyrock peinard dans les bouchons, d’accord, c’est un mauvais exemple…
Certes je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de gens qui aient téléchargé et payé une telle somme. La musique mise sur un iPod peut autant provenir d’iTunes que d’un CD passé en mp3. Mais ce chiffre m’a fait prendre conscience du coût prohibitif d’une médiathèque personnelle légale et fournie, telle qu’elle est conçue par les » vendeurs » de musique.
Ce calcul, 10.000 x 1 = 10.000, était l’objet d’une publicité diffusée lors du superbowl, c’est-à-dire la finale du championnat américain de football, aboutissement ultime du sport business et de l’ » entertainement » (les règles ont été remodelées pour que les temps morts se multiplient et que leur durée soit calquée sur celle des spots publicitaire). Cet évènement, suivi par le monde entier parait-il, bat des records sur le terrain du prix de la seconde de pub. On put ainsi y découvrir en exclusivité une pub Heineken avec Brad Pitt réalisée par David Finsher. Mais celle qui me fait réagir est plutôt la publicité diffusée par Napster. Ce nom célèbre, incarnant la révolution technologique, est aujourd’hui celui d’une plate-forme de téléchargement on ne peut plus légale. Comme ses » confrères ennemis « , elle se cale dans le sillage de iTunes. Mais pour faire son trou, il faut prendre l’initiative. Napster s’est lancé, et l’a fait savoir.
Avec iTunes vous achetez un titre à 1 euro. Avec Napster, vous avez accès, pour 15 dollars par mois, à tout leur catalogue. 1 million de morceaux.
Là normalement vous vous dites » ça y est, y en a enfin un qu’a pigé le truc, c’est une proposition alléchante, j’y vais j’y cours j’y vole « . Oui mais non. Vous avez oublié de lire les petites mentions écrites en bas. Ce n’est pas si simple. La musique est ici louée, vous devrez la rendre (c’est le principe même de la location) lorsque vous cesserez d’être abonné. Un DRM a du être conçu, et » votre baladeur s’autodétruira dans 20 secondes… » le jour où vous cesserez de souscrire à cet abonnement.
Alors je ne sais pas. Est-ce une bonne initiative ? Je pense que oui, dans la mesure où elle apporte une nouvelle solution. Vais-je y souscrire… C’est moins sûr. Ils me l’auraient donné, j’aurais souscrit. Mais bon, il est impossible d’adopter ce modèle, puisque qu’il m’aurait suffi de m’abonner un mois, mettre un aspirateur sur mon PC, et résilier une fois la collecte terminée.
A défaut de voir enfin une offre crédible et ultime sur le marché de la musique légale en téléchargement, nous voyons au moins apparaître une offre différente du modèle iTunes. Beaucoup d’autres modèles restent à mettre en place. Et plus y a de la concurrence, plus y a du discount. Ca n’ira peut être pas dans le sens d’un élargissement des catalogues, mais des alternatives sérieuses au modèle gratuit vont bien finir par naître. C’est ce que j’espère, car même si j’imagine que j’aurai du mal à trouver les vieux albums de Rico Rodriguez sur les sites légaux, ça m’emmerde un peu quand même de ne pas reverser un sous aux artistes. Reste à trouver la meilleure formule pour que ceux-ci soient rémunérés le plus correctement possible et sans qu’on ait à supporter le coût (prédominant aujourd’hui) de certains intermédiaires dont le rôle est obsolète : abonnement, achat au titre, idée de licence légale, taxe sur les supports vierges, les enceintes de PC et les écouteurs de walkman… Ca avance doucement, mais ça avance. En attendant, allez aux concerts
Antoine Bouteilly
Juriste, 25 ans, stagiaire en quête de travail, Antoine tient son blog (le »Blogototo« ) à propos de la culture, du P2P et du logiciel libre.
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