C’est une séquence télévisée qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux. Invitée de Télématin ce mardi 23 avril 2024 pour évoquer notamment le sujet de la délinquance chez les jeunes, la secrétaire d’État chargée de la Ville et de la Citoyenneté s’est retrouvée au centre d’une polémique naissante. L’intéressée a dénié aux mineurs le droit d’avoir une vie privée.
« Un adolescent est un mineur. Donc les parents ont le droit de fouiller dans le téléphone », a asséné Sabrina Agresti-Roubache, se disant stupéfaite que l’on puisse « penser qu’un adolescent a une vie privée ». Idem pour ce qui est de la chambre à coucher : selon la secrétaire d’État, rien ne ferait obstacle à l’autorité parentale.
Les réactions s’accumulent depuis, à l’image du député Éric Bothorel, membre du groupe Renaissance (LREM), qui s’est distancé de cette piste. « Si tous les parents activaient le code parental présent sur les appareils, on n’en serait peut-être pas à encourager des mesures plus intrusives dans l’intimité de la vie d’un enfant. »
Les enfants ont une vie privée
La position de fermeté affichée par Sabrina Agresti-Roubache ignore toutefois le cadre juridique aux niveaux national et international. C’est ce qu’ont rappelé plusieurs intervenants, en signalant le contenu de l’article 371-1 du Code civil, qui expose que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
L’autorité parentale inclut d’ailleurs un ensemble de droits, mais également de devoirs qui ont « pour finalité l’intérêt de l’enfant ». Les parents en jouissent, mais « dans le respect dû à sa personne ». En outre, il leur est demandé d’associer le mineur « aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».
La vie privée pour les mineurs est une réalité juridique que la Défenseure des droits a rappelée dans son rapport de 2022. « Bien qu’assis juridiquement, ce droit est pourtant peu reconnu en pratique et trop souvent bafoué », déplore la Défenseure des droits. « Or, sans vie privée, l’enfant ne peut devenir un individu libre, autonome et respectueux de l’altérité. »
En l’espèce, c’est l’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant, que la France a signé et ratifié, qui institue ce droit, qui couvre sa vie privée, étendue à sa correspondance (y compris virtuelle). L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme instaure par ailleurs que « toute personne a droit au respect de sa vie privée […] et de sa correspondance ».
Reste une difficulté : mettre en balance ce droit au secret des enfants en matière de correspondance, notamment de communication électronique, avec la nécessité, pour les parents, de protéger leur progéniture. Une difficulté nécessairement croissante à mesure que les mineurs grandissent et se rapprochent de la majorité.
Un équilibre rendu compliqué par un vide juridique, pointe la Défenseure des droits : « La question de l’accès matériel aux outils de correspondance, et notamment au smartphone aujourd’hui, n’est pas davantage règlementée », lit-on encore dans le rapport. Cela conduit à « des pratiques très variables » et nourrit peut-être l’idée qu’un mineur est dénué de vie privée.
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