Dans la presse spécialisée et chez les technophiles, les Chromebooks ont mauvaise réputation. Est-ce mérité ? Certainement. Ces ordinateurs peu puissants et aux fonctionnalités limitées sont un cauchemar pour les power users. Impossible à personnaliser, le plus souvent livrés avec très peu de mémoire et des processeurs d’entrées de gamme, d’un point de vue hardware, ils sont à l’image de leur prix : cheap. Sans parler du système d’exploitation, Chrome OS, qui s’améliore un peu à chaque mise à jour mais qui à l’origine n’était que le navigateur de Google, sans mode fenêtré. Oui, au 21e siècle.
Enfin, pire que tout : Chrome OS n’est compatible avec aucun logiciel. Vraiment aucun. Basé sur Gentoo — distribution GNU/Linux — Chrome OS ne permet même pas d’installer nos logiciels pour Linux habituels. Car visionnaire — ou absurde, à vous de voir –, Google voulait un Chrome OS fourni seulement d’applications dites web. En gros : du HTML 5 pour remplacer nos logiciels habituels. Le problème étant que lorsque vous n’êtes plus connecté… les applications web, cela ne sert à rien.
Et pourtant…
Dans un passé, pas très lointain, j’ai été étudiant. J’avais chez moi un ordinateur de bureau tout à fait convenable pour des usages créatifs, montage vidéo et audio, retouche photo etc. Et surtout, pour les bidouillage interminable des distributions GNU/Linux dont je changeais tous les trois mois. Mais voilà, j’ai grandi et je n’ai rapidement plus eu le temps pour ce genre d’usage. De plus, j’avais besoin d’un ordinateur portable et vite. Non pas pour remplacer le premier, mais pour un usage très différent : j’avais besoin, ni plus, ni moins, d’une machine à écrire connectée.
Nous sommes alors en 2013, Intel vient de dévoiler une nouvelle génération de processeurs très endurants, les Haswell. Je ne connais alors pas grand chose au hardware, me fiant aux bons retours de la presse U.S., je m’intéresse alors à la flopée de nouveaux Chromebooks sortant avec ces processeurs. Peu chers et avec une très grande autonomie, ces PC discounts me tentent vaguement. Du moins, ils répondent à mes besoins.
Toutefois, il me restait deux barrières psychologiques à franchir avant de passer à l’achat. La première étant la plus importante : Chrome OS. Linuxien depuis toujours — certains enfants préfèrent Debian au démineur — je n’étais pas du tout rassuré par l’expérience utilisateur du système d’exploitation. Et deuxièmement, je suis, et je l’assume, ultra-exigeant avec le design des produits que j’utilise. Or les Chromebooks sont loin d’être tous des modèles d’élégance.
Le coup de foudre pragmatique
Déjà technophile, vous l’aurez compris, je ne voulais pas d’une machine avec laquelle je ne me sentais pas en adéquation, même achetée à bas prix. Cet état de fait est resté latent jusqu’au jour où HP s’est décidé à changer le marché du Chromebook avec un modèle dont la diagonale de l’écran dépassait tous les modèles de l’époque : le HP Chromebook 14.
Avec sa diagonale de 14″, qui pour moi est la taille qui s’approche du meilleur compromis entre la mobilité et l’ergonomie, le modèle de HP, passé assez inaperçu me paraissait presque parfait. Fin, assez léger et faussement unibody, il rentrait avec élégance dans mon cartable. Ses faux-airs de Macbook Air avec de l’embonpoint, mêlés à une conception réussie faisaient de lui l’ordinateur discount le moins cheap de sa génération. Pour moins de 300 €, il devint alors mien.
Mes débuts avec seront un peu frustrants, Chrome OS est vraiment simpliste pour quelqu’un qui a l’habitude de la complexité du monde linuxien. Et bien sûr, je n’ai pas été ravi par la faible qualité de l’écran. Mais j’ai relativisé : après tout, j’avais entre les mains un objet à moins de 300 €.
Et en réalité, je me suis rapidement pris au jeu du Chromebook, parce qu’il est très (trop) précisément la machine dont j’avais besoin en mobilité. Après avoir signé un pacte faustien avec Google et ses CGU, j’ai accès à Drive, je me retrouve avec 100 Go de stockage cloud offert, Google Docs, Play Music, et Chrome au meilleur de sa forme. Car si l’ordinateur a des composants franchement faiblards, les ressources requises par Chrome OS sont tellement optimisées qu’on a souvent l’impression que notre Chromebook est plus rapide que notre ordinateur traditionnel.
C’est bien sûr une impression, mais quand il faut à Windows 8 pratiquement une minute pour démarrer, Chrome OS se lance en moins de 10 secondes. Cela s’explique par la présence d’un SSD et d’un OS dépourvu de tout ce qui pourrait encombrer notre RAM et du cœur Gentoo — connue par les linuxiens comme la distribution la plus rapide qui soit.
Et le bidouilleur cessa de bidouiller
Alors heureux ? En 2016, je dois bien l’avouer : je ne l’utilise plus que très rarement. Mais cet ordinateur a changé ma vision de l’informatique, grâce au paradigme de Chrome OS. En effet, quand vous prenez en main un Chromebook et que vous vous lancez par exemple dans une tâche, la sobriété — certains diront la frugalité — du système ne pourra jamais vous déconcentrer. Mes applications web, toujours lancées en plein écran, façon smartphone, retenaient alors toute mon attention. Do more with less, en somme.
Car pour la première fois, mon ordinateur n’était ni un jouet, ni un passe-temps : c’était juste le contenant de mon contenu. Point. Son clavier, bien que de qualité modeste, était agréable et j’y ai écrit des milliers de pages sans sourciller. Son touchpad, large et multitouch me rappelait mes bonnes expériences sur ceux des Macbook. En somme, la machine était particulièrement pratique.
Conjugué avec les smartphones que j’utilisais à l’époque, dont l’expérience utilisateur s’approche du concept derrière Chrome OS, j’ai changé ma façon d’utiliser l’informatique. Je n’ai pas arrêté d’aimer creuser dans les tréfonds logiciels d’une distribution, ni de m’intéresser aux mécanismes de nos machines, mais avec moins de temps à y consacrer et la nécessité d’être plus productif sur mon outil, le Chromebook était parfait. Il m’a permis d’écrire énormément et parfois dans des conditions improbables, mais aussi, malgré son écran discutable, de regarder des jours et des jours de séries et de films. En bref, je ne rencontrais jamais mon OS, je n’avais qu’à me concentrer sur le contenu. Et ça, c’était parfait pour l’étudiant que j’étais.
Je dois tout de même confesser avoir installé à plusieurs reprises des distributions GNU/Linux dessus, grâce à la technique appelée Crouton, qui propose Ubuntu dans un Chroot. Mais je n’ai jamais insisté, l’appareil y perdait grandement de son intérêt, l’installation étant de qualité assez médiocre. Ubuntu n’était pas très utilisable.
Et maintenant ?
Je considère désormais les Chromebooks comme des produits informatiques adaptés à une grande partie de mes usages. Et je pourrais très bien en racheter un, en toute confiance. Même si je ne suis plus étudiant, leur mobilité et la productivité qu’ils nous permettent de gagner reste un atout pour des grands consommateurs de web.
J’ai aussi conseillé à ma mère, enseignante, l’achat d’un Chromebook récemment. Dans un excès de confiance envers son fils, en moins d’une journée, elle avait passé commande sur Amazon. À la réception du produit, alors que je n’avais pas eu le temps de lui expliquer Chrome OS et les principes élémentaires des Chromebook, elle ne s’est aucunement sentie perdue. Elle m’a seulement appelé un soir pour savoir où était Word.
Depuis, je n’ai plus jamais eu à faire d’assistance technique et je crois qu’elle n’est pas déçue par son achat. Elle est plutôt indifférente à l’appareil en réalité, et tant mieux. Elle ne voulait pas acheter un ordinateur, elle voulait pouvoir écrire et surfer sur le web sans problème. C’est chose faite. Sans parler du fait que les mises à jour discrètes et régulière de l’OS conservent l’ordinateur en sécurité dans un monde où le mot virus a été relégué au passé.
De plus, l’arrivée prochaine du Play Store et des applications Android sur Chrome OS est une suite tout à fait logique au paradigme des Chromebook, qui devraient encore gagner de nouveaux utilisateurs enthousiastes à l’idée de retrouver, sur PC, la philosophie des expérience utilisateur des applications mobiles.
En fin de compte, connaissons-nous vraiment nos besoins avant de nous lancer dans l’achat d’un ordinateur ? À combien de personnes un Chromebook pourrait, non pas suffire, mais convenir ? Beaucoup plus que ce que les technophiles avertis puissent penser, tant le web est aujourd’hui au centre des usages.
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