À Lausanne, en Suisse, Logitech fabrique des claviers et des souris depuis 1981. L’accessoiriste a proposé à Numerama de visiter son siège et ses laboratoires, dans lesquels des ingénieurs passent leurs journées à imaginer les périphériques de demain. Le nombre de tests pour une simple souris a de quoi surprendre.

Avec sa vue sur le Lac Léman et les montagnes enneigées, le siège social de Logitech, à Lausanne, a peut-être l’un des plus beaux emplacement du monde. Situé à quelques mètres de l’EPFL (l’École polytechnique fédérale de Lausanne), il est aussi parfaitement positionné pour recruter des jeunes ingénieurs en quête de reconnaissance chez un géant de la tech. Parce que oui, malgré les apparences, Logitech est un géant de la tech.

Depuis 1981, Logitech fabrique des accessoires pour ordinateurs. Le géant suisse, aussi installé aux États-Unis et en Asie, n’a pas peur de se comparer aux GAFAM sur certains aspects. Il faut dire qu’il les accompagne depuis toujours, sans jamais avoir tenté de les concurrencer, puisqu’il se veut « neutre et passionné ».

Tout le monde a déjà utilisé une souris Logitech, mais pas grand monde ne sait comment elles sont fabriquées. L’accessoiriste a proposé à Numerama de visiter ses laboratoires suisses, où des ingénieurs se cassent la tête pour « mettre de la science dans les produits ». Qui aurait pensé qu’un accessoire en apparence si simple pouvait être si compliqué ?

@numerama

J’ai servi de cobaye pour créer une souris numerama tech logitech

♬ son original – Numerama – Numerama

Entre 1 à 4 ans par projet, avec de nombreuses phases de test

« Le design, ce n’est pas que de l’apparence », explique Tanyel, un des responsables de l’équipe du même nom chez Logitech. « La traduction littérale est plutôt conception ».

Chez Logitech, une nouvelle souris est conçue comme un nouvel iPhone chez Apple. Les ingénieurs de l’entreprise passent des années à prototyper un nouvel accessoire, le placement de ses boutons, l’emplacement de l’électronique, les matériaux, son empreinte environnementale et son coût, puis fabriquent de très nombreux prototypes, d’abord en mousse, puis en impression 3D. Pour une souris verticale, la marque va imaginer plusieurs tailles différentes et les faire tester à l’aveugle, afin de recueillir de premières impressions. Rien n’est vraiment laissé au hasard.

Pour fabriquer une souris verticale, Logitech conçoit plein de tailles différentes, puis les soumet à des tests à l'aveugle. // Source : Numerama
Pour fabriquer une souris verticale, Logitech conçoit plein de tailles différentes, puis les soumet à des tests à l’aveugle. // Source : Numerama

Là où les constructeurs d’ordinateurs, comme Apple ou HP, voient leurs souris/clavier comme des accessoires, Logitech en fait le produit principal. Cela l’incite à passer des années à réfléchir et à discuter avant de se lancer, pour ne jamais se laisser berner par son instinct. La marque indique à Numerama qu’il lui faut entre 1 et 4 ans pour sortir un produit après avoir commencé à le dessiner.

Des souris en mousse, le secret de Logitech. // Source : Numerama
Des souris en mousse, le secret de Logitech. // Source : Numerama

Des antennes géantes et des machines coûteuses : le parcours d’une souris

Technologiquement parlant, le fonctionnement d’une souris n’a rien de bien sorcier. Un laser mesure un déplacement sur une surface et communique l’information avec un ordinateur par Bluetooth. Ce n’est pas pour rien qu’autant de marques fabriquent leurs propres souris en 2024, parfois à des tarifs très peu élevés.

Pourtant, chez Logitech, fabriquer une souris relève d’une maîtrise scientifique. Les ingénieurs que nous avons rencontrés ont pour point commun d’avoir passé plusieurs décennies à étudier un seul aspect du produit, pour en devenir les plus grands connaisseurs de la planète. Dans la « tracking room » par exemple, François Morier est un spécialiste des lasers. Son équipe a conçu les premiers prototypes de capteurs capables de fonctionner sur du verre, puis les a miniaturisés pour les intégrer à des souris. Son laboratoire teste le périphérique sur des surfaces claires, réflectives claires, réceptives foncées et diffusantes foncées, à différentes vitesses, pour les entraîner à ne jamais se tromper.

Des bras robotiques torturent les souris pour tester leurs limites. // Source : Numerama
Des bras robotiques torturent les souris pour tester leurs limites. // Source : Numerama

Logitech fabrique les lentilles de ses souris et conçoit ses propres machines de test, qui consistent à coller des souris à un bras robotique qui va les agiter dans tous les sens. Un ordinateur récupère les données des déplacements.

Dans un autre laboratoire, Logitech cache des chambres anéchoïques. La marque n’a pas peur de les comparer à celles d’Apple ou des autres géants de la tech, puisqu’elle dit penser que les marques avec un tel niveau de matériel sont assez rares. Là-bas, des ingénieurs spécialisés dans les ondes réalisent des tests étonnants. Une machine peut reproduire les ondes Bluetooth/Wi-Fi d’un café, d’un open space ou d’un salon, pour créer des interférences. Si une souris ne passe pas tous les tests, Logitech revoit sa conception, pour que l’utilisateur ne soit jamais déconnecté.

Dans cette salle, Logitech teste la résistance aux ondes de ses produits.
Dans cette salle, Logitech teste la résistance aux ondes de ses produits. // Source : Image fournie par Logitech

Dans le même laboratoire, plusieurs antennes géantes, dont le budget total dépasse facilement les 500 000 euros, analysent les émissions d’ondes des claviers et des souris. Logitech s’assure ainsi de valider les normes, tout en vérifiant que son produit ne consomme pas trop. L’autonomie d’une souris ou d’un clavier se joue à sa capacité à ne pas trop diffuser d’énergie.

Des capteurs sur le bras pour analyser la posture du dos

Enfin, Logitech dispose d’un autre laboratoire assez unique : l’Ergo Lab. La Dr. Agnès Masson, une spécialiste de l’impact physionomique des produits sur le corps humain, est sa responsable scientifique.

À l’Ergo Lab, Logitech teste, à l’aide de capteurs, l’impact de ses produits sur le corps humain. Être penché sur son ordinateur déforme la nuque, puisqu’elle ne supporte pas toujours le poids de la tête humaine. Pour chaque nouveau produit, Logitech s’assure que la forme proposée ne tire pas sur les os, au risque de provoquer des douleurs à moyen terme.

Un capteur dans la nuque, plein sur le bras. // Source : Numerama
Un capteur dans la nuque, plein sur le bras. // Source : Numerama

Pour le bien de cet article, Numerama s’est prêté au jeu. Plusieurs capteurs ont été collés sur le bras et la nuque de l’auteur de cet article, afin de modéliser en temps réel son squelette sur un ordinateur.

L’idée est d’analyser avec un signal électrique le muscle du pouce, des doigts (en cas de clic) et le positionnement des bras.

Tous les capteurs sur mon bras. // Source : Numerama
Tous les capteurs sur mon bras. // Source : Numerama

Le premier constat saute aux yeux : une souris horizontale, plus elle est petite, fait croiser les os de l’avant-bras. À l’inverse, une souris verticale, que Logitech vend sous l’appellation « souris ergonomique », permet aux os de rester séparés. Une personne gauchère préfèrera aussi une souris pensée pour la forme de sa main, pour ne pas se tordre dans tous les sens.

À l'écran, on peut voir une représentation du squelette en temps réel. // Source : Numerama
À l’écran, on peut voir une représentation du squelette en temps réel. // Source : Numerama

À chaque nouveau produit, Logitech réalise ce test avec une vingtaine de cobayes, pour observer les différences en fonction des tailles et des habitudes de chacun. À sa connaissance, aucune autre marque ne l’a copié sur cet aspect. Les mêmes tests sont réalisés pour les claviers.

Bref, il y a une différence entre une souris réalisée par un spécialiste des accessoires et une marque lambda, qui ne pensera qu’à l’apparence du produit pour le vendre. La conception d’une souris, plus de 40 ans après son invention, reste un exercice délicat. Pour notre part, nous avons survécu à l’électricité dans les bras.

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