Pour miner du bitcoin ou d’autres cryptomonnaies, il faut avoir recours à de puissantes cartes graphiques. Ces machines permettent de réaliser les calculs nécessaires au minage de cryptomonnaie, une activité de niche, mais en plein développement. Selon une étude de Precedence Search, le marché mondial du minage était de 1,92 milliard de dollars en 2022. D’ici à 2032, il devrait peser près de 7 milliards de dollars.
Des machines toujours plus puissantes (et coûteuses)
Il fut un temps où il était possible de miner des dizaines de bitcoins par jour avec un vieux PC. Mais aujourd’hui, il n’est plus du tout rentable pour un particulier de s’essayer au minage de bitcoin : il faut se tourner vers du matériel spécialisé. En effet, la puissance de calcul demandée par le réseau est telle que miner du bitcoin n’a jamais été aussi difficile.
Désormais, des entreprises se spécialisent dans la production et la vente de matériel taillé sur mesure pour cette activité. Ces firmes semblent avoir trouvé le bon filon, en proposant une offre high-tech : les machines les plus efficaces s’achètent pour plusieurs milliers de dollars, jusqu’à 8 000 euros. Ce marché est jugé prometteur par les investisseurs. Auradine, un fabricant d’ASICs [les cartes graphiques spécialisées dans le minage, ndlr] a ainsi levé 80 millions de dollars début 2024.
Une centralisation qui questionne
Pour investir dans ce matériel couteux, la plupart des mineurs optent à présent pour des « fermes » industrielles. À la place de bétail, c’est la puissance des machines de minage que l’on exploite dans des hangars dédiés à l’extraction de bitcoins. Cette activité requiert un flux massif d’électricité. C’est pourquoi l’industrie s’implante en priorité dans les régions du monde où l’électricité est bon marché.
Dès la création du bitcoin, Satoshi Nakamoto semblait avoir tout calculé. Il a conçu le système en prenant en compte cette sophistication croissante de la performance des processeurs. Dans un mail adressé en 2010, il écrit : « Au fur et à mesure que le réseau se développera au-delà d’un certain point, il sera de plus en plus confié à des professionnels disposant de fermes de serveurs dotés de matériel spécialisé ». Pour répondre à ce défi et garantir la pérennité du réseau, le créateur du bitcoin a donc élaboré un mécanisme spécial. Toutes les 2 semaines, la difficulté de minage du bitcoin s’ajuste pour conserver une vitesse de production constante : environ un bloc toutes les 10 minutes. Sans quoi, le matériel de nos jours ne ferait qu’une bouchée du réseau.
Une industrie rythmée par le halving
Tous les quatre ans, les mineurs de bitcoin doivent se réinventer. En effet, la récompense de minage est divisée par deux à chaque halving. À chaque fois, les machines voient leur prix devenir très volatil, et des traders spécialisés spéculent sur ce marché lucratif.
Pendant le bear market, le prix des machines a ainsi chuté de 80 % : tout le monde vendait son matériel, car le prix du bitcoin n’était plus suffisant. Seuls les mineurs les mieux préparés (et en général, les plus gros) ont survécu. Rachetant au passage le matériel de leurs concurrents en faillite. Dans la communauté Bitcoin, le halving est souvent salué comme un processus de compétition bénéfique pour l’écosystème, puisque seuls les « meilleurs » mineurs restent.
D’autres achètent tous les stocks disponibles afin de créer des pénuries, pour étouffer la concurrence, ou pour revendre leurs machines à prix d’or. En 2023, l’entreprise cotée en bourse Riot avait ainsi investi 290 millions de dollars pour acquérir 66 560 machines dernier cri.
Une concentration qui pose la question de la centralisation du réseau Bitcoin, censé être justement… décentralisé. De la même manière, le 19ᵉ siècle avait vu l’orpaillage artisanal du far west être progressivement remplacé par des mines d’or industrielles. Sauf que pour le bitcoin, la révolution s’est faite en à peine dix ans.
Un gaspillage d’énergie inutile ?
Alors que le bitcoin était censé être une simple monnaie numérique décentralisée, le projet a pris des proportions inattendues. Le minage en est un effet collatéral de plus en plus important, une condition nécessaire pour alimenter un réseau Bitcoin en expansion.
Une telle industrie est-elle vraiment souhaitable ? Ou est-ce un gaspillage inutile d’énergie au regard de l’utilité sociale du bitcoin ? Là encore, Satoshi Nakamoto anticipait la croissance du minage, dans un post encore consultable sur le forum bitcointalk. Pour lui, malgré la pollution et l’énergie dépensée, l’utilité du bitcoin allait s’imposer :
« L’extraction de l’or est un gaspillage, mais ce gaspillage est bien inférieur à l’utilité d’avoir de l’or comme moyen d’échange. Je pense qu’il en sera de même pour le bitcoin. L’utilité des échanges rendus possibles par Bitcoin dépassera de loin le coût de l’électricité utilisée. Par conséquent, l’absence de Bitcoin serait un gaspillage net ».
Cette vision ignore pourtant les angles morts de cet extractivisme 2.0, notamment la question de la production et du recyclage des composants électroniques. Car pour produire ces machines, il faut des mines de métaux qui sont, elles, bien réelles. Tout le contraire de ce que préconise la journaliste Célia Izoard, pour qui « le mouvement climat doit devenir anti-extractiviste », dans son livre « La ruée minière au XXIe siècle ».
Même si les mineurs clament que le bitcoin faciliterait l’adoption des énergies renouvelables, la question du recyclage des machines obsolètes reste un impensé dans l’industrie. Beaucoup de pays émergents accueillent les mineurs de bitcoins, où les normes en matière de traitement des déchets sont parfois peu respectées. À ce sujet, très peu de données existent. Et c’est bien ce qui inquiète.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !