C’est l’une des conséquences de la nouvelle stratégie de lutte contre le piratage des matchs de sport : jamais les efforts pour empêcher l’accès aux retransmissions piratées n’ont été aussi grands. C’est ce que reflète le bilan annuel de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) remis ce mardi 30 avril.
La stratégie renouvelée de la France contre le piratage sportif se manifeste à travers l’article L333-10 du Code du sport. Celui-ci offre à l’Arcom des prérogatives renforcées, qui ont été mobilisées dès début 2022.
Depuis le début de l’année 2022, les opérations de blocage visant les sites qui proposent des diffusions illégales de diverses compétitions (quatre sports sont mentionnés : football, rugby, tennis et sports mécaniques) n’ont cessé de s’accroître, essentiellement en raison d’un activisme beaucoup plus appuyé de l’Arcom.
La stratégie suivie consiste principalement à procéder au blocage des noms de domaine par les fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Bouygues Telecom, SFR, Free pour l’essentiel). Ce faisant, les internautes qui sont clients des opérateurs concernés, ne peuvent plus visiter les sites bloqués, sauf à opter par des solutions de contournement.
Des milliers de sites bloqués en deux ans
En 2022, 512 noms de domaine ont été bloqués sur injonction judiciaire et 772 sur notification de l’Arcom. En 2023, il y a eu 542 injonctions judiciaires et surtout 1 544 notifications de l’Arcom. Cela fait un total de 3 370 noms de domaine pris pour cible, dont 1 300 qui le sont toujours. Cela inclut notamment des sites miroirs, qui redirigent les internautes vers des sites bloqués.
Sans surprise, les actions se focalisent fortement sur le football, en raison de son immense popularité dans l’Hexagone (sur les 2 316 domaines visés par l’Arcom, 1 440 sont liés au foot). Le sport automobile arrive ensuite avec 602 blocages de l’Arcom. Le rugby est en troisième place (187 blocages), puis le tennis (87).
Parmi les compétitions bénéficiant d’une attention toute particulière, il y a La Ligue 1 et la Ligue 2 en France, la Bundesliga en Allemagne, la Premier League au Royaume-Uni et les grands tournois continentaux ou mondiaux (la Ligue des Champions, la Coupe du monde et la Coupe d’Afrique des Nations).
Pour les autres sports, on retrouve le Top 14 de rurby, deux tournois du Grand Chelem de tennis (Roland-Garros et Wimbledon) ainsi que la Formule 1 et le Grand Prix de moto. Pour l’ensemble de ces sports, l’Arcom est amenée à avoir quatre interlocuteurs réguliers : les chaînes Canal+ et BeIn Sports et deux fédérations (la LFP et la FFT).
L’un des grands enjeux de la lutte contre le piratage sportif est de parvenir à contrer une diffusion illicite, idéalement en amont, au pire pendant le match. En effet, contrairement au piratage d’une œuvre culturelle, qui garde son intérêt à travers le temps, la retransmission illégale d’un match perd sa valeur juste après la rencontre, une fois le résultat connu.
Sur ce terrain, l’Arcom souligne sa réactivité. Les demandes qu’elle reçoit sont traitées en moyenne en l’espace de six jours, sans passer par la case judiciaire. Dans certains cas, ce délai est ramené sous les 24 heures, pour relayer rapidement l’information au FAI, afin qu’ils prennent dans la foulée une mesure technique immédiate.
Les internautes ne rentrent pas tous dans le rang de l’offre légale
Derrière l’activité accrue de l’Arcom, il reste la question de l’efficacité de ces mesures. Si l’autorité loue la « forte réactivité » des quatre grands opérateurs (SFR, Orange Bouygues Telecom, Free), elle relève que la mise en œuvre du plan anti-piratage mobilise fortement le blocage par nom de domaine. Le blocage par adresse IP n’est pas mobilisé à l’heure actuelle
Il s’avère que le blocage par nom de domaine est contournable avec un peu de technique — en changeant les DNS sur son ordinateur ou en souscrivant une offre VPN. Dans les deux cas, cela permet de sortir en partie le FAI de l’équation et de rendre inopérante sa mesure technique de blocage. Cette difficulté, l’Arcom l’a relevée.
En effet, confrontés à un blocage de site, 20 % des internautes optent pour une mesure permettant de contourner les blocages (VPN ou DNS) D’autres (30 %) vont chercher un autre site illicite ou préfèrent payer un abonnement à une solution IPTV. En clair, la moitié des internautes ne rentre pas dans les clous. Cela monte même aux deux tiers dans certains cas.
Autre challenge : l’évolution des formes de piratage. Si les sites « classiques » sont encore des points de passage réguliers pour accéder à des contenus en dehors de l’offre légale, de nouvelles formes émergent, que l’on ne peut pas forcément repérer ou neutraliser avec les stratégies habituelles. C’est le cas des diffusions sauvages sur Twitch, X ou bien Telegram.
L’Arcom relève d’ailleurs une « légère progression du live streaming », à la différence des approches plus anciennes : les échanges en pair à pair (P2P), le téléchargement direct ou encore le streaming. Des pratiques en partie résorbées par le développement de l’offre légale, en ce qui concerne les contenus culturels.
Un phénomène qui peut « s’expliquer par le développement de nouveaux modes de diffusion comme la télévision par internet (IPTV) ou le recours aux réseaux sociaux pour partager des liens permettant d’accéder illégalement à des contenus en direct », confirme le rapport.
Cette réalité nuance quelque peu l’efficacité des actions de l’Arcom — une limite qu’admet l’institution, à travers les statistiques qu’elle avance. Ainsi, si l’audience moyenne des services illicites tend à diminuer du côté des sites classiques, elle augmente sans arrêt chez les applications IPTV. De toute évidence, c’est le signe que les internautes s’adaptent.
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