On le savait : le Computex est un salon où la part belle est faite aux composants. C’est ici que les grands constructeurs de cartes graphiques, GPU, CPU, ventilateurs et autres systèmes d’air conditionné rivalisent d’audace pour mettre en avant leurs petits bijoux technologiques. Et au milieu du pipeau marketing de rigueur, souvent à base de « matériaux conçus pour l’aérospatial », se retrouvent les vrais durs de la puissance : les overclockers.
Au fil des ans, ces passionnés de bidouillages en tous genres ont fait de leur pratique un véritable sport. Le but ? Pousser des composants dans leurs derniers retranchements. Un processeur vendu dans le commerce à une fréquence de 4 Ghz pourra se retrouver à tourner autour de 7 Ghz avec un overclocking savamment mené. Pour cela, ces experts utilisent un savoir tout autant, logiciel pour indiquer au composant ses nouvelles fréquences que matériel, pour préparer les composants, les isoler et surtout, les refroidir.
Ici, à Taipei, des équipes renommées vont s’affronter pour la Overclocking World Series organisée par HWBOT sur les nouveaux processeurs Broadwell-E d’Intel, secret de polichinelle sur le point d’être brisé, dont ils ont obtenu des unités exclusives quelques heures seulement avant les annonces du géant sur la scène du Convention Center taïwanais. Toute la journée, ces passionnés vont faire monter en puissance les processeurs en les refroidissant avec des solutions d’azote liquide. Il s’agit de gaz diazote refroidi en-dessous de son point d’ébullition, soit à -195,79 degrés Celsius pour le garder, comme son nom l’indique, à l’état liquide. Avec une telle fraîcheur, les overclockers auront donc de la marge.
Nous avons rencontré Shatul Durlabhji, sacré meilleur overclocker d’Inde, alors qu’il préparait sa carte mère avec son coéquipier. « J’ai très envie de voir jusqu’où iront ces nouveaux processeurs Intel, nous dit-il avant de poursuivre : Il paraît qu’on va pouvoir monter jusqu’à 5,6 Ghz ». Pour des processeurs dont les moins puissants ont une fréquence nominale de 3 Ghz, c’est un chemin qui les mènera presque au double de leur puissance. Mais pour cette compétition qui place ses épreuves un peu partout dans le monde, passée par Poitiers en France, le but n’est pas simplement une course à la puissance brute : il faut encore que le processeur overclocké puisse passer 3 benchmarks.
Les benchmarks, des logiciels qui utilisent au maximum les ressources d’un composant et lui attribuent un score de performance ont été calibrés pour l’occasion pour mettre à genou les processeurs. L’équipe qui a le plus gros score fera monter son champion sur la scène finale pour une bataille d’overclocking en live : pas de préparation, tous les coups sont permis. Le gagnant quotidien remportera alors une place pour la demi finale… et pourra rêver de remporter la compétition taïwanaise.
Il paraît qu’on va pouvoir monter jusqu’à 5,6 Ghz
Pour Shatul Rulabhji, plus connu dans la communauté sous le pseudo Toolius, la préparation en amont est décisive : « Nous sommes venus en avance pour améliorer l’isolation des composants de la carte mère », lance-t-il tournevis à la main. Cette opération va leur permettre de maîtriser le refroidissement des composants un à un pour que rien ne fonde quand viendra l’heure de faire monter la cadence.
Et contrairement au climat de Poitiers, plutôt tempéré, un challenge supplémentaire vient s’ajouter ici à Taipei : l’humidité. Le thermomètre oscille depuis quelques jours entre 35 et 40 degrés et l’humidité, entre 55 et 80 %. L’isolation parfaite des composants devrait les prémunir de toute mauvaise surprise — on s’inquiète alors un peu pour les autres équipes dont les sièges sont encore désespérément vides à quelques minutes du coup d’envoi de la compétition.
À l’autre bout de la salle, loin de ces experts de la fréquence, Intel a installé quelques ordinateurs pour initier les badauds de passage à la discipline. En quelques minutes, un ingénieur leur montre les bases de l’overclocking et les laisse jouer non pas avec de l’azote liquide, mais avec des processeurs refroidis par des systèmes de watercooling. Une compétition sans grand enjeu, mais qui créera peut-être des vocations.
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