La bataille navale de demain ne se fera pas seulement avec des torpilles et des missiles. Elle mobilisera aussi des lasers, des drones, mais également des canons électromagnétiques. En fait, ce virage est déjà amorcé dans certaines marines. On le voit dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine, où de nombreux drones navals sont employés.
Dans ce domaine, un pas supplémentaire a été franchi ce jeudi 30 mai 2024 avec l’annonce d’un accord entre la France, l’Allemagne et le Japon. L’ambassade française au pays du Soleil levant indique que les armées des trois États ont approuvé le cadre « pour la coopération sur les technologies des canons électromagnétiques ».
Outre les trois ministères, la coopération mobilise aussi l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL), avec une spécialisation dans la science et la défense. Parmi ses thèmes de recherche, on retrouve les technologies électromagnétiques ou encore les techniques du vol pour projectiles.
Selon l’ambassade, l’accord « vise à faciliter l’échange d’informations entre les quatre parties et à explorer les possibilités de collaboration en matière de recherche, de développement, d’essai et d’évaluation des technologies des canons électromagnétiques ».
À l’automne dernier, le Japon s’était livré à une démonstration de tir d’un prototype de canon électromagnétique en mer. L’agence japonaise pour l’acquisition, la technologie et la logistique (ATLA) — l’équivalent de la Direction générale de l’armement (DGA) en France — avait publié une vidéo sur X le 17 octobre 2023.
En partenariat avec la marine nipponne, l’ATLA avait monté un canon électrique (ou railgun en anglais) sur un bâtiment de guerre. Il s’agissait alors des « premiers essais de tir en mer » pour le pays avec ce type d’arme, selon le tweet. Des efforts similaires ont été rapportés ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis et en Chine.
Dans son message, l’homologue de la DGA a considéré que ces canons peuvent être une solution pratique « pour protéger les navires de guerre contre les menaces aériennes et maritimes ». Cela, en tirant des projectiles à haute vitesse « qui surpassent les armes à feu conventionnelles », était-il ajouté.
Des projectiles propulsés à des vitesses hypersoniques
Pour saisir les ordres de grandeur, une revue de la marine américaine faisait état en 2008 de travaux sur un canon électrique avec lequel le projectile est capable d’atteindre une cible à 370 km de distance avec une vitesse autour de Mach 5 à 7 (soit environ 6 100 à 8 600 km/h). On considère qu’au-delà de Mach 5, on entre dans le domaine de l’hypersonique.
Le principe du canon électrique (ou électromagnétique) est de mobiliser une importante puissance énergétique pour propulser une munition inerte contre une cible. Cette énergie électrique remplace alors une logique de propulsion reposant sur de la chimie et des explosifs — c’est l’approche classique suivie par les missiles, par exemple.
En bout de course, la munition lancée par un canon électrique détruit une cible grâce à son énergie cinétique, obtenue par son mouvement à très grande vitesse, au lieu de recourir à une charge explosive conventionnelle. C’est ici aussi l’option courante des armements contemporains, avec une détonation à l’impact ou à proximité.
À l’occasion de la Fête Nationale du 14 juillet, en 2023, l’Agence de l’innovation de défense avait mis en avant les travaux de l’ISL lors d’une exposition dans la cour des Invalides. Ainsi, un projet de canon électromagnétique innovant avait été exposé — avec la perspective d’une intégration sur un navire.
La mise au point d’un canon électrique fait face à des défis évidents. Cela inclut la production d’énergie pour l’éjection ultra-rapide des munitions, le ciblage ou encore les matériaux, pour qu’ils soient résistants à la chaleur et conducteurs. Mais cela présenterait aussi des avantages clés — c’est ce qui explique les recherches en ce sens.
En utilisant un canon électromagnétique, plus besoin d’avoir d’explosifs à bord — des munitions inertes servent à la place. Elles sont d’ailleurs plus rapides que des missiles classiques. En comparaison, le missile de croisière naval va à Mach 0,8 et l’Aster va à de Mach 3 à Mach 4.5 selon sa version. Et, surtout, le coût du tir est moindre.
Cela n’est pas anodin et on l’a vu en mer Rouge et dans le golfe d’Aden en début d’année. Des frégates françaises ont dû tirer des missiles Aster, qui coûtent à l’unité de 1 à 1,4 million d’euros, pour se défendre ou protéger des navires civils. Une dépense élevée, mais qui est toujours préférable compte tenu de ce qu’il faut protéger, et qui coûte encore plus cher.
Les lasers sont aussi considérés comme une piste très prometteuse, surtout pour détruire les drones sans dépenser des fortunes. Les canons électriques apparaissent moins pertinents contre ces petites cibles, mais ils pourront servir dans d’autres circonstances. Selon Zone Militaire, un démonstrateur côté français est attendu en 2028.
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