« La Commission européenne a offert à 𝕏 un accord secret illégal : si nous censurions discrètement les discours sans le dire à personne, ils ne nous infligeraient pas d’amende.
Les autres plateformes ont accepté cet accord.
𝕏 ne l’a pas fait. » : c’est donc ainsi qu’Elon Musk, patron de Tesla, SpaceX et X (Twitter), a choisi de répondre aux attaques de l’Europe. Pour le milliardaire, il est injuste d’être sous le coup d’une amende, évoquée plus tôt par Margrethe Vestager, Vice-présidente de la Commission Européenne, pour un manque de transparence lié au fonctionnement de la plateforme.
Rappelant sa volonté de « transparence », qui est pour lui un prérequis démocratique (sauf sur les vols de son jet privé), Elon Musk fait très vite un appel du pied aux complotistes en évoquant des accords secrets et la conformité à ces accords d’autres plateformes.
De quoi parle-t-il ? A-t-on des preuves de ce qu’il avance ? La Commission Européenne fait-elle passer des demandes de censure en échange d’une clémence, comme il semble le croire ? Interrogé sur X par nos soins, en l’absence de service de presse, le milliardaire n’a évidemment pas répondu. Mais il a continué de publier — tout comme Thierry Breton, qui a saisi la perche — nous permettant d’en savoir un peu plus sur ces accusations.
La clarification de Thierry Breton sur le DSA
Que dit le « camp Breton–Vestager » dans cette histoire ? Déjà, il faut se rappeler que le sujet tourne autour de la certification payante disponible sur X. Aujourd’hui, tout le monde peut avoir un badge bleu ou or. Les institutions, femmes et hommes politiques ont un badge gris qui est gratuit. Pour la Commission, « Il existe des preuves que des acteurs malveillants motivés abusent du « compte vérifié » pour tromper les utilisateurs ».
Dans un tweet, Thierry Breton précise qu’à l’ère pré-Musk, les coches bleues signifiaient l’accès à « une information de confiance ». C’est en partie vrai, car les équipes de Twitter certifiaient avant tout des médias, des journalistes et des chercheurs. Mais ce n’est pas exact pour autant : les badges bleus étaient donnés sans véritable contrôle. En France, n’importe quel stagiaire pouvait le recevoir s’il mettait un pied dans une grande rédaction parisienne, alors que de nombreux journalistes aguerris, travaillant au sein de médias plus petits, ne l’avaient pas.
De même, cela ne garantissait pas la fiabilité de l’information au sens strict : pour prendre un cas extrême, on se souvient qu’en 2019, Le Parisien s’est embourbé dans la diffusion d’une fake news autour de Xavier Dupont de Ligonnès et l’a tweeté avec son compte certifié. Mais ce qui est vrai, c’est qu’Elon Musk a choisi au rachat de Twitter de changer le rôle de la coche bleu : ce n’est plus qu’un badge pour différencier les personnes qui paient des personnes qui ne paient pas.
Une ferme à trolls russe souhaitant mener une campagne de désinformation en Europe peut donc se faire certifier, d’autant que, deuxième reproche de la Commission, X ne propose pas de « registre publicitaire fiable et consultable ». Notre ferme à trolls peut donc prospérer sans s’inquiéter et amplifier ses publications sans la moindre crainte.
Face à ces accusations, Musk a lancé un cinglant « Nous attendons avec impatience une bataille très publique devant le tribunal, afin que les peuples d’Europe puissent connaître la vérité. » Ce à quoi Thierry Breton a jugé de bon de répondre, afin de dissiper tout malentendu :
« Il n’y a jamais eu – et il n’y aura jamais – d’accord secret. Avec qui que ce soit. Le DSA offre à X (et à toute grande plateforme) la possibilité de proposer des engagements pour régler une affaire. Pour être très clair : c’est VOTRE équipe qui a demandé à la Commission d’expliquer le processus de règlement et de clarifier nos préoccupations. »
Et c’est là que tout, enfin, s’éclaire. Le DSA, rappelle Thierry Breton, permet aux entreprises qui ne le respectent pas un chemin vers un retour à la loi qui ne passe pas devant un tribunal et ne donne pas lieu à une amende. Cette option est simple à comprendre : l’accusé peut prendre les dispositions nécessaires pour ne plus être hors la loi. Dans le cas contraire, l’amende tombe. C’est ce choix offert à X et à toutes les entreprises qu’Elon Musk a donc choisi de monter en épingle et d’en faire un complot secret anti-démocratie, pour exciter ses fans. Quoi qu’on puisse penser de la coche bleu, de ses dérives passées et actuelles, difficile de voir un problème dans la situation évoquée par Breton.
Une conspiration contre Elon Musk ?
Mais c’est en faisant le pas de plus (de trop ?) dans les délires complotistes qui obsèdent le milliardaire qu’on trouve sa vraie bataille. Un tweet auquel il a répondu « Précisément », commente la publication initiale de Margrethe Vestager ainsi : « Ce ne sont PAS des chercheurs. Ce sont des agents de censure et des opérateurs politiques. Leur plan depuis le début a été d’utiliser le DSA pour forcer X à réembaucher l’équipe de censure qui a été licenciée lorsque Elon a pris le contrôle ».
Enfin, le complot mégalo dévoilé au grand jour : pouvoir savoir comment sont diffusées les publicités et si elles ne sont pas utilisées comme outils de propagandes illégaux par des comptes certifiés serait une manipulation visant à détruire l’héritage d’Elon et rétablir la censure.
Si la résolution de cette affaire ne passe par X, elle passera par les tribunaux. En tout cas, Musk et Breton ont l’air d’avoir envie d’en découdre.
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