Soyons honnêtes, nous aurions pu nous attendre à bien pire de la part du gouvernement et de la filière musicale pour ce guide intitulé « Adopte la Net attitude ! ». Certes, la forme impérative du titre laisse à désirer, mais ce procédé de propagande fait place à un texte en apparence conciliant.
Premier point positif, le guide rédigé par le forum des droits sur l’internet rappelle d’entrée que le réseau déconcentre la diffusion créative en permettant à tous de faire connaître ses œuvres. « Sur internet, toi aussi tu peux, à l’occasion, créer et devenir ton propre éditeur !« , rappelle le guide. « Certains font leur propre site de musique : ils mettent en ligne les morceaux qu’ils ont eux-mêmes composés et interprétés et peuvent ainsi faire partager leur talent« . Témoin, Dombrance, qui raconte aux jeunes pirates : « C’est en diffusant ma musique sur internet que j’ai pu rencontrer CharlElie, qu’il a pu écouter ma musique et que j’ai pu me faire connaître« .
« Pourtant, (…) l’économie du « tout gratuit » est une fiction !« , prévient dans son édito Isabelle Falque-Pierrotin, la Présidente du Forum des droits sur l’internet. « La plupart des acteurs du monde de la création ne sont pas d’accord pour que leurs œuvres circulent gratuitement sur le Net. Et le droit de la propriété littéraire et artistique les protège, comme il te protège lorsqu’il s’agit de ta musique ou de ton film perso« , ajoute-t-elle.
Un flou soigneusement entretenu sur le droit à la copie privée
Deuxième point positif, le guide est d’une assez grande justesse dans son traitement juridique, et parvient à rester accessible aux collégiens. Un exploit, réalisé en partie grâce à l’intervention bienveillante de Pierre Sirinelli, professeur de Droit spécialiste du droit d’auteur. Néanmoins, et c’est là une constante sur les 16 pages du guide, on sent que la notion de copie privée embarasse, et que son traitement est volontairement biaisé.
Page 7, il est bien rappelé que l’article L122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite« . Et bizarrement, le guide fait l’impasse sur l’article suivant, qui dispose pourtant que l’auteur ne peut interdire les copies dès lors qu’elles sont réalisées uniquement pour l’usage privé de celui qui copie.
La seule mention de la copie privée est faite par l’évocation de la taxe sur les CD et autres média vierges :
Les ayants droit reçoivent aussi de l’argent lorsque tu achètes des CD ou des DVD vierges. Cela s’appelle la rémunération pour copie privée, en place depuis 1985. Mais cet argent là ne couvre pas tous les frais de la création, de la production et de la
distribution. Il compense simplement une partie de l’argent qu’ils auraient
pu gagner si tu avais acheté l’œuvre au lieu de la graver.
On remarque aussi l’embarras lorsqu’est posée la question de la légalité des téléchargements sur les réseaux P2P. Le guide explique qu’en peer-to-peer, le téléchargement n’existe pas sans l’upload, et donc qu’il est toujours illégal. Et lorsqu’il parle uniquement de téléchargement (que l’on peut considérer comme copie privée), le guide se défausse et manque à son rôle d’arbitre en indiquant que « les ayants droit estiment que cet usage leur cause des dommages importants et ne relève pas de la copie privée« . Oui, mais que dit la loi ? Ce que le guide n’ose pas dire.
Finalement, le guide se révèle très consensuel et n’aura certainement qu’un impact extrêmement minime sur le comportement des jeunes internautes. Il ne changera rien sur le nombre de fichiers piratés mais aura au moins le mérite de rappeler que la création existe ailleurs qu’à travers le catalogue des majors…
Diffusé à 450.000 exemplaires, c’est plutôt une bonne publicité pour le Peer-to-Peer.
Voir le guide :
Adopte la Net Attitude ! (.pdf)
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