Avec la gomme magique de Safari, Apple peut-il transformer le web ?

Avec iOS 18, iPadOS 18 et macOS Sequoia, Apple introduira quelques nouveautés dans son navigateur Safari à la rentrée. La marque en a présenté quelques-unes en juin 2024 durant sa conférence WWDC (un système de résumé des pages, un mode lecteur personnalisable et la possibilité d’absorber une vidéo dans le lecteur natif d’Apple), mais en a caché une, pourtant importante, jusqu’au 5 août.

Les cinquièmes bêtas d’iOS, iPadOS et macOS, disponibles aujourd’hui, introduisent Distraction Control, un nouveau système ambitieux qui pourrait faire paniquer certains éditeurs de sites web. Pour cause, il permet de supprimer des pop-up agaçants, des bannières d’abonnement ou des publicités (provisoirement), pour fluidifier la lecture.

Pourquoi annoncer Distraction Control le 5 août, près de deux mois après la WWDC ? Difficile de croire en une simple coïncidence, alors que les rumeurs évoquaient une « gomme magique » pour Safari avant la conférence de juin. Apple sait probablement que son outil anti-distraction risque de faire parler de lui, d’où sa décision de l’annoncer dans le courant de l’été.

Distraction Control : une gomme pour supprimer les éléments d’une page web

Avec Distraction Control, une fonction bientôt disponible sur iPhone, iPad et Mac, Apple va permettre à ses utilisateurs, même s’ils n’y connaissent rien en HTML, de supprimer les éléments d’une page web.

Un nouveau bouton « Hide distracting items » fait son apparition à gauche de la barre de recherche, avec la possibilité de toucher des éléments que l’on souhaite effacer. Il n’y a plus besoin de jouer avec l’inspecteur web ou d’installer une extension, il suffit de cliquer sur un élément, comme un pop-up, pour le faire disparaître. Apple se paye même le luxe d’une animation façon Thanos, avec l’élément qui se désintègre.

Officiellement, Apple ne s’attaque pas au marché de la publicité avec Distraction Control. L’outil peut tout faire disparaître sur une page (y compris le logo d’un site, une image, un sommaire ou une pub…), mais toutes les actions doivent être effectuées manuellement (Distraction Control ne suggère rien automatiquement, c’est l’utilisateur qui choisit). Chaque action peut ensuite être annulée si on souhaite faire réapparaître un bloc supprimé par erreur. Distraction Control dispose d’une mémoire, ce qui veut dire qu’un bloc effacé une fois ne réapparaîtra pas lors des prochaines visites (mais sa mémoire n’est pas synchronisée entre ses différents appareils).

Selon Apple, les publicités, même si elles peuvent être supprimées provisoirement, ne sont pas totalement bloquées par son système, puisqu’elles s’auto-rafraîchissent à chaque actualisation d’une page. En revanche, les promotions, les newsletters, les bannières, les incitations à la connexion, les suggestions de téléchargement ou les formulaires d’abonnement peuvent totalement être bloqués. Un site d’e-commerce, par exemple, ne pourra plus vous proposer de promotion à chaque ouverture.

Est-ce légal en Europe, alors que le RGPD force les utilisateurs à consentir à l’utilisation de cookies à chaque chargement ? Apple indique que oui, puisque chaque suppression est manuelle. L’utilisateur peut techniquement supprimer le pop-up RGPD d’une page, ce qui reviendrait à accepter et à la cacher. Il ne s’agit pas d’un système de blocage auto des fenêtres « problématiques ».

Apple, dans la cible des annonceurs et des régulateurs ?

Avec Distraction Control, Apple positionne Safari comme l’inverse de Google Chrome. Son navigateur ne cesse de gagner des fonctions dédiées à la protection de la vie privée. Avec cette nouvelle fonction, il devient le premier capable de modifier une page web à la guise de l’utilisateur, au risque de heurter le modèle économique de nombreux sites. Apple se défend avec le côté facultatif et manuel de Distraction Control, mais cette nouveauté est tout de même disruptive. Techniquement parlant, les propriétaires d’iPhone, iPad ou Mac vont pouvoir nettoyer leurs sites préférés, sans avoir à se poser la question de la vision du créateur.

En épargnant le monde de la publicité (que l’on sait féroce), Apple espère sans doute ne pas trop créer de vague avec Distraction Control. La fonction devrait probablement ravir les utilisateurs, même si on peut imaginer que les grandes plateformes protesteront rapidement. Son lancement pour le grand public devrait intervenir en septembre, avec les versions finales d’iOS 18, iPadOS 18 et macOS Sequoia.