Face à des satellites douteux, la France travaille sur des parades. Un programme baptisé TOUTATIS doit être lancé prochainement, avec deux nanosatellites. Objectif : tester des scénarios de défense contre des ingérences spatiales.

On connaissait jusqu’à présent l’astéroïde (4179) Toutatis, nommé en référence au dieu des Gaulois. Désormais, il faudra compter sur le système satellitaire TOUTATIS. Un clin d’œil évident à la divinité, mais surtout un acronyme signifiant ici « Test en Orbite d’Utilisation de Techniques d’Action contre les Tentatives d’Ingérences Spatiales ».

Car TOUTATIS est un nouveau programme spatial lancé par la France, sous l’égide de l’Agence de l’innovation de défense, lancée en 2018 et placée sous l’autorité de la direction générale de l’Armement (DGA). Précisément, il s’agit d’une expérimentation qui consistera à lancer deux nanosatellites en orbite basse autour de la Terre.

Baptisé Splinter, le premier engin est un satellite « d’action en orbite basse », selon l’agence. Il dispose « d’une capacité de manœuvre élevée et d’un ensemble de sous-systèmes permettant une autonomie d’approche et d’actions. Le second appareil, Lisa1, est qualifié pour sa part de satellite « guetteur ».

Une vidéo accompagne la présentation du projet TOUTATIS, faite ce mardi 17 septembre. Publiée sur le compte Twitter de l’agence, elle montre, via des images de synthèse, un scénario entre Splinter et Lisa1. Dans celui-ci, les deux engins finissent se rencontrent et s’observent, puis on assiste à une mesure d’autodéfense.

En particulier, une capacité de balayage de l’espace est mise en avant, afin de chercher des cibles d’intérêt, via des moyens optiques notamment. On voit également l’un des deux engins tirer un faisceau laser pour éblouir les caméras de l’autre, et ainsi le neutraliser. L’ordre de tir est déclenché par un opérateur depuis un centre de commandement.

L’affaire du satellite russe Louch Olymp

Ce programme, qui mobilise la startup toulousaine U-Space, spécialisée dans les nanosatellites, et le géant de l’armement français MBDA, illustre un cas de figure réel, rendu public en 2018 par la ministre des Armées de l’époque, Florence Parly, et démontrant la relative vulnérabilité de certains satellites hexagonaux.

L’intéressée avait reproché aux Russes d’avoir poussé un de leurs satellites, Louch Olymp, à évoluer à proximité du satellite franco-italien Athena Fidus, qui est en orbite depuis 2014 et est dévolu aux communications militaires. Pour Florence Parly, Louch Olymp s’était retrouvé « un peu trop près », et avait qualifié la manœuvre d’acte « inamical ».

« Non, l’espionnage et les actes offensifs, ça n’arrive pas qu’aux autres. Oui, nous sommes en danger, nos communications, nos manœuvres militaires comme nos quotidiens sont en danger si nous ne réagissons pas », avait-elle déclaré à l’époque, en assurant avoir « pris les mesures qui s’imposaient ». Et cela passe par une stratégie spatiale plus musclée.

Florence Parly
Florence Parly. // Source : Lisa Ferdinando

Les faisceaux lumineux apparaissent être une piste pour contrer ou détruire un satellite sans occasionner de débris en orbite, au lieu de tirer un missile depuis le sol, ce qui serait contreproductif. La piste est explorée par la DGA et l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), avec des « armes antisatellites à énergie dirigée ».

Quand elle est encore en poste, Florence Parly avait d’ailleurs évoqué cette orientation, en parlant de futurs « petits satellites patrouilleurs qui […] permettront de détecter, caractériser et attribuer à leurs auteurs ce type de manœuvres inamicales. Certains pourraient aussi embarquer ddes caméras à 360° et des « lasers de puissance ».

Plusieurs projets satellitaires dans l’armée

Selon le ministère des armées, TOUTATIS est la « première étape » d’une stratégie de défense en orbite basse. Elle s’inscrit dans l’opération ARES, le nom du dieu de la guerre, et un acronyme signifiant Action et RÉsilience Spatiale. Elle est pilotée par la DGA, afin de garantir la maîtrise de l’espace et se préparer, le cas échéant, à un conflit spatial.

L’armée française supervise plusieurs expérimentations et projets. En 2020, il a été évoqué le satellite YODA (Yeux en Orbite pour un Démonstrateur Agile), attendu pour 2025. En 2023, c’est HYP4U, dédié à l’observation hyperspectrale, qui a fait parler de lui. Et cette année, un satellite militaire, Keraunos, a testé une liaison optique par laser.

Composante spatiale optique CSO
Image de synthèse du système CSO. // CNES

Au-delà de ces projets avancés, la France renouvelle également plusieurs capacités spatiales, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) sur la période 2024-2030. Notamment, la France doit lancer la troisième unité de sa Composante Spatiale Optique (CSO-3) d’ici fin 2024, après CSO-1 en 2018 et CSO-2 en 2020.

Outre les commandes et les livraisons de stations de communications satellitaires Syracuse IV et de récepteurs P3TS pour l’année 2024, la France doit réceptionner deux nouveaux satellites (Iris pour l’observation optique, Céleste pour le renseignement électromagnétique) et installer un système de commandement des opérations spatiales d’ici à six ans.

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