Une entreprise présentant une facture France Télécom annuelle de 100 000 euros sur l’année 2004 ne paiera, en optant pour une offre VoIP par WiMAX, que 50 000 euros l’année suivante. Les chiffres présentés par le PDG d’Altitude Télécom à Patrick Devedjian, ministre de l’Industrie, semblent sans rapport avec les soucis de l’industrie culturelle face au « piratage ». Et pourtant…

Internet ne secoue pas uniquement le petit monde du droit d’auteur, mais bien d’autres secteurs. Lorsque l’on y fait attention, on remarque en effet que le réseau des réseaux bouleverse un grand nombre d’industries et de modèles économiques. Quelques exemples parmi tant d’autres :

  • les marchands au détail, soumis à une concurrence féroce et nationale par l’apparition des comparateurs de prix, contraints désormais de se battre avant tout sur le terrain de la qualité du service ;
  • les services postaux, d’abord profondément heurtés par le courrier électronique, de plus en plus renforcés dans leur rôle de livreurs par la croissance de la vente par correspondance ;
  • le minitel, fierté française, dont la disparition due à la gratuité d’internet a largement encouragé le développement du SMS surtaxé ;
  • les encyclopédies papiers, de plus en plus reléguées au fond des placards par la force des moteurs de recherche, doivent désormais se décliner sous des formes multimédia plus attractives ;
  • la Française des Jeux, qui s’est crue frappée par les sites de loterie, s’est d’abord trompée de stratégie en lançant FDJeux.com, et renforce au contraire ses jeux de grattage en carton ;
  • etc., etc.

L’industrie du disque et l’industrie du cinéma sont elles-mêmes frappées, il est vrai, par internet. Mais pourquoi devraient-elles être les seules à ne pas réagir de façon constructive, en modifiant leur stratégie, en s’adaptant à la nouvelle demande ?

Un dernier exemple de l’impact d’internet sur les industries est celui livré par Altitude Télécom, seul détenteur d’une licence WiMAX en France. 01Net rapporte en effet que Patrick Devedjian, ministre de l’Industrie, s’est déplacé sur le chantier de l’autoroute A28 (reliant Rouen à Alençon) pour participer au lancement d’une expérimentation de voix sur IP (VoIP) sur WiMAX. « Pour l’occasion, l’opérateur normand a installé sur les lieux un poste télécoms relié en WiMAX une station de base située à une dizaine de kilomètres« , explique le journal. « Cette dernière route le trafic via une liaison hertzienne jusqu’au premier point de présence de l’opérateur. De là, les communications sont acheminées par le réseau de fibre optique jusqu’au commutateur de l’opérateur à Paris ». A priori, il ne s’agit là que d’une technologie de communication, et il n’y a rien de remarquable. Mais ce serait oublier qu’avec la VoIP, l’ensemble des communications sont tarifées de manière unique, quelles que soient les destinations. Et pour peu que la bande passante soit payée au forfait, le montant des communications reste fixe quel que soit le temps passé au « bout du sans-fil ».

Avec un logiciel de VoIP tel que Skype, disponible sur Pocket PC, la gratuité des communications mobiles internationales devient de plus en plus une réalité. Pour France Telecom et l’ensemble des opérateurs, c’est une menace économique à prendre très au sérieux. On comprend dès lors les enjeux derrière les conditions d’obtention des licences WiMAX, et l’intérêt pour SFR ou Orange d’installer leurs propres hotspots wifi dans le tout Paris…

Là encore, c’est la concurrence industrielle qui joue, et il n’y a pas de loi qui interdit au public d’installer un réseau wifi communautaire ouvert dans toute la ville, pour assurer la gratuité des communications (voir par exemple à ce sujet, l’initiative Nantes-Wireless). Il n’y a pas de propriété intellectuelle sur l’onde radio qui véhicule les informations. Le marché est libre.

Ce qui permet à l’industrie culturelle de ne pas réagir, de ne pas s’adapter, et de s’en prendre au contraire au public qui ne fait que suivre les évolutions rendues possibles par internet, c’est bien l’existence d’un droit d’auteur trop fort et trop inadapté aux changements d’internet. En se reposant sur ce droit pour éviter d’évoluer comme l’ensemble des autres industries, l’industrie culturelle rate la transition vers le monde interconnecté et déconcentré.

En souhaitant renforcer encore et toujours le droit d’auteur, l’industrie se tend son propre piège…

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