Les élections présidentielles américaines se tiendront le mois prochain, en novembre 2024. Mais, comme il s’agit d’un scrutin indirect, les citoyens doivent élire un collège électoral au Congrès. C’est dans ce contexte qu’en Virginie (8e district) s’affrontent Don Beyer, un candidat démocrate qui avait gagné en 2022, et Bentley Hensel, un candidat « indépendant » qui tient aussi la profession d’ingénieur en informatique.
Depuis la rentrée, Beyer ne souhaite plus débattre avec Hensel, estimant que cette partie-là de la campagne est arrivée à son terme. C’est là que le malaise commence : Hensel a décidé de concevoir un chatbot de son concurrent, Beyer, pour débattre contre ce chatbot. Sans la permission de Beyer, bien entendu.
« CandidateGPT »
Bentley Hensel a conçu un chatbot qu’il a appelé CandidateGPT — car il a utilisé une API d’OpenAI (ChatGPT). À l’image de toute intelligence artificielle générative, il a dû l’entraîner. En l’occurrence, il s’est servi des sites web officiels de son concurrent, mais aussi de ses communiqués de presse et des données de la Commission électorale fédérale.
Comment se justifie Hensel ? « Don Beyer comprend que la meilleure stratégie est d’éviter toute apparition publique, mais les électeurs de cette circonscription méritent de l’entendre, lui et tous les candidats, sur les questions qui les préoccupent », dit-il auprès de Reuters.
Reuters a d’ailleurs pu tester le fameux chatbot. Lorsqu’ils lui ont demandé sa position sur les armes à feu, le faux Don Beyer a répondu : « Nous avons dépassé le stade de la crise des armes à feu en Amérique (…) l’arrêt de la violence des armes à feu a été l’un des principaux axes de mon travail. » Le bot s’exprime effectivement à la première personne : « Je soutiens fermement le droit des femmes à choisir. »
Don Beyer n’a pas attaqué Hensel en justice et ne s’est pas exprimé du tout sur le sujet. Enfin, presque. Un représentant de sa campagne a déclaré que Beyer « continue d’être une voix de premier plan au Congrès sur la nécessité d’améliorer la réglementation de l’intelligence artificielle, y compris la législation visant à empêcher les acteurs malveillants d’utiliser l’IA pour diffuser des informations erronées sur les élections ».
Si le « faux » débat avec le chatbot devait initialement se tenir le 17 octobre, il y a eu un petit plot twist le 10 octobre : OpenAI a suspendu le compte de Hensel, selon ses propres révélations. Lequel a alors décidé de faire appel à d’autres API. Il promet par ailleurs de créer un chatbot Harris vs. Trump.
Un coup d’épée dans l’eau, mais inquiétant tout de même
Le résultat de l’élection dans ce district ne fait pas réellement de doute : Hensel n’a aucune chance. C’est sans doute pour cette raison que Don Beyer a choisi d’ignorer ce chatbot, qui relevait surtout d’une stratégie de communication pour faire parler de lui. Cela résonne un peu comme un coup d’épée dans l’eau : les posts/tweets de Hensel sur le sujet récoltent à peine un ou deux likes. Cette tentative un peu solitaire et pathétique pourrait presque prêter à sourire, si cela ne revêtait pas un caractère réellement inquiétant pour l’avenir.
Cet étrange chatbot s’inscrit dans un débat à plus grande échelle sur l’usage de l’IA dans la politique (comme une vidéo anti-Biden faite par IA ; des images mensongères de Taylor Swift…). Comme le note Reuters, pas moins de 26 États américains planchent sur un encadrement légal de l’IA dans les campagnes, notamment pour interdire les deepfakes et autres simulations trompeuses d’hommes et de femmes politiques. Aucune loi n’est encore passée, en tout cas pas à temps pour ces élections 2024.
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