Le Mac mini M4 présenté par Apple ce 29 octobre 2024 a tout pour plaire : tout petit, avec une puce puissante et un tarif de départ séduisant. Pourtant, Apple a dégainé un nouvel argument de vente : son ordinateur serait « neutre en carbone ». Un discours opportuniste quand on sait que les produits électroniques polluent particulièrement. Derrière cette déclaration, il y a plusieurs sujets en embuscade : une législation européenne qui arrive et une évaluation de l’empreinte carbone complexe.
« Neutre en carbone » : ça veut dire quoi chez Apple ?
Apple le revendique depuis quelques années : l’entreprise sera totalement neutre en carbone, ses produits aussi, d’ici à 2030. Ce qui signifie que l’empreinte carbone issue de ses activités devrait être compensée en totalité. L’année dernière, Apple revendiquait pour la première fois des produits neutres en carbone : les Apple Watch Series 9, Watch Ultra 2 et Watch SE (2022), sur certains modèles seulement.
Concernant son Mac mini, Apple assure qu’il est « constitué au total de plus de 50 % de contenus recyclé, incluant de l’aluminium 100 % recyclé dans le boîtier, de l’or 100 % recyclé dans le placage de tous les circuits intégrés conçus par Apple, et des terres rares 100 % recyclées dans tous les aimants », peut-on lire dans son communiqué. C’est bien, mais le recyclage aussi a une empreinte carbone.
Quant à l’électricité utilisée, Apple indique qu’elle « provient de sources 100 % renouvelables », notamment grâce à des éoliennes. Au niveau du transport, l’entreprise privilégie le fret maritime : par des effets d’échelle, c’est le mode de transport le moins polluant (on peut transporter beaucoup de stocks sur un même cargo). Même si ça n’empêche pas Apple d’utiliser des avions pour livrer ses derniers iPhone.
Mieux encore : Apple dit compenser l’électricité que vous allez consommer à utiliser le Mac mini. Pour ce faire, la marque « a investi dans des projets d’énergie renouvelable à l’échelle mondiale ». Pour le reste, Apple dit engager des crédits carbone pour « compenser » ces émissions. Un crédit carbone, c’est un certificat qui indique que des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) ou autres gaz à effets de serre (GES) ont été évitées, réduites ou éliminées.
Les crédits carbone achetés par Apple : qu’est-ce que ça vaut ?
Dans le cas d’Apple, cela consiste principalement à réhabiliter des forêts, comme c’est le cas au Brésil. L’entreprise le fait via son fonds d’investissement Restore Fund, lancé en 2021. Ces crédits respectent les normes internationales, comme celles de Verra (pour Verified Carbon Standard).
Un programme qui n’est pas sans critiques : en 2021, une enquête du Guardian démontrait que plusieurs programmes de protection des forêts soutenus par Verra manquaient de crédibilité. Ces programmes réalisent des estimations des émissions de gaz à effets de serre évitées. Ils empêchent la déforestation et le défrichement des terres qui seraient survenus sans eux. Mais pour les journalistes, « leurs prévisions étaient souvent incohérentes par rapport aux niveaux antérieurs de déforestation dans la région et que, dans certains cas, la menace pour les arbres avait peut-être été surestimée. » Quant aux plantations d’arbres, il faut pouvoir prouver qu’elles ont eu lieu, suivre les forêts plantées, les entretenir durant plusieurs dizaines d’années.
Le journal anglais est même allé plus loin deux ans plus tard. Dans une enquête réalisée avec l’allemand Die Zeit, il avait écrit que plus de 90 % des crédits carbone liés à des projets de reforestation certifiés par Verra ne valaient rien. Cette analyse se base sur des interviews, des investigations sur le terrain ainsi que des publications scientifiques. Alors, Verra s’était défendue : l’ONG assurait que l’enquête comportait des erreurs massives de calculs. Ce qui ne l’a pas empêchée de revoir ses méthodes de calcul et d’uniformiser sa méthodologie avec ses partenaires.
Dire que son produit est « neutre en carbone », c’est légal ?
À partir de là, on pourrait se demander si revendiquer la neutralité carbone d’un produit est légale ? Dans les faits, ça l’est toujours. Mais pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), ce n’est pas une pratique à avoir. Selon elle, « ces arguments peuvent tromper le public, freiner des changements de comportements et provoquer des effets rebonds négatifs. » Elle recommande de ne pas parler de neutralité carbone : même pour les entreprises et les organisations, cela représente un risque de controverse et représentera un risque juridique.
Si Apple n’est pas obligée de suivre les recommandations de l’ADEME, elle est obligée de suivre la loi européenne. Le 17 janvier dernier, le Parlement européen a adopté une loi interdisant le greenwashing, ou « écoblanchiment », qui doit entrer en vigueur en 2026 dans tous les pays membres. Faire référence à une « neutralité carbone » sera interdit, le texte est clair : « Affirmer, sur la base de la compensation des émissions de gaz à effet de serre, qu’un produit a un impact neutre, réduit ou positif sur l’environnement en termes d’émissions de gaz à effet de serre. » Apple et son « Carbon Neutral », ce sera déjà bientôt terminé en Europe.
Acheter un Mac mini, est-ce écologique ?
La réponse est simple : non. Acheter un Mac mini n’est pas un acte écologique : malgré les matériaux recyclés et la compensation carbone de sa fabrication, de son usage et de son recyclage, c’est toujours un acte polluant. Ce qu’il faut plutôt se demander, c’est : si j’ai besoin d’un ordinateur de bureau et que l’écologie me touche particulièrement, quel appareil choisir ?
Là-dessus, Apple apparaît comme le premier de la classe : un rapport sur l’impact environnemental du Mac mini est disponible sur son site, ainsi qu’un rapport de neutralité carbone. On peut y consulter la méthodologie de calcul et selon Apple, le Mac mini M4 produit 32 kg de CO₂e (équivalents CO₂), 50 pour la version M4 Pro. Des émissions qui sont soi-disant compensées par des crédits carbone.
À titre de comparaison, le « mini PC » Asus le moins polluant en termes d’émission de GES est le Mini PC PL63, avec 198 kg de CO₂e (en prenant en compte la fabrication, l’usage et le recyclage). Acer quant à lui prend des pincettes pour sa Revo Box, avec environ 229 kg de CO₂e, plus ou moins 51 kg (toujours avec la fabrication, l’usage et le recyclage). Du côté de Lenovo, si l’on prend le ThinkCentre neo Ultra, il émet 467 kg de CO₂e, plus ou moins 129 kg. Si l’argument de vente « neutralité carbone » d’Apple est critiquable sur plusieurs points, les émissions de GES de son Mac mini M4 sont significativement moins élevées que celles d’autres constructeurs d’ordinateurs « équivalents ».
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