C’était une question juridique qui avait agité les réseaux sociaux à la fin du mois d’octobre. Les lunettes Meta Ray-Ban sont-elles légales en France et en Europe ? L’interrogation n’est pas infondée : elles ont en effet la faculté de pouvoir filmer et photographier grâce à la présence d’un appareil photo placé dans la monture.
Sollicités par les médias, comme Numerama et BFM, des juristes ont apporté rapidement un premier éclairage, en soulignant qu’il n’y avait pas dans la loi une interdiction explicite de ces lunettes connectées. Certes, la législation comprend d’autres dispositions d’interdiction, mais elles visent des systèmes précis (comme la vidéosurveillance statique).
Le parallèle avec la vidéosurveillance dans la rue est une impasse
Aujourd’hui, c’est au tour de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), préalablement contactée par Numerama d’apporter des éléments complémentaires. L’autorité administrative indépendante, chargée de la protection des données, par ailleurs saisie d’une plainte sur ces lunettes connectées Meta Ray-Ban, conforte la lecture initiale des juristes, avec toutefois quelques subtilités.
Ainsi, concernant la réglementation spécifique liée à la vidéosurveillance, fixée dans le Code de la sécurité intérieure, la Cnil relève qu’elle « n’est pas applicable aux lunettes connectées », parce que ce code juridique « concerne la poursuite de finalités précises dans des contextes limités ». Une limite que l’avocat Alexandre Archambault avait relevée, d’ailleurs :
« Ce n’est pas parce que la doctrine est relativement stabilisée sur la vidéosurveillance statique depuis un bâtiment privé d’habitation ou un commerce qu’il faut en conclure que la solution vaut forcément pour une solution embarquée en domaine public », avait-il prévenu. D’autres finalités prévalent avec les Ray-Ban et, donc, d’autres règles.
Le type d’usage et le contexte déterminent si le RGPD s’applique ou pas
Cela dit, la Cnil tient à rappeler que ce n’est pas le far west pour autant. Si le parallèle est écarté avec la captation de l’espace public par une caméra de vidéosurveillance, l’instance rappelle que d’autres dispositions s’appliquent toujours, notamment le RGPD (Règlement général sur la protection des données). Deux éventualités sont à considérer :
S’il s’agit d’un usage correspondant « à une activité strictement personnelle comparable à l’utilisation d’un smartphone », le RGPD ne s’applique pas à ces lunettes connectées. « Le texte prévoit en lui-même une exception à ces usages domestiques », rappelle la Cnil. À condition, toutefois, de ne pas publier les images en ligne.
Dans ce cas de figure, la Commission nationale de l’informatique et des libertés prend comme exemple un touriste qui tourne des images de sa famille ou de ses amis durant ses vacances, puis montre ce qu’il a enregistré à ses proches, chez lui. En revanche, s’il y a une diffusion en ligne, alors les dispositions du RGPD s’appliquent intégralement.
C’est également le cas d’une utilisation de ces images dans un cadre professionnel ou associatif, ou bien si les photos et les vidéos « font l’objet d’un croisement avec d’autres informations qui dépassent le cadre domestique ». En somme, dès que l’on sort du champ de l’exception prévue par le RGPD, les règles reprennent effet.
Garder un usage raisonné et raisonnable, et respecter les droits des personnes à l’image
Comme tout appareil permettant d’enregistrer ou de filmer dans l’espace public, la Cnil rappelle que « l’appréciation des modalités d’application des principes du RGPD et de la légalité d’un usage spécifique [des lunettes Meta Ray-Ban] dépend du type d’usage et du contexte de l’utilisation ». En somme, c’est du cas par cas.
Il y a toutefois une ligne directrice : ne pas faire n’importe quoi. L’usage de ces lunettes sera par exemple illégal si « le principe de loyauté et de transparence qui impose que les personnes filmées ou photographiées soient informées du traitement de leurs données personnelles et mises en mesure d’exercer leurs droits » n’est pas respecté.
Cependant, si l’on dresse un parallèle avec les pratiques actuelles que l’on voit avec les smartphones, on devine que l’usage réel du public avec de telles lunettes connectées ne sera pas franchement dans les clous du RGPD. Les innombrables vidéos personnelles qui circulent, filmées dans la rue ou non, sans précaution, en témoignent.
La prudence est pourtant bienvenue. Même en cas de mise à l’écart du RGPD, d’autres textes de loi veillent, pointe la Cnil : « Par exemple, la captation et l’enregistrement sans le consentement de la personne de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou de son image dans un lieu privé, peuvent constituer une infraction pénale. »
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