Un coup de main de la météo et de gros moyens : la recette gagnante de l’armée de l’Air française pour sécuriser les Jeux olympiques de Paris 2024 contre la présence de drones hostiles ou non autorisés.

Souvenez-vous : ce 26 juillet 2024, la météo vient assombrir la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. À posteriori, ce fut la seule fausse note d’un spectacle qui a époustouflé les Français. En coulisses, les militaires français chargés de sécuriser le ciel de Paris contre des drones malveillants se frottent pourtant les mains. Les trombes d’eau qui s’abattent sur la capitale vont avoir un effet inattendu. Face à la pluie, les télépilotes de drones de tout poil abdiquent aussi.

Alors que la protection de la cérémonie d’ouverture donnait des sueurs froides aux militaires, « au final, cela a été une soirée très calme », signale à Numerama Olivier Poncet. Ce général de brigade aérienne est depuis un an le patron des soldats chargés de parer à toute menace aérienne. Y compris, donc, celle venant d’aéronefs sans pilote à bord.

Une soirée à l’image des JO de 2024, donc, sans incident notable autour des drones. Ce qui justifie le satisfecit kaki à la clôture de l’olympiade. L’armée de l’Air signale des opérations de sécurisation menées « avec brio » et une « excellente coordination entre tous les services ». En tout, environ 400 drones ont été détectés. Elle compte aussi 90 opérations de brouillage. Enfin, 85 interpellations ont été recensées chez les télépilotes, dont deux avec l’appui d’un drone Reaper, ce gros engin capable de rester en vol pendant 30 heures.

De gros moyens français et européens pour repérer et neutraliser les drones

Pour faire face, l’armée de l’Air avait mobilisé des moyens conséquents pour protéger divers sites sensibles, dont le village des athlètes, surveillé en permanence. Tout d’abord, Parade, un radar couplé à des caméras et des brouilleurs. Un système critiqué avant les Jeux, mais qui a finalement donné satisfaction. « Les Jeux ont été une bonne occasion de peaufiner ce dispositif et de monter en gamme », assure Olivier Poncet. Il y avait également le DroneBlocker de la société Roboost, un système radiogoniométrique permettant la détection des drones et de leurs opérateurs jusqu’à 5 km. Ou encore le dystopique laser de la société Cilas destiné à brûler en quelques secondes ses cibles. Il n’a pas eu à faire mouche pendant les Jeux.

De même, deux radars Giraffe 1X, capables de détecter de petits objets, avaient été déployés à Paris et Marseille « pour compléter les capacités de détection des systèmes lourds de lutte anti-drones », listait l’armée de l’Air. Par ailleurs, il y a eu le renfort du système Milad, un outil pour leurrer et brouiller les drones, fourni par l’armée de Terre, de Radiant, l’outil de la police nationale, d’Orcus, celui de la Royal Air Force britannique, qui a détecté neuf drones à proximité d’un site olympique parisien, ou encore de fusils brouilleurs Bada HP47 prêtés par l’Allemagne. 

Des interdictions de survol bravées malgré tout par les particuliers

« On cherche à avoir des systèmes évolutifs et complémentaires : de la détection, de l’interception lointaine, des leurres, du brouillage et des systèmes de destruction ultime », résume Olivier Poncet. De moyens de taille, qui ont en majorité servi à rappeler à l’ordre des télépilotes ordinaires. « Ce n’est pas une surprise, poursuit l’officier général. Les interdictions de survol sont régulièrement bravées par méconnaissance de la réglementation ». Il y a ces télépilotes trop curieux. Ils espèrent avoir leurs propres images d’un grand événement en jouant avec les interdictions. Et il y a aussi ceux qui ignorent jusqu’à l’existence de l’événement sportif lui-même ou, du moins, qui en ignorent les périmètres géographiques précis.

Résultat : alors que les militaires tablaient sur une baisse des incidents lors des Jeux paralympiques, organisés deux semaines après les JO, ces soucis ont au contraire été en hausse. Sans doute à cause des retours de vacances des franciliens… « Cela confirme qu’il n’y a souvent pas d’intention malveillante. Mais quand on détecte un drone, on ne sait pas qui est derrière, souligne le général de l’armée de l’Air. Nous sommes obligés de réagir très vite, dans l’ordre de la minute. »

Trier le bon grain de l’ivraie, car des drones étaient aussi admis sur zone

Pour les militaires, il aurait suffi d’un seul drone pour gâcher la fête sportive. La menace avait été déclinée en plusieurs familles. Des groupes terroristes, qui avaient fait des appels à la perturbation des Jeux olympiques. « Le drone fait partie des modes opératoires terroristes, même si cela demande des savoir-faire particuliers ou pointus, on s’y prépare », rappelle Olivier Poncet. Des actions contestataires étaient également craintes. Et puis, l’activité de simples télépilotes, mais qui cause quand même des perturbations. Ce fut la majorité des cas, finalement.

À chaque fois, il s’agissait d’essayer d’arrêter le vol du drone et de retrouver l’individu qui le manœuvrait. La plupart du temps, l’engin volant a pu être identifié par son immatriculation. Ce marquage permet de faire le lien avec son propriétaire. Les militaires devaient toutefois distinguer le bon grain de l’ivraie. Près de 3 000 drones des administrations, des médias ou encore de la SNCF, pour la surveillance des voies, étaient accrédités.

L’un des drones utilisés par la SNCF.

Pas de course poursuite en plein ciel

« La zone à défendre était très vaste, nous avions donc des règles de priorisation, explique l’officier général. Il y a peut-être eu des séquences où nous ne sommes pas intervenus, car les drones étaient en limite de zone, mais il n’y a pas eu de course poursuite où un drone nous aurait échappé ». À l’inverse, l’armée de l’Air a pu donner des coups de main en dehors de sa mission de protection des Jeux. Comme ces deux personnes suspectées d’avoir voulu faire livrer du matériel par drone dans un établissement pénitentiaire. La police, bien tuyautée, a pu les arrêter.

Après trois ans de préparation pour les Jeux, les armées planchent désormais sur leurs retours d’expérience. Olivier Poncet a déjà en tête une première piste autour de nouveaux moyens à demander. Il manque toujours une brique technologique dans son arsenal. Celle d’un moyen de capture de drone sans le faire écraser au sol. Ce qui pourrait être gênant au-dessus d’une foule, qu’il pleuve des trombes d’eau ou pas.

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