Ces derniers jours, deux incidents ont été rapportés sur des câbles sous-marins dans le nord de l’Europe. Ces liaisons Internet, qui relient plusieurs pays européens, ont visiblement été endommagées. D’ores et déjà, les suspicions se tournent vers la Russie, qui a déjà brandi une telle menace par le passé.

Que s’est-il passé dans les fonds marins de la mer Baltique ? C’est toute la question qui agite les pays du nord de l’Europe depuis deux jours, alors qu’un câble sous-marin dédié à l’acheminement des télécommunications a rencontré un problème dans la nuit du 17 au 18 novembre 2024. La piste d’un sabotage est d’ores et déjà mise sur la table.

Cette hypothèse est ouvertement avancée par le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, en marge d’une réunion européenne. « Personne ne croit que ces câbles ont été coupés par accident […]. Nous devons partir du principe […] qu’il s’agit de sabotage », a-t-il lâché le 19 novembre, dans des propos rapportés par l’AFP.

Source : Capture d'écran
En vert, le chemin du câble sous-marin. // Source : Capture d’écran

La veille, son collègue aux Affaires étrangères a publié une déclaration avec son homologue finlandais pour marquer la « profonde préoccupation » des deux États après la « rupture » du câble. « Le fait qu’un tel incident suscite immédiatement des soupçons de dommages intentionnels en dit long sur la volatilité de notre époque », ont-ils souligné.

Berlin et Helsinki sont concernés au premier chef par cette affaire, puisque le câble en question, C-Lion1, connecte justement l’Allemagne (Rostock) à la Finlande, via deux points de connexion (Helsinki et Hanko). Long de 1 172 km, il serpente entre la Suède, la Pologne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et, bien sûr, la Russie, via Kaliningrad.

Une « enquête approfondie » a été annoncée par les deux pays et, sans le dire explicitement, les deux capitales interrogent l’implication de Moscou. « Notre sécurité européenne n’est pas seulement menacée par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, mais aussi par la guerre hybride menée par des acteurs malveillants », écrivent-ils.

Un autre câble sous-marin touché

Pour sa part, le gestionnaire finlandais du câble, Cinia Oy, a confirmé une interruption de service pour une durée qui pourrait s’étaler de cinq à quinze jours — c’est la durée généralement observée pour réparer un câble sous-marin abîmé. L’entreprise prévoit de livrer davantage d’informations dans les heures qui suivent.

Pour le moment, Cinia précise que le câble a été sectionné dans la zone économique exclusive suédoise, à l’est de la pointe sud d’Öland, à environ 700 km d’Helsinki. L’incident a été repéré peu après 4 heures du matin, et depuis, « des mesures correctives ont été prises » pour rerouter le trafic Internet via d’autres chemins.

Selon Newsweek, un autre câble a aussi été endommagé, cette fois entre la Suède et la Lituanie. Il s’agit de la liaison BCS East-West Interlink, longue de 217 km, et qui connecte la Lituanie à l’île suédoise de Gotland, au milieu de la mer Baltique. Ce câble a été installé en 1997 (2016 pour C-Lion1). Il croise d’ailleurs la route de C-Lion1.

Source : Capture d'écran
Le trajet du câble BCS East-West Interlink. // Source : Capture d’écran

À l’AFP, le ministre suédois en charge de la défense civile, Carl-Oskar Bohlin, a déclaré « qu’il est essentiel de clarifier les raisons pour lesquelles deux câbles ne fonctionnent pas en mer Baltique ».

Ces deux incidents font écho à l’affaire du sabotage des gazoducs Nord Stream, qui ont eu lieu quelques mois après le déclenchement de la guerre d’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le 26 septembre 2022, ces pipelines, qui traversent aussi la Baltique, ont été délibérément dégradés : des traces d’explosifs ont été retrouvées à divers endroits.

Les responsabilités de l’attaque n’ont pas été déterminées avec certitude à ce stade. Plusieurs hypothèses ont circulé depuis deux ans. La Russie a été pointée du doigt, mais aussi les États-Unis et certains pays européens, notamment riverains de la mer Baltique. L’implication de l’Ukraine a aussi été citée, dans une logique de guerre hybride.

Tensions croissantes entre la Russie et les pays occidentaux

L’hypothèse d’une implication russe n’est pas inenvisageable dans cette affaire. La mer Baltique est peu profonde (459 mètres au maximum), ce qui ouvre des perspectives pour des plongeurs expérimentés en bouteille pour attaquer les câbles à des endroits moins profonds (55 mètres en moyenne) — ou via des drones ou des sous-marins spécialisés.

Par ailleurs, dans un contexte d’opposition croissante entre l’Occident et la Russie, causée par la guerre entre Moscou et Kiev, la Russie a déjà laissé entendre qu’elle pourrait cibler ces câbles sous-marins. L’ex-président russe Dmitri Medvedev, actuellement vice-président du Conseil de sécurité, avait déjà brandi cette menace précédemment.

Guerre Russie/Ukraine // Source : Montage Numerama
La guerre entre la Russie et l’Ukraine accroit les tensions en Europe. // Source : Montage Numerama

« Si nous partons de la complicité avérée des pays occidentaux dans l’explosion des gazoducs Nord Stream, nous n’avons plus aucune contrainte, même morale, pour nous empêcher de détruire les câbles de communication de nos ennemis au fond des océans », avait-il déclaré, en considérant que les sabotages des pipelines étaient la faute de l’Ouest.

Les dégradations des deux câbles sous-marins surviennent en tout cas dans un contexte dans lequel la mer Baltique est presque devenue une mer de l’OTAN, avec l’adhésion de la Finlande en avril 2023 et de la Suède en mars 2024. L’intégration de ces deux pays très proches géographiquement de la Russie a suscité l’ire de Moscou, qui a promis des représailles.

Le lancement d’un exercice militaire de l’OTAN de grande ampleur, axé sur l’artillerie et se déroulant sur le sol finlandais, est peut-être aussi un facteur entrant dans l’équation. En effet, ces manœuvres ont lieu moins de 200 km de la frontière avec la Russie. Plusieurs nations, dont les USA, la France, la Suède et le Royaume-Uni, sont présentes.

visuel_fibre_adsl2

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.