Les mystérieuses coupures Internet dans la mer Baltique seront bientôt de l’histoire ancienne. Un navire câblier est sur zone pour remettre en état les câbles abimés. En revanche, des zones d’ombre demeurent sur les responsabilités.

L’incident ayant entraîné la rupture de deux câbles sous-marins dans la mer Baltique, dans la nuit du 17 au 18 novembre, sera bientôt de l’histoire ancienne. Du moins, pour la partie technique, avec la réparation des portions abimées. Concernant l’enquête pour établir les responsabilités, les choses demeurent encore floues à ce stade.

Dans un point d’étape daté du 25 novembre, le gestionnaire finlandais d’un des deux câbles esquintés, Cinia Oy, a confirmé l’arrivée sur zone d’un navire spécialisé, le Cable Vigilance. Parti du port de Calais le 21 novembre, il est arrivé sur le site de la panne tôt ce lundi matin et a commencé les travaux de réparation.

Il faudra une petite semaine au Cable Vigilance pour rétablir C-Lion1, une liaison en fibre optique longue de 1 172 km et qui connecte l’Allemagne, depuis la ville de Rostock, à la Finlande, avec deux points de connexion (la capitale, Helsinki, et Hanko. Cinia Oy estime que son intervention prendra fin d’ici à la fin du mois.

L’autre câble — BCS East-West Interlink –qui a également connu un pépin fait la jonction entre la Lituanie et l’île suédoise de Gotland — il mesure « seulement » 217 km, mais s’avère hautement stratégique pour Vilnius : en effet, d’après le directeur technique de Telia Lietuva, qui opère la liaison, il « a transporté près d’un tiers de la capacité Internet du pays. »

Internet a été résilient « localement »

La bonne nouvelle, pour les pays concernés, c’est que la connectivité n’a pas été mise à terre. L’acheminement du trafic a suivi d’autres voies. C’est ce que disait Cinia dans une série de points d’étape, avec « des mesures correctives [qui] ont été prises ». Même constat rassurant de la part de la part de vigies spécialisées dans le réseau Internet.

Ainsi, le registre Internet régional RIPE NCC a relevé « qu’une minorité significative (20-30 %) des chemins mesurés ont eu des augmentations de latence », en raison des déviations prises par les données, avec des routes qui peuvent être plus longues. En revanche, les mesures de RIPE NCC « n’indiquent pas de pertes de paquets plus importantes. »

Quant à l’entreprise Cloudflare, elle constate que les « deux coupures de câble survenues récemment dans la mer Baltique n’ont eu que peu ou pas d’impact observable sur les pays concernés […], en grande partie en raison de la redondance et de la résilience considérables de l’infrastructure Internet en Europe. »

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Les sondes de RIPE NCC et les câbles en cause. // Source : Ripe NCC

Concernant BCS East-West Interlink, « il n’y a pas eu d’impact apparent sur les volumes de trafic dans les deux pays au moment où les câbles ont été endommagés », écrit le groupe. Et pour C-Lion1, « il n’y a pas eu d’impact apparent sur les volumes de trafic dans les deux pays au moment où les câbles ont été endommagés. »

Tous font le même constat : Internet a globalement résisté à l’incident dans cette région du monde, grâce à une bonne redondance physique des câbles sous-marins, notamment dans la mer Baltique. Les pays qui se trouvent de chaque côté de ces installations ont en effet accès à d’autres liaisons, ce qui les rend mieux protégés face à ces évènements.

Un capitaine russe parti, un navire chinois et des questions qui restent

Quant aux responsabilités, elles sont toujours en course d’analyse. Du fait du contexte géopolitique en Europe, et des tensions entre l’Occident et la Russie, l’hypothèse d’une dégradation délibérée orchestrée par Moscou a été rapidement évoquée — d’autant que la mer Baltique est fréquentée par sa marine, et qu’il y a l’exclave de Kaliningrad non loin.

Les regards se sont tournés vers un navire chinois, le Yi Peng 3, car il a été vu près des zones lors des incidents. La Chine a assuré que ses navires se conforment aux lois internationales. Mais, en raison de précédents incidents de même nature, notamment contre un gazoduc en 2022 abimé par un navire chinois, les soupçons demeurent.

Selon le Guardian, le vraquier chinois a été ponctuellement commandé par un marin russe, mais il est dit qu’il a quitté le navire le 15 novembre — il n’était là que pour guider le bateau hors du port russe d’Oust-Louga, près de Saint-Pétersbourg. Concernant le reste de l’équipage, il est composé de ressortissants chinois. La Russie a nié toute implication.

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Un vraquier chinois est pointé du doigt (image d’illustration) // Source : Numerama avec Midjourney

Le navire a été suivi et intercepté par la marine danoise, et les recherches se poursuivent, notamment de la part des autorités suédoises et finlandaises. Le navire est pour l’instant contraint de rester à l’arrêt en pleine mer, sous la surveillance des navires danois. Enfin, des drones sous-marins téléguidés ont été déployés pour inspecter les câbles.

En raison de la nature stratégique des câbles sous-marins, qui assurent la quasi-totalité des liaisons Internet dans le monde, une initiative est en train d’émerger pour améliorer la sécurité de ces grandes dorsales sous-marines. Quelques temps auparavant, les États-Unis avaient exprimé la crainte d’un potentiel sabotage de câbles sous-marins par la Russie.

Outre les USA, l’initiative a été depuis soutenue par l’Australie, le Canada, la Finlande, la France, le Japon, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, le Portugal, la Corée du Sud, Singapour, le Royaume-Union, l’Union européenne, les îles Marshall, la Micronésie, Tonga, Tuvalu et, tout récemment, la Norvège s’est joint au projet.

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