Une plateforme basée sur des mèmes et des cryptos a viré au chaos à cause des diffusions en direct. PumpFun, qui propose à chacun de créer son propre mème coin, s’est retrouvé au cœur d’une polémique en raison d’une absence de modération du livestreaming. Rapidement, les retransmissions sont parties en vrille.

Quand on tombe sur la page d’accueil pour la première fois, on a l’impression de prime abord de croiser un site web typique des années 90 : des animations en pagaille, des couleurs flashy et de nombreux dessins absurdes ou loufoques. Pourtant, PumpFun est un espace très récent : il a fait ses débuts en janvier 2024.

Cette esthétique excentrique, assez loin des canons des mises en page actuelles, n’est toutefois pas surprenante : PumpFun est une plateforme qui s’est lancée dans le créneau des « cryptomèmes » — ces crypto-monnaies qui gravitent autour des mèmes Internet, la plus connue étant certainement le Dogecoin (DOGE).

pumpfun accueil
La page d’accueil. // Source : Capture d’écran

Dès son tout premier message, PumpFun a misé sur cette ambiance très décontractée, en jouant avec les codes du net. Le 11 janvier, le site web a accompagné son annonce de lancement d’une image typique d’un mème — ici, une petite créature toute mignonne qui répète constamment « I will pump it so hard » (« je vais le/la pousser si fort »).

Cette notion de pump se retrouve d’ailleurs dans le nom de PumpFun (alors que l’extension .fun renvoie de nouveau à la notion de mème, pour illustrer le côté amusant de la plateforme). C’est aussi une formule courante dans le monde de la crypto : elle désigne une crypto-monnaie qui pousse fort à la hausse d’un coup, pour une raison ou pour une autre.

Source : Capture d'écran
Le message est clair ? // Source : Capture d’écran

Il existe toutefois un autre cas de figure, plus sombre, dans lequel le pump peut être cité : celui du pump & dump.

On parle alors de manipulation organisée. Dans ce cas, il s’agit de faire monter le prix fortement, afin de pousser de nouveaux venus à acheter la crypto tendance, pour ne pas rater le train. Les précurseurs, eux, vendent alors leurs parts qu’ils ont initialement achetées à bas prix à ces acheteurs plus tardifs, ce qui leur permet de faire une plus-value sur leur dos.

Voilà donc l’environnement que propose PumpFun : des mèmes (le compte X de la plateforme en déborde) et de la crypto (ici, tout repose sur Solana, un nom qui renvoie aussi bien à une devise électronique qu’à une blockchain concurrente de l’Ethereum). Mais c’est aussi un service participatif, ce qui est la clé de son succès. On peut lancer son propre mème coin.

lancer coin pumpfun
PumpFun veut faciliter le lancement de meme coins, basés sur la blockchain Solana. // Source : Capture d’écran

« Voici Pump : lancez une devise qui peut être échangée instantanément sans avoir à injecter de la liquidité. Choisissez un nom, une abréviation, une image et commencez instantanément à échanger », pouvait-on lire dans le message d’annonce, celui-ci ajoutant que « cela changera à jamais la façon dont les devises sont lancées ».

Promesse tenue ? Lancée officiellement le 19 janvier 2024, la plateforme PumpFun a surtout défrayé récemment la chronique.

La raison ? La sortie d’une fonctionnalité à la fin mai : les retransmissions en direct. « Le livestreaming est maintenant disponible sur PumpFun », se félicitait le service sur les réseaux sociaux. Mais c’était sans compter les internautes, qui ont largement détourné la fonctionnalité pour afficher tout et n’importe quoi, parfois au-delà de la légalité.

La dérive totale des directs sur PumpFun

Presque six mois plus tard, il n’y aura plus de diffusion en direct jusqu’à nouvel ordre. C’est ce qu’a annoncé PumpFun le 25 novembre dans un message étonnamment très sobre, qui tranche avec l’environnement foutraque dans lequel le service se plaçait. Pas de blague, pas de mème et, surtout, pas de possibilité de répondre.

Il faut se rendre directement sur la plateforme pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette décision.

« Afin de garantir la sécurité absolue de nos utilisateurs, nous suspendrons la fonctionnalité de diffusion en direct sur le site pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que l’infrastructure de modération soit prête à faire face aux niveaux d’activité accrus », est-il expliqué. Pour l’heure, aucune date prévisionnelle n’est avancée.

« Afin de garantir la sécurité absolue de nos utilisateurs, nous suspendrons la fonctionnalité de diffusion en direct »

PumpFun

Reviendra-t-elle même un jour ? Cela reste à voir. On s’est en effet aperçu que ces directs ont entraîné une importante dérive de la part d’internautes visiblement prêts à tout pour assurer le pump de leur monnaie. C’est ce que montre notamment L’ADN dans son édition du 25 novembre. Très vite, des lives sont partis dans tous les sens.

Les exemples dénichés par nos confrères sont éloquents : un jeune homme qui organise un marathon assis sur la cuvette des WC et qui ne sort pas des toilettes ; un coq qui se fait décapiter en direct ; des internautes qui disent qu’ils vont se suicider ; une femme pratiquant la zoophilie ; des menaces de morts ; des scènes de pendaison ; des immolations…

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Le shitcoin, la devise créée par un internaute qui fait un marathon au WC. // Source : Capture d’écran

C’est peu dire que la fonctionnalité de livestreaming est partie en vrille, à cause de l’appât du gain et du mirage d’un enrichissement rapide. C’est à l’image des mèmes qui percent, car ils réussissent à accrocher l’attention du public. Pour intéresser les internautes et faire décoller leur mème coin, ces cryptonautes font sauter de nombreuses barrières.

D’où l’intervention, d’aucuns diront tardive, de PumpFun — d’autant que la plateforme a commencé à être fréquentée également par des enfants. En principe, si la retransmission en direct revient, cela se fera avec un cadre de modération — celle-ci était inexistante jusqu’à présent, ce qui a entrainé des excès et des pratiques condamnables.

Source : Capture d'écran
Source : Capture d’écran

Sans évoquer directement ces scènes qui sont passées en vidéo, PumpFun a toutefois reconnu, non sans euphémisme, « que les récents événements survenus sur les flux en direct de notre plateforme ont suscité des inquiétudes ». Et d’ajouter que le site regrette « d’apprendre certaines des expériences vécues par les utilisateurs ».

Un ton aujourd’hui à des années-lumière de celui que la plateforme adoptait encore le 22 novembre au sujet du livestreaming. PumpFun en jouait même avec une image censée montrer « 4 idées faciles que vous pouvez essayer en tant que nouveau créateur sur PumpFun » : de la grossièreté, des délits, de l’exhibitionnisme et de la lourdeur.

livestreaming pumpfun
Prêt à tout pour le pump. // Source : Capture d’écran
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