Un dîner, c’est anecdotique. Un dîner avec un futur président des États-Unis, ça l’est moins. Surtout lorsqu’on s’appelle Mark Zuckerberg et qu’on a fondé Meta. Derrière ce moment où l’on ignore ce qui s’est dit, la tech américaine a de quoi sourire à l’approche de l’investiture de Donald Trump.

Le 20 janvier 2025, Donald Trump sera investi président des États-Unis, quatre ans après la fin de son premier mandat. Entre-temps, le contexte politique mondial a changé, lui aussi. Depuis, les géants de la tech n’ont cessé de grandir, et considèrent davantage celui qui deviendra le 47ème président américain. Avec le protectionnisme prévu par Donald Trump, les GAFAM semblent avoir de beaux jours devant eux.

Un dîner avec Donald Trump : Mark Zuckerberg le considère comme un président comme les autres

Le dernier événement en date qui fait penser cela, c’est la rencontre entre le directeur général de Meta Marck Zuckerberg et Donald Trump, autour d’un dîner à Mar-a-Lago mercredi. On ignore ce sur quoi ont discuté les deux hommes, mais tout porte à croire qu’ils se cherchent. Le porte-parole de Meta Andy Stone a confié à The Verge qu’il s’agit d’un « moment important pour l’avenir de l’innovation américaine. Mark était reconnaissant de l’invitation à rejoindre le président Trump pour dîner et de l’opportunité de rencontrer les membres de son équipe au sujet de la nouvelle administration. »

Source : Capture d'écran
Source : Capture d’écran

Ce que fait Mark Zuckerberg, c’est du lobbying ; il rencontre les futurs décideurs publics pour prendre le pouls de leur politique numérique à venir. De quoi anticiper les changements légaux qui pourraient avoir lieu, mais aussi de défendre les intérêts de Meta. Du côté de Donald Trump, ce dîner permettait de faire connaissance avec Mark Zuckerberg un peu plus en profondeur. Il semble avoir changé d’avis depuis 2020, où il avançait que le créateur de Facebook devrait aller en prison pour le rôle du réseau social dans le résultat de l’élection présidentielle perdue.

Dans le même genre, Tim Cook aurait appelé Donald Trump peu avant l’élection pour se plaindre de l’UE selon ce dernier. Trump a également affirmé avoir téléphoné à Sundar Pichai de Google et à Mark Zuckerberg de Meta.

Les géants de la tech félicitent Trump pour son élection

Mark Zuckerberg avait même félicité le 6 novembre dernier Donald Trump pour son élection, en déclarant sur Threads que « nous avons de grandes opportunités devant nous en tant que pays. J’ai hâte de travailler avec vous et votre administration ». Un dirigeant de grande entreprise du numérique qui est loin d’être le seul à avoir adressé ses félicitations. Tim Cook d’Apple s’est fendu d’un message sur X : « Nous avons hâte de collaborer avec vous et votre administration pour faire en sorte que les États-Unis continuent de faire preuve d’ingéniosité, d’innovation et de créativité et de continuer à les faire avancer. »

Même son de cloche du côté de Sundai Pichai, directeur général de Google, sur X aussi : « Nous vivons un âge d’or de l’innovation américaine et nous sommes déterminés à travailler avec son administration ». Pour Jeff Bezos, « aucune nation n’a de plus grandes opportunités. Je souhaite à Donald Trump tout le succès possible pour diriger et unifier l’Amérique que nous aimons tous. » De même pour Satya Nadella, directeur général de Microsoft : « Nous sommes impatients de collaborer avec votre administration », a-t-il déclaré sur X.

Des GAFA // Source : Numerama
Des GAFA // Source : Numerama

La liste des dirigeants d’entreprises du numérique ayant félicité Donald Trump est encore longue, mais elle montre quelque chose de nouveau. En 2016, peu d’entre eux avaient envoyé leurs félicitations et ils étaient encore moins nombreux à avoir affiché leur volonté de collaborer avec la nouvelle administration. En 2024, tous disent vouloir travailler avec Trump et ses équipes pour l’innovation aux États-Unis.

Le rapprochement de Donald Trump avec Elon Musk

L’autre découverte de cette campagne, c’est le rapprochement entre Donald Trump et Elon Musk, propriétaire de X, fondateur de Tesla et de SpaceX. On l’a vu lors de meetings du républicain et il a même été célébré lors de son discours d’élection. Plus encore : Elon Musk a été nommé au gouvernement Trump, au titre de responsable du Departement of Government Efficiency, ou Département de l’Efficience Gouvernementale.

Elon Musk à la tête du DOGE // Source : Twitter Elon Musk
Elon Musk à la tête du DOGE // Source : Twitter Elon Musk

S’il a pu grimper dans l’estime de Donald Trump, c’est parce que qu’Elon Musk a fait campagne pour lui, en tweetant énormément sur l’élection et a même financé la campagne républicaine. Elon Musk avait tout intérêt à ce que Trump soit élu : il est plus libéral que Kamala Harris et plus protectionniste. Ce qui l’arrange bien avec ses affaires de Tesla, SpaceX et X. Si Elon Musk se réjouit officiellement de cela et les dirigeants de la tech aussi (mais moins officiellement), c’est parce que Donald Trump pourrait déréguler le marché.

Le mandat de Joe Biden a fait un peu de mal aux GAFAM

Bien que les GAFAM ont pu avoir quelques frayeurs avec Donald Trump, les raisons de se réjouir de son élection sont plus nombreuses. Si le président avait dit que « La Big Tech est hors de contrôle », sa vision est davantage nuancée, d’autant plus que ses comptes Facebook, Instagram et X, bannis, ont été rétablis. Le futur président est même prêt à laisser TikTok aux États-Unis au nom de la concurrence.

Toutefois, il veut faire des États-Unis « la capitale des cryptomonnaies », en faisant adopter la blockchain à l’économie américaine. Et depuis son rapprochement avec Elon Musk, l’homme est devenu moins virulent vis-à-vis des voitures électriques ; il pourrait même avantager Tesla. Ce qui peut passer par défaire ce qu’a fait l’administration Biden, comme la régulation de l’IA qu’elle avait proposée. De quoi laisser la place aux géants déjà en place de faire ce qu’ils veulent.

Le premier débat entre Joe Biden et Donald Trump // Source : YouTube/ Wall Street Journal
Le premier débat entre Joe Biden et Donald Trump // Source : YouTube/ Wall Street Journal

Ce que gagne en pouvoir Donald Trump, c’est la possibilité de nommer les commissaires de la Federal Trade Commission (FTC), l’agence nationale pour le droit des consommateurs et de la concurrence. Il peut également nommer son président. Joe Biden lui, avait fait le choix de Lina Khan. Une femme qui s’est montrée très difficile avec les GAFAM, à coups d’enquêtes. La dernière en date : ce 28 novembre, à l’encontre de Microsoft pour abus de position dominante sur ses services bureautiques et de cloud.

C’est aussi grâce (ou à cause) d’elle que la FTC a enquêté sur les rachats d’Instagram et de WhatsApp par Meta, l’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft ou encore les tarifs d’Amazon Prime. Sous la présidence de Lina Khan, les Américains ont eu droit au « Click to Cancel ». Une règle qui permet à tout internaute de se désabonner d’un service en ligne aussi facilement que le processus pour s’abonner. De quoi interdire les dark patterns (ou modèles de conception trompeurs en français) qui rendaient le désabonnement difficile pour inciter à rester abonné.

La concurrence chinoise de Temu, TikTok et compagnie commence à se faire sentir

Lors de son premier mandat, Donald Trump avait détruit Huawei sur le marché des télécoms et de la téléphonie mobile, avec son embargo sur la collaboration entre Huawei et les entreprises américaines. Depuis, Huawei a presque tout perdu sur le marché occidental. Quant à TikTok, il avait menacé le réseau social de bannissement. Si depuis il n’en a plus la volonté, la menace peut toujours revenir. Si Instagram a ses Reels et YouTube a ses Shorts, TikTok reste quand même le réseau social numéro 1 sur les vidéos verticales. En janvier 2024, l’application comptait 148 millions d’utilisateurs chaque mois dans le pays : mis à part à la Chine, c’est son premier marché mondial.

L’autre acteur qui déstabilise Amazon et autres boutiques en ligne américaines, c’est Temu. Remplaçant de Wish, Temu casse les prix comme on ne l’avait jamais vu. Le magasin en ligne envoie un million de colis par jour aux États-Unis, en perdant environ 30 dollars par livraison et en dépensant sans compter dans la publicité. Son but : devenir indispensable pour les Américains (mais aussi dans les autres marchés), comme l’a montré le vidéaste Léo Duff dans une récente vidéo. Il faut préciser que l’administration Biden avait déjà mis en place des mesures anti-Temu et anti-Shein en taxant davantage les produits importés de faible valeur.

L’Union européenne et ses textes de loi coûtent cher à la tech américaine

Donald Trump entend bien mettre des bâtons dans les roues de l’Union européenne sur le plan économique. Avec des droits de douane par exemple. De quoi favoriser les entreprises américaines en question en faisant pression sur l’Union, sa Cour de justice et sa Commission. En effet, ses nouvelles réglementations comme le Digital Markets Act, le Digital Services Act ou encore l’AI Act sont très contraignantes pour les grandes entreprises américaines. Le prochain président pourrait même intimer l’Europe d’annuler de lourdes amendes pour éviter des taxations sur l’export aux États-Unis de produits et services d’entreprises européennes.

Donald Trump et son protectionnisme aideront économiquement ces puissantes entreprises

Donald Trump sait aussi se montrer rassurant. Lors de sa campagne, il confiait à Bloomberg : « Je ne veux pas les détruire ». Son administration pourrait très bien rouvrir des programmes afin d’importer l’argent des Gafam à l’étranger en réduisant les taxes.

Face à la Chine et à l’Union européenne, c’est sûr : Donald Trump veut mettre en place du protectionnisme économique pour avantager les entreprises américaines dans le pays et à l’international. Le tout en faisant pression sur les autorités étrangères. Ce qui passe par moins de régulations aux États-Unis, comme cela devrait se passer au niveau de l’intelligence artificielle. Pour garder les initiatives américaines puissantes, le futur président veut une régulation minimale. Ce qui est sûr, c’est que le grand gagnant dans l’histoire, pour l’instant, c’est Elon Musk, qui pourrait rafler beaucoup. Il pourrait avantager ses entreprises par rapport à ses concurrents de la tech, ce qui est l’analyse de Challenges.

Conférence de Donald Trump sur le Bitcoin // Source : Bitcoin Magazine
Conférence de Donald Trump sur le Bitcoin // Source : Bitcoin Magazine

Il reste néanmoins un obstacle pour ces GAFAM. Son nom : Brendan Carr, nommé régulateur de la Federal Communications Commission (FCC), le régulateur des télécoms aux États-Unis. Sur X, l’homme nouvellement nommé à appelé à « démanteler le cartel de la censure » qui serait imposé par les GAFAM. Comme l’a rapporté Le Point, il se dit fervent défenseur de la liberté d’expression. Lui aussi compte bien avantager Elon Musk et son Starlink aux États-Unis.

À travers ses déclarations (et ses actions), Donald Trump sait jouer le chaud et le froid, y compris avec les Big Tech américaines. C’est pourquoi ces dernières devront jouer le jeu si elles comptent tirer profit du mandat de Trump. Chose qu’elles semblent accepter : comme évoqué plus haut, toutes s’enthousiasment de travailler avec son administration. S’ils se montrent suffisamment conciliants avec le futur président, ils ont beaucoup à gagner. D’ailleurs, cela a déjà commencé, avant même l’élection de Donald Trump : Challenges écrivait au début du mois qu’Amazon, Apple, Google, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla avaient toutes publié de très bons résultats financiers, alors même que le contexte politique est incertain.

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