2%. Deux petits pourcents. La part des fichiers audio demandés sur les réseaux P2P est désormais presque nulle, alors que celle des vidéos écrase tous les autres types de fichiers.

Selon des informations fournies de source fiable à Ratiatum à partir d’un examen des 1.000 fichiers les plus demandés sur les réseaux P2P, la répartition des genres serait la suivante :

  • 20 contenus audios
  • 60 jeux-vidéo
  • 30 logiciels
  • 780 vidéos

78% des fichiers les plus demandés par les internautes sur les réseaux d’échanges seraient donc des films. Pourtant, le cinéma semble être le secteur le moins frappé par la crise qui secoue toute l’industrie culturelle. Sur l’année glissante en France, les salles enregistrent toujours +9,2% de fréquentation par rapport à l’année précédente, et les ventes de DVD explosent (+15% au premier trimestre).

La coexistence pacifique entre le Peer-to-Peer, les salles obscures et la vente de vidéos semble être une réalité dans ce secteur d’ailleurs beaucoup plus réticent à engager une lutte armée contre les internautes. A chaque mode de consommation son motif. Le public va au cinéma pour ressentir une émotion particulière ou par comportement social. Nous achetons ensuite des DVD par fétichisme, et sans doute aussi par besoin de collectionner les films qui, de la même manière que les plus jeunes collent des posters de leurs stars dans leur chambre, nous ramènent à nous-mêmes (montrez-moi votre vidéothèque et je vous dirai qui vous êtes). Enfin, les internautes téléchargent également tout naturellement des vidéos pour visionner ce qu’ils n’auraient autrement ni acheté ni regardé sur grand écran, soit par désintérêt soit par incapacité financière. La complémentarité dans le cinéma est forte, et perdurera aussi longtemps que cette industrie parviendra à garder les valeurs ajoutées que nous plaçons sur les salles et les films vendus sous blister.

Le grand malheur de l’industrie du disque est au contraire d’avoir fait de la musique un simple objet de grande consommation. Le fétichisme s’est déplacé de la pochette illustrée du 35 tours vers le clip M6 où l’on aperçoit en gros plan le derrière du string de la chanteuse vedette, ou vers la sonnerie de téléphone portable « chez toi pour le simple coût d’un SMS surtaxé ». L’objet disque a perdu sa valeur intrinsèque quand les maisons de disques se sont affichées comme « industrie de la musique ». Difficile de tisser un lien social sur le dernier hit des Pop Academy, lorsque les balades à la Scorpion n’ont plus voix au chapitre des grandes ondes. Si l’on ajoute à ce constat la guerre organisée contre les internautes civils, dont les victimes sont déjà trop nombreuses, il devient aisé de comprendre que seulement 2% des fichiers demandés sur les réseaux P2P sont aujourd’hui des fichiers musicaux.

Mais alors, pourquoi les chiffres de l’industrie du disque recommencent-ils eux aussi à grimper ? Au cours du premier trimestre 2005, le marché du disque a enregistré une progression de 5,8 % de son chiffre d’affaires par rapport à 2004 sur la même période.

Lorsque dans la vidéo les téléchargements explosent, les ventes aussi. Lorsque les téléchargements de musique baissent ou stagnent, les ventes de musique augmentent quand même. Paradoxal ? Preuve en tout cas qu’en matière de statistiques et d’analyse sur les réseaux P2P, il est toujours possible de tout dire et de tout prétendre, et que nul ne peut affirmer dire la vérité.

La seule vérité prouvée, c’est que les industries du disque et du cinéma se portent bien, de mieux en mieux, et qu’elles continuent pourtant à ordonner la condamnation de quelques boucs émissaires.

Il ne s’agit pas d’un paradoxe, mais d’une absurdité.

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