La crypto-monnaie a touché le prix stratosphérique de 100 000 $ l’unité. Ce spectacle de haute voltige attire des regards admiratifs, titille des instincts de cupidité et suscite une crainte assez naturelle de rater une opportunité. Mais, si investir en bitcoin était en fait plus terre à terre ?

Six chiffres. Un prix vertigineux pour un seul bitcoin. Pour tout autre produit financier aussi. Aucun autre actif, physique ou numérique, aussi facilement négociable, avait jusqu’ici affiché une valeur unitaire de 100 000 dollars, comme l’a fait le bitcoin dans la nuit du 4 au 5 décembre 2024. D’ailleurs, le BTC peine lui aussi à maintenir le cap. Le cours de la crypto-monnaie évolue déjà ce 6 décembre sous ledit seuil psychologique, s’échangeant contre quelque 99 000 billets verts.

Cela n’ôte certainement pas le caractère historique de cette percée boursière. Et, réaction spontanée observée à chaque emballement, tout le monde ou presque se demande s’il ne faut pas se précipiter sur cette pépite d’investissement. Le désormais célèbre indice Fear & Greed, jaugeant si le marché penche plus vers la pleutrerie ou la vénalité, pointe actuellement en zone de « cupidité extrême ». Autrement dit, la situation est caractérisée par des valorisations « probablement excessives et des prix surévalués ».

« Est-ce le moment d’acheter du bitcoin ? L’histoire dit que oui »

L’altitude du bitcoin ne décourage pas pour autant les non-initiés, que la FOMO (fear of missing out), la peur de rater le coche, a ragaillardis. « Le prix du BTC a doublé depuis le début de l’année et sa tendance à long terme est historiquement haussière. Mais les performances passées ne préjugent pas des performances futures, et il ne faut surtout pas investir sous l’impulsion de l’émotion », tempère Alexandre Roubaud auprès de Numerama. Il est le co-fondateur et PDG de Bitstack, une société parisienne qui permettait à l’origine d’investir sa petite monnaie en bitcoin, et qui s’est muée en « néobanque native du bitcoin ».

Évidemment, il peut paraître biaisé de demander à un vendeur de pioches s’il est opportun de se lancer dans la ruée vers l’or numérique. Concédons au moins au promoteur de Bitstack la connaissance du terrain crypto, une compréhension pratique et directe des outils nécessaires à la prospection, ainsi qu’une vision présumée réaliste des défis et des probabilités de succès sur ce marché truffés de fantasmes.

À ce propos, bien loin de l’image du flambeur des casinos en ligne dont certains financiers traditionnels affublent les acteurs crypto, Alexandre Roubaud conseille une méthode précautionneuse de placement, le dollar cost averaging (DCA). « Pour un actif comme le bitcoin, il est considéré que c’est la meilleure stratégie : investir régulièrement pour lisser le risque et s’exposer à son potentiel long terme. Donc, plutôt que de se précipiter, la vraie question est : est-ce le moment de commencer à acheter du Bitcoin en DCA ? L’histoire dit que oui », assure le CEO.

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Investir sous l’impulsion de l’émotion, rarement une bonne idée. // Source : Canva

Plus dure a été la chute, plus fort sera le rebond ?

Rappelons que le bitcoin revient de loin. Deux ans plus tôt, le marché crypto sombrait avec la faillite frauduleuse de la plateforme FTX, l’insolvabilité débattue du prêteur Celsius ou encore la disparition de l’écosystème Terra-Luna. Aux yeux du grand public, cela ressemblait à un Tchernobyl. Le BTC oscillait autour des 15 000 $ et les grands prédicateurs de la finance traditionnelle se hâtaient de prononcer l’heure du décès. Depuis, en vingt-quatre mois, le plus ancien des crypto-actifs s’est renchéri de plus de 500 %. Avec l’aide, contrairement aux précédents cycles de réchauffement ou de glaciation des cours boursier, de Wall Street, du système financier et des sphères politiques gravitant autour d’un certain Trump.

Néanmoins, les fondamentaux positifs demeurent. « Certes, le bitcoin est un actif volatil, son prix peut évoluer rapidement à la hausse comme à la baisse. Sur le long terme, il a montré une tendance haussière impressionnante : son prix a été multiplié par 13 en cinq ans et par 270 en dix ans », remet en contexte Alexandre Roubaud, mais « les gains potentiels proviennent de son adoption croissante, de sa rareté programmée (21 millions d’unités maximum) et de sa capacité à s’imposer comme une réserve de valeur numérique. »

La socio-démographie du marché aurait, elle aussi, progressé. La crypto-monnaie originelle ne profite pas qu’aux dictateurs d’Amérique centrale ou aux multimilliardaires fantasques lançant des fusées vers Mars. Les profils s’avèrent plus variés, si l’on en croit l’échantillon de plus de 150 000 utilisateurs qui épargnent en bitcoin via Bitstack.

« On constate une forte présence de jeunes adultes et d’investisseurs à la recherche d’une épargne innovante et diversifiée. 77 % de nos utilisateurs ont entre 18 et 35 ans, avec des étudiants, des employés et des cadres. Ils choisissent d’épargner en bitcoin pour faire fructifier leur épargne (71 %), diversifier leurs placements (56 %), et investir dans un actif d’avenir (60 %) », énumère le patron et co-fondateur, soulignant l’intérêt d’une diversification stratégique des placements possibles avec des montants modestes.

Un cadre légal renforcé pour des risques diminués ?

Il convient de rappeler une certaine culture française de l’encadrement réglementaire des crypto-monnaies. La loi PACTE avait instauré en 2019 le statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), ce qui a permis d’offrir une « moins mauvaise » protection aux utilisateurs et investisseurs.

« Avec le règlement européen MiCA (Markets in Crypto-Assets) adopté en 2023, l’Union européenne harmonise désormais la régulation des prestataires. Ce cadre établit des règles claires pour ces acteurs et accroît la transparence des marchés. Par exemple, les entreprises doivent être autorisées et surveillées pour offrir leurs services, ce qui limite les risques », constate Alexandre Roubaud.

Ces progrès ne prémunissent pas de tout. « Seul le risque est garanti », pour reprendre le disclaimer imposé aux acteurs du marché crypto. Les manuels d’histoire retiendront à ce sujet que FTX était dûment réglementée…

Quant aux objections morales qui émailleront certains repas de famille sur les dangers écocides du bitcoin ou son utilisation prétendument extensive chez les criminels, le boss de Bitstack observe que « l’éthique d’un investissement dépend souvent de la perception individuelle et de l’utilisation de l’actif. Le bitcoin est un outil neutre : il ne porte pas d’intention éthique ou non éthique en lui-même. Il est vrai que certaines critiques soulèvent des questions sur son empreinte énergétique, mais il est important de noter que le réseau Bitcoin s’appuie de plus en plus sur des sources d’énergie renouvelable. Des études récentes estiment qu’environ 60 % de l’énergie utilisée pour le minage provient de ces sources, ce qui en fait une industrie plus verte que beaucoup d’autres », épingle Alexandre Roubaud.

Et d’ajouter que Bitcoin pourrait être considéré comme un outil éthique « pour promouvoir l’inclusion financière, offrir une autonomie à ceux qui n’ont pas accès aux systèmes bancaires traditionnels, et protéger contre les manipulations monétaires ou la censure ». L’industrie crypto doit encore prouver qu’il s’agit bien d’éthique et pas d’une étiquette.

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