L’association américaine de l’industrie du film (MPAA) a annoncé jeudi avoir mis en demeure les propriétaires de nombreux sites diffusant des liens BitTorrent de séries télévisées. Les producteurs craignent pour la pérénité de la sectorisation du marché.

C’est assez rare pour être signalé, la MPAA se veut pédagogique dans son annonce de nouvelles plaintes frappant les trackers BitTorrent. « Toutes les séries TV dépendent d’une syndication des autres marchés, des ventes internationales pour gagner en retour l’énorme investissement demandé pour produire les comédies et drames que nous apprécions tous« , explique l’association des producteurs hollywoodiens. Or « ces marchés sont considérablement frappés lorsque ce contenu est volé« , poursuit la MPAA, qui achève là son élan soudain de sincérité.

Car il ne s’agit pas ici d’un problème de vol (avez-vous déjà réussi à voler un fichier sur Internet ?), mais bien d’un problème de domination du marché par le haut.

Six sites ont reçu une mise en demeure de la part de la MPAA :

  • Shuntv.net
  • Zonatracker.com
  • Btefnet.net
  • Scifi-classics.net
  • Cddvdheaven.co.uk
  • Braginrights.biz

La MPAA se plaint que « sur ces sites, n’importe qui peut télécharger toute une saison télévisée en un seul clic« . Ils se plaignent ainsi d’une grande avancée technique que permet internet dans la distribution de leurs propres contenus.

Tout un modèle économique à revoir

Ce qui est en jeu, nous l’avons dit, c’est la segmentation du marché en zones géographiques. Une licence de diffusion de Friends en Guinée Equatoriale est vendue beaucoup moins chère aux télévisions locales que ne l’est la même saison sur la télévision russe ou australienne. Or si tous les australiens téléchargent la saison diffusée en Guinée, les chaînes australiennes arrêteront de payer des licences et les producteurs de Friends ne pourront plus financer les prochaines séries bombardées par nos tubes cathodiques.

La logique est implacable et justifie entièrement que l’industrie hollywoodienne s’inquiète de la montée des séries TV dans les bandes passantes. Mais elle reste totalement irrecevable pour les millions d’internautes (pardon, de « pirates ») dans le monde qui demandent simplement à pouvoir bénéficier comme les américains des meilleurs séries actuelles, sans attendre une ou plusieurs années que la série soit achetée par la télévision du pays.

Mais c’est aussi la construction même des séries qui est menacée. Avec un épisode par semaine, les chaînes exigent les scénarios les plus accrocheurs, avec un suspens de plus en plus intenable, pour fidéliser leurs spectateurs d’une semaine sur l’autre. Avec le P2P, il devient possible de télécharger et de visionner plusieurs épisodes à la suite, avant même qu’ils ne soient officiellement diffusés en DVD. Et la qualité numérique, qui était un atout pour le DVD, est de plus effacée face à la montée des rips réalisés à partir des chaînes à haute définition (HDTV).

Plus encore que l’industrie musicale, Hollywood a beaucoup de difficultés à remettre en question les fondements économiques qui fondent sa viabilité et son développement. Elle qui a toujours tout contrôler, du nombre de passages télévisés aux dates de parution des vidéos dans le commerce, se retrouve obligée de composer avec un nouvel acteur incontrôlable : le spectateur.

C’est uniquement en plaçant le spectacteur au centre de toute la chaîne de valeur, et non plus uniquement en bout de course en tant que consommateur dont il faut libérer le cerveau, que l’industrie hollywoodienne parviendra à exploiter avec brio les forces que lui apporte internet.

(Merci à Waltos pour l’information)

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