Les trolls sont certainement aussi vieux que le web. Il faut dire que le réseau des réseaux leur a donné une opportunité formidable pour prendre la parole et déverser leur fiel sans se faire repérer par le premier venu. Grâce aux pseudonymes, ils se lâchent en ligne et peuvent saboter une conversation, pourrir les commentaires ou s’en prendre à un internaute.
Des actes qui ne pourraient pas être commis si l’usage de sa véritable identité était imposé, puisque ceux qui profèrent insultes, propos haineux et autres joyeusetés n’oseraient certainement pas faire ça dans leur vie quotidienne, car cela ternirait bien vite leur réputation. C’est en tout cas ce qui a toujours été communément admis.
En 2011, par exemple, une responsable de Facebook avait plaidé pour l’abolition de l’anonymat afin de rehausser le niveau des discussions. Cette proposition avait trouvé écho auprès d’autres entreprises et même quelques personnalités du spectre politique. Mais cette idée se heurte à plusieurs principes, à commencer par la liberté d’expression (le masque de l’anonymat est pratique pour parler de choses difficiles) et le droit à l’oubli (parfois, il faut savoir passer à autre chose).
L’anonymat sur Internet est donc un vrai enjeu et un sujet sensible.
Or, ceux qui aimeraient voir l’usage des pseudonymes disparaître pour rehausser un peu le niveau sur Internet risqueraient peut-être d’être déçus. À en croire une récente étude publiée par des professeurs de l’université de Zurich en Suisse, les trolls sont tout aussi virulents et hostiles lorsqu’ils postent des commentaires sans se cacher derrière une fausse identité.
Pour arriver à cette observation, les auteurs de l’étude ont analysé, entre 2010 et 2013, très exactement 532 197 commentaires postés sur 1 600 pétitions publiées sur le site allemand OpenPetition. Sur celui-ci, les internautes peuvent décider d’afficher leur identité ou de rester anonyme. Les chercheurs se sont rendu compte que les termes agressifs étaient globalement utilisés par des personnes qui affichaient leur noms et prénoms.
Estimant que les cibles les plus courantes des déferlements de haine sur le web sont les entreprises, les politiques, les célébrités, les médias et les universitaires, l’étude s’est concentrée sur les pétitions aux sujets les plus sensibles concernant, entre autres, les droits musicaux, le monde des médias ou encore le secteur de la santé. Ces thématiques sont en effet plus susceptibles de provoquer des commentaires très emportés.
Nos résultats ne plaident pas en faveur de l’idée qui veut que l’abolition de l’anonymat fera d’Internet un monde meilleur
Un peu plus d’un cinquième (20,6 %) des commentaires contenait au moins une expression agressive. 9 % en comptaient entre deux et quinze. Or, moins d’un tiers des utilisateurs de la plateforme ont gardé leur anonymat.
Pour les auteurs de l’étude, il s’agit d’une preuve que l’anonymat ne change rien à la haine et aux insultes qui se déversent parfois à l’encontre d’une personnalité ou d’une organisation. Il vaut mieux de repenser les efforts fournis pour améliorer la civilité sur Internet. Contactée par Quartz, Lea Stahel, qui a participé à ces travaux de recherche, explique que les résultats contestent l’idée que l’abolition de l’anonymat fera d’Internet un monde meilleur.
L’étude conclut d’ailleurs en laissant entendre que ce genre de mesure ne réglera pas le problème des trolls agressifs. Au contraire, cela pourrait même les favoriser en créant une dynamique de groupe où les personnes se suivraient, entraînées par une détestation commune. D’après le document, il faut trouver un équilibre très difficile à atteindre « entre la garantie de la liberté d’expression d’opinion et la prévention des discours haineux ».
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