L’ADEME a été au cœur des débats sur les réseaux sociaux le week-end du 1ᵉʳ février 2025. En cause : une infographie sur le nombre de jours avant de faire une lessive et une suggestion relayée par la presse, notamment par nos confrères de Frandroid, qui a même fait réagir Xavier Niel. L’agence de la transition écologique suggère de réguler le nombre de gigaoctets dans les forfaits mobiles afin de dissuader les internautes de trop consommer.
Évidemment, cette proposition a fait jaser. Au-delà de son aspect infantilisant, elle mettrait fin à l’extrême compétitivité du marché français par rapport aux autres pays, avec une efficacité discutable (la moyenne de consommation est relativement basse en France, avoir un forfait généreux n’est pas forcément un problème). Le patron de Free a partagé l’article de Frandroid avec une réponse aussi simple qu’efficace : « Non ».
Que propose exactement l’ADEME ?
Contrairement à ce que beaucoup ont suggéré ce week-end, l’ADEME n’a pas le pouvoir de proposer une loi. Comme l’indique son site internet, sa mission est « d’accélérer le passage vers une société plus sobre et solidaire, créatrice d’emplois, plus humaine et harmonieuse ». Un de ses rôles est de « partager son expertise » sur des domaines de compétence, pour que l’État, ou des députés, se saisissent ensuite de ses propositions. Elle peut transmettre une proposition au ministère de la Transition énergétique, mais son action s’arrête là.
Sur les forfaits mobiles, la proposition de l’ADEME n’est qu’au stade embryonnaire. Il ne s’agit que d’une suggestion dans un article du Parisien paru le 30 janvier, qui s’interroge sur l’exception française en matière de télécom. « L’usage de la 4G et de la 5G génère un impact environnemental dix fois supérieur à celui du Wi-Fi », déclare Mathieu Wellhoff, chef du service de la sobriété numérique à l’ADEME, dans cet article. L’agence se penche sur des solutions, mais n’a rien enclenché pour l’instant. Ce n’est pas cette idée qui a inspiré l’article du Parisien.
Que suggère réellement l’ADEME ? En réalité, l’agence ne propose pas encore grand-chose. Son constat n’est pas nouveau : en moyenne, un Français consommerait 14 Go de données mobiles par mois. Pourtant, chez Free, Red, B&You ou Sosh, les forfaits low cost proposent plusieurs centaines de gigaoctets pour seulement quelques euros. Ce décalage intrigue les experts en télécom, qui remarquent que la France est un des seuls marchés où les opérateurs se livrent une guerre de gigas (c’est partiellement vrai, mais c’est une autre histoire).
Interrogée sur le sujet, l’ADEME évoque l’idée d’une « tarification progressive » pour freiner la course aux gigaoctets des grands opérateurs, afin de ne pas donner l’impression aux Français qu’Internet en 4G/5G est vraiment illimité. Une étude de l’ADEME et de l’Arcep parue en 2022 révélait justement que le cellulaire consommait 10 fois plus que le Wi-Fi.
Puisque les opérateurs n’arrêteront pas cette guerre marketing d’eux-mêmes, et pour éviter que la course aux gigaoctets devienne une course aux téraoctets, l’ADEME suggère une régulation. Rien ne dit qu’elle verra le jour, mais elle pourrait un jour faire payer plus cher celles et ceux qui consomment plus, peut-être avec un système de paliers.
La France est une référence en matière de télécom low cost
Dans un contexte d’inflation et de pouvoir d’achat tendu, la proposition de l’ADEME fait naturellement enrager. Au lieu d’inciter les opérateurs télécom à proposer des offres abordables sur l’Internet fixe, l’agence préfère s’attaquer aux prix des forfaits mobiles français, qui sont aujourd’hui parmi les plus bas au monde. Une taxe sur les forfaits les plus généreux en data entraînerait une montée des prix et ralentirait l’innovation, dans un contexte où les applications sont de plus en plus consommatrices en données. Il faut évidemment responsabiliser les Français sur la consommation de la 4G et de la 5G, mais les taxer semble contre-productif.
Pour l’instant, et au vu des réactions suscitées, il est probable que l’idée de l’ADEME n’aille jamais au-delà des déclarations publiées dans la presse le week-end du 1ᵉʳ février. La course aux gigaoctets devrait encore continuer, même si les Français n’utilisent qu’un petit pourcentage de leurs forfaits.
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