Le 10 février 2025, la France ouvrira son Sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle. Un événement mondial qui réunira plusieurs leaders du monde entier (des chefs d’État, Sam Altman d’OpenAI, Sundar Pichai de Google…) et qui, pour la première fois depuis longtemps, encourage la France à prendre les devants sur l’IA. Le président de la République Emmanuel Macron a notamment partagé sur ses comptes sociaux la nouvelle application du groupe français Mistral AI, qui profite d’une exposition médiatique inédite.
Dans Le Parisien du 8 février, on apprend que cette attention soudaine pour l’intelligence artificielle inquiète plusieurs collectifs. Une tribune signée par plus de 34 000 artistes et créateurs, dont des grands noms comme Jean-Jacques Goldman, Kyan Khojandi ou encore Bob Sinclar, alertent sur la question des droits d’auteur. L’Adami et la Sacem, deux organismes qui représentent les artistes, sont à l’origine de l’initiative. Leurs représentants s’avouent surpris par le nombre de signatures.
« Pas une opposition stérile à l’IA » : les signataires veulent protéger leurs droits
La tribune signée par les 34 996 artistes est loin d’être formellement anti-IA. « Nous accueillons avec satisfaction l’initiative de ce Sommet et souhaitons qu’il se penche sur la question centrale du droit d’auteur et des droits voisins », peut-on lire dans les premières lignes. « Notre démarche ne s’inscrit pas dans une opposition inévitablement stérile entre les acteurs de l’intelligence artificielle et ceux de la culture, mais dans l’exigence d’un débat respectueux des intérêts et des droits de tous », ajoutent les signataires qui, avec cette lettre ouverte, ne s’opposent pas à l’IA en elle-même, mais à ses dérives.
Les grands modèles d’intelligence artificielle, ceux qui aliment des services comme ChatGPT, Google Gemini ou encore des services spécialisés (sur l’audio ou la vidéo par exemple), sont entraînés avec des milliards de documents. Leurs créateurs aspirent généralement les données du web sans rémunération pour leur utilisation. Certains modèles peuvent aussi générer du contenu qui « imite » des vrais artistes, une nouvelle fois sans les rémunérer.
« Dans la longue histoire du rapport entre art et technologie, de l’imprimerie au streaming, jamais une innovation n’avait eu la capacité de remettre en cause le principe même de la création humaine », écrivent les signataires. Ils demandent à la France de s’assurer que leur travail ne pourra pas être utilisé par les IA « sans consentement » et « sans contrepartie financière ».
Cet appel des artistes, alors que de nombreux débats se tiendront en France, aura sans le moindre doute un impact sur les discussions. Il est peu probable que les grands groupes tech acceptent soudainement un modèle rémunérerait leurs sources, puisque la question des droits d’auteur est régulièrement sur la table depuis plus de 10 ans, sans que les géants de la tech ne bougent sur cet aspect qui pourrait leur coûter beaucoup. On peut néanmoins espérer que les débats progressent.
Lire la tribune dans son intégralité :
« La France accueillera les 10 et 11 février prochains le 3e Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA). Des centaines de chefs d’État et de gouvernement, d’universitaires, de dirigeants d’entreprises et de représentants de la société civile se rassembleront à Paris pour débattre car l’intelligence artificielle questionne les fondements de la pensée et suscite autant d’intérêt que d’appréhension.
En tant qu’auteurs, artistes-auteurs et artistes-interprètes, nous accueillons avec satisfaction l’initiative de ce Sommet et souhaitons qu’il se penche sur la question centrale du droit d’auteur et des droits voisins. En effet, dans la longue histoire du rapport entre art et technologie, de l’imprimerie au streaming, jamais une innovation n’avait eu la capacité de remettre en cause le principe même de la création humaine.
Notre démarche ne s’inscrit pas dans une opposition inévitablement stérile entre les acteurs de l’intelligence artificielle et ceux de la culture, mais dans l’exigence d’un débat respectueux des intérêts et des droits de tous. C’est au prix d’une reconnaissance mutuelle des avancées que représente l’IA et du bien-fondé des droits de propriété intellectuelle que pourra se mettre en place un modèle vertueux sur le plan à la fois éthique et économique.
Dans cette perspective, nous tenons à rappeler un principe simple :
L’utilisation sans notre consentement de notre talent et de notre travail pour l’entraînement de l’IA générative représente une atteinte inacceptable au respect de nos œuvres et de notre travail artistique.
Pourtant force est de constater que nos œuvres et nos interprétations sont aujourd’hui utilisées par les systèmes d’IA pour s’entraîner sans notre autorisation et sans aucune contrepartie financière. Par ailleurs, le risque de substitution, induit par les contenus générés par l’IA, est de plus en plus prégnant.
Puisque la question de la propriété intellectuelle sera abordée durant ce Sommet, nous en appelons solennellement à la responsabilité de tous ses participants. Nous nourrissons en effet l’espoir que notre appel contribue à inspirer des réflexions lucides, équilibrées et concrètes, propices à l’élaboration de solutions justes et pérennes. »
Un appel commun lancé par les organisations d’artistes et d’auteurs : ADAGP, Adami, Sacem, Scam, SGDL, Spedidam
Pour la musique : Aldebert, Dominique A, Rafael Angster, Amel Bent, Vitaa, Petit Biscuit, Sophie Bollich, Jean-Benoît Dunckel (Air), Barbara Carlotti, Alain Chamfort, Frah (Shaka Ponk), Étienne Daho, Zazie, Alexandre Desplat, Jacques Dutronc, Paul Ecole, Lionel Florence, Jain, Jean-Jacques Goldman, Amir, Raphaël, Jean-Michel Jarre, Michel Jonasz, Bernard Lavilliers, Hélène Mourot, Bob Sinclar, Poppy Fusée, Ibrahim Maalouf, Miossec, Mass Hystéria, Imany, Mosimann, Catherine Ringer, Gaëtan Roussel, Véronique Sanson, Éric Serra, Hubert-Félix Thiéfaine, Laurent Voulzy, Victor Le Masne, Patti Smith…
Pour le cinéma : Damien Bonnard, Bernard Campan, José Garcia, Julie Gayet, Agnès Jaoui, Aïssa Maïga, Benoît Magimel, François Morel, Anna Mouglalis, Niels Schneider, Laurent Stocker, Odile Vuillemin, Yves Jeuland, Carmen Castillo, Henry Colomer, Julie Bertuccelli, Claire Simon, Mariana Otero, Ismaël Joffroy Chandoutis, Anne Poiret…
Pour les écrivains : Hervé Le Tellier, Nancy Huston, Valérie Zenatti, Philippe Forest, Marie-Aude Murail, Arno Bertina, Pierre Bayard, Luc Lang, Hélène Cixous, Geneviève Fraisse, Olivier Weber, Ovidie…
Pour les arts graphiques : Daniel Buren, Ernest Pignon-Ernest, Robert Combas, C215, Marion Montaigne, Françoise Pétrovitch, Laurent Grasso, Petite Poissone, Thibaut Soulcié, Odile Decq…
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