Les artistes (qu’ils soient auteurs, compositeurs, interprètes…) ne sont pas des gestionnaires, des juristes ou des commerciaux. Leur métier, c’est la création. Face à eux pourtant se trouvent des intermédiaires aux dents longues qui cherchent continuellement à profiter de leur faiblesse pour exploiter leurs œuvres aux meilleures conditions. C’est pour faire face à ce lobbyisme constant que nombre d’artistes ont créé ensemble des sociétés chargées de gérer et de négocier collectivement leurs droits. La plus ancienne, la SACD (la société des auteurs et compositeurs dramatiques), fût ainsi fondée à l’initiative de Baumarchais, en 1777. La Sacem, la plus fameuse des SPRD, vit le jour en 1851.
Sur le papier, ces sociétés ont comme mission de collecter les droits dûs au titre de l’exploitation des œuvres de leurs adhérents, et de les répartir ensuite au maximum, et au plus juste. Mais voilà, ces sociétés ont depuis généré des intérêts propres. La Sacem, par exemple, doit composer avec ses quelques 1400 employés, et toute gestion trop optimisée au profit d’une répartition maximale des droits pourrait mettre en péril quelques centaines d’emplois.
Face aux dérives du système, une Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits a été établie en 2000. Depuis, les SPRD jurent toutes patte blanche, et promettent que les erreurs du passé ont été corrigées.
Un artiste ça crée, ça ne compte pas…
Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. « Rien n’est fait pour qu’on puisse voir clair dans ce système« , dénonce ainsi au Monde Jean-Pierre Guillard, le Président sortant de la Commission. « Les ayants droit, qui ne sont pas des spécialistes en comptabilité, ne reçoivent pas d’informations claires. On leur dit que les frais de gestion sont, par exemple, de 12 % ; en fait, l’argent transite parfois par plusieurs SPRD et ce qui est prélevé sur les produits financiers n’apparaît pas forcément dans les comptes ; on est donc plus proche de 25 % à 35 %. Toutes sociétés confondues, on atteint une moyenne de 23 %. C’est énorme.«
Près d’un quart des sommes versées pour les artistes ne vont donc jamais dans leurs poches. Mais la plupart des SPRD se défendent de toute interrogation de leurs sociétaires en prétendant que, « vous savez, protéger vos droits, c’est pas facile, ça demande beaucoup de temps et de moyens ». Et les artistes de les croire sur parole…
Marie-Thérèse Cornette-Artus, nommée rapporteur de la Commission il y a quatre ans, voudrait sans doute secouer la tête de ces milliers d’auteurs qui ont le réflexe de sauter sur des SPRD dès qu’ils créent une œuvre. « Les sociétés d’auteurs ont une excellente image auprès des ayants droit« , s’étonne-t-elle. « Ils pensent qu’elles les défendent de ce qui représente la plus grande terreur pour eux, le copyright« . Or une SPRD n’a jamais servi à empêcher quiconque de copier une œuvre. Elle sert juste à s’assurer que celui qui exploite paye. C’est tout.
Pour le reste, la loi se suffit à elle-même. L’auteur, dès qu’il crée une œuvre, possède le droit d’auteur sur son œuvre et dispose donc du droit d’interdire à quelqu’un de copier ou d’exploiter l’œuvre.
Jamais les SPRD comme la Sacem ne servent à protéger une œuvre contre le plagiat.
L’ambiguité sert les intérêts des SPRD. Plus les auteurs pensent que les SPRD protègent leur « copyright », plus ils adhèrent, et plus l’argent entre dans la caisse pour entretenir le système et les salaires.
« Dans notre premier rapport, nous n’avons pas publié les salaires des dirigeants, mais nous avons constaté que le salaire moyen des employés et cadres de ces sociétés était bien supérieur au salaire moyen des cadres français« , rappelle J.-P. Guillard. « Il n’est pas normal, précise-t-il, que certains dirigeants de ces sociétés soient plus payés que le patron d’EDF« .
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