Depuis 35 ans, la sculpture Kryptos défie les analystes de la CIA avec un message codé qui reste encore un mystère. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’internautes est convaincue d’avoir résolu l’énigme grâce à l’intelligence artificielle.

Depuis 35 ans, une énigme fascine les analystes en chiffrement du monde entier : Kryptos, une sculpture installée près du siège de la CIA à Langley, en Virginie. Son créateur, l’artiste Jim Sanborn, y a dissimulé quatre messages codés, dont trois ont été déchiffrés. Mais le dernier, connu sous le nom de K4, reste un mystère. Pourtant, une nouvelle vague d’internautes est convaincue d’avoir trouvé la solution… grâce à l’intelligence artificielle.

Le problème ? Aucune des réponses générées par l’IA ne tient la route, révèle Jim Sanborn, dans un article de Wired publié le 7 mars. Et si ces amateurs d’IA se trompent, ils sont en revanche très sûrs d’eux.

Un mystère qui résiste aux analystes… et à l’inteligence artificielle

Créée en 1990, Kryptos est une sculpture en cuivre de près de 4 mètres de long, percée de lettres formant des messages chiffrés. Trois des quatre sections ont été résolues par des experts en cryptographie, dont certains affiliés à la NSA. Mais K4 demeure indéchiffrable.

Ce dernier panneau est volontairement plus complexe, utilisant des techniques de chiffrement plus subtiles. Depuis plus de trois décennies, des milliers de passionnés se penchent sur l’énigme, sans succès. Parmi eux, des experts, des analystes gouvernementaux et des amateurs de cryptographie.

Mais ces derniers mois, un autre type de « codebreaker » a émergé : des internautes qui demandent simplement à ChatGPT, Gemini ou Grok de résoudre l’énigme et prennent leur réponse pour la vérité absolue.

Le code de Kryptos mélange plusieurs alphabets. // Source : CIA
Le code de Kryptos mélange plusieurs alphabets. // Source : CIA

« Je l’ai craqué avant mon café du matin »

Sanborn a confié à Wired qu’il recevait déjà un flot constant de propositions erronées. Il a même instauré des frais de 50 dollars pour examiner chaque solution, tant il était submergé par les tentatives infructueuses. Mais aujourd’hui, ce ne sont plus des cryptanalystes sérieux qui lui soumettent des hypothèses : ce sont des utilisateurs de chatbots, persuadés d’avoir résolu l’énigme en quelques clics.

« Le ton des emails a changé. Ceux qui utilisent l’IA sont convaincus d’avoir craqué Kryptos entre deux bouchées de petit-déjeuner. » – Jim Sanborn, pour Wired

Les messages qu’il reçoit sont particulièrement ironiques : « Je suis juste un vétéran… Je l’ai résolu en quelques jours avec Grok 3. » ; « Ce que la NSA n’a pas réussi en 35 ans, je l’ai fait en 3 heures avant mon café du matin. ».

Pourquoi les IA sont inutiles sur Kryptos ?

Le problème de ces tentatives, c’est qu’elles reposent sur une mauvaise compréhension des capacités réelles de l’IA.

  1. Les modèles d’IA générative comme ChatGPT ne sont pas des cryptanalystes. Ils excellent à reconnaître des schémas et à prédire du texte, mais ils ne « résolvent » pas réellement les codes complexes.
  2. Ils hallucinent des réponses. Lorsqu’ils sont confrontés à un problème difficile, ils inventent souvent une réponse crédible… mais fausse.
  3. Ils n’ont pas les outils adaptés. Décrypter K4 demande une analyse mathématique avancée, pas un modèle de langage conçu pour rédiger des essais scolaires.

Même si un jour une IA venait à percer le secret de Kryptos, elle ne le ferait pas avec une simple commande du type « Déchiffre ce code ». Il faudrait un modèle d’IA entraîné spécifiquement sur des techniques de cryptanalyse avancées.

Une surconfiance inquiétante envers l’IA

Ce comportement révèle un problème plus large : l’excès de confiance des utilisateurs envers l’IA.

Une étude publiée en 2023 dans Computers in Human Behavior a montré que lorsque les gens savent qu’une information provient d’une IA, ils ont tendance à lui faire une confiance excessive, même si elle contredit des faits établis.

Pire encore, cette confiance aveugle altère leurs interactions avec les autres. Lorsqu’ils sont persuadés que leur chatbot détient la vérité, ils rejettent toute critique et deviennent hermétiques aux arguments rationnels.

Et c’est exactement ce que vit Jim Sanborn. Confronté à ces internautes qui n’ont passé que quelques minutes sur un problème qui résiste à des experts depuis 35 ans, il se heurte à une vague d’arrogance numérique.

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