C’est une excellente nouvelle pour le renseignement militaire français : depuis le 6 mars, le pays dispose d’un troisième satellite de reconnaissance optique, grâce à la mise en orbite réussite de CSO-3 par une fusée Ariane 6. Ce faisant, Paris pourra augmenter la cadence de revisite d’une zone donnée, et ainsi actualiser davantage ses prises de vue.
CSO-3 va évoluer à 800 km de la Terre, en binôme avec CSO-1, qui se situe à la même altitude. CSO-2, est placé à une orbite pratiquement deux fois plus basse (480 km), afin de produire de l’imagerie satellite extrêmement détaillée. L’ensemble de cette constellation, appelée Composante Spatiale Optique, doit être opérationnelle au moins dix ans.

Mais l’éventail des capacités spatiales de la France ne se limite pas à CSO. Le pays peut compter sur d’autres engins pour l’observation de la Terre (les programmes Helios 2 et Pléiades), le renseignement électromagnétique (Ceres), les communications sécurisées (Syracuse, Athena-Fidus, Sicral 2) et le positionnement et la navigation (Galileo, le GPS européen).
Surtout, ce sont des facultés qui sont pour une partie d’entre elles en cours de renouvellement. Ces dernières années, le ministère des Armées a lancé de nouveaux programmes pour préparer les successeurs des engins actuels, mais également pour combler certaines lacunes — en particulier pour ce qui est de l’autodéfense satellitaire, voire de l’offensif.
Cette actualisation des moyens spatiaux devrait connaître une nouvelle mise à jour prochainement. Le Premier ministre François Bayrou a en effet lancé une mission sur une « stratégie spatiale nationale » à l’horizon de 2040, pour que la France demeure « une puissance de premier rang mondial ». Les contours de ce plan restent, à ce stade, flous.
Ces travaux sont déclenchés alors que le secteur spatial connaît de profonds bouleversements, à commencer par SpaceX, qui multiplie les lancements, et Starlink, qui bouleverse l’accès à Internet par l’espace et est devenu également un outil géopolitique clé. Son importance sur le théâtre ukrainien en est la démonstration la plus éclatante.
En attendant la présentation future de cette stratégie spatiale nationale, qui adressera à la fois le civil et le militaire, tour d’horizon des futurs satellites de l’armée.
Quels sont les futurs satellites et moyens de l’armée dans l’espace ?
Iris
Objectif : observation spatiale
Composé de deux satellites, le programme Iris (acronyme d’Instruments de Renseignement et d’Imagerie Spatiale) sera le successeur de l’actuelle constellation CSO. Ce projet, officialisé en 2019, offrira des « performances et une réactivité accrues », selon le ministère des Armées. Ils sont attendus à l’horizon 2030.
Céleste
Objectif : captation électromagnétique
Également annoncé en 2019, le projet Céleste est dédié à l’écoute spatiale à des fins militaires, avec une focalisation sur les signaux électromagnétiques. Les satellites remplaceront les actuels satellites CERES (Capacité d’Écoute et de Renseignement Électromagnétique Spatiale), au nombre de trois, et déployés depuis 2021.
CO3D
Objectif : observation spatiale
Derrière ce nom de code un peu obscur, ce cache un projet de constellation optique en 3D — c’est d’ailleurs son acronyme. Ici, il s’agit de déployer des satellites d’observation de la Terre capables de générer une cartographie du sol en trois dimensions. CO3D aura un intérêt duel, avec des applications civiles et militaires.
IRIS²
Objectif : télécommunications
IRIS² (acronyme pour Infrastructure de Résilience et d’Interconnexion Sécurisée par Satellite) n’est fondamentalement pas un projet militaire français. Il est porté par l’Union européenne. Il s’agit, en somme, de doter le Vieux Continent d’un équivalent souverain à Starlink, avec une flotte de 300 satellites, et pouvant assumer des missions de défense.

Toutatis
Objectif : action dans l’espace
Toutatis (acronyme de Test en Orbite d’Utilisation de Techniques d’Action contre les Tentatives d’Ingérences Spatiales) est un démonstrateur en orbite basse, composé de deux nanosatellites. Le premier, LISA1, est un satellite « guetteur » pour surveiller l’espace depuis l’orbite. Le second, SPLINTER, tr_s manœuvrant, servira à jouer des scénarios de coopération/opposition.
Yoda
Objectif : action dans l’espace
Engin expérimental, Yoda (Yeux en Orbite pour un Démonstrateur Agile) sera positionné en orbite géostationnaire, à une altitude de 35 786 km. Il s’agit ici « d’expérimenter les opérations » et de « tester différentes charges utiles » en vue de préparer des capacités futures de détection, identification, protection et réaction au profit des satellites français.
Égide
Objectif : action dans l’espace
Égide (Engin géodérivant d’intervention et de découragement) doit succéder à Yoda et poursuivre sa mission consistant à « explorer les méthodes de protection de nos satellites militaires depuis l’espace », selon le ministère des Armées. Si Yoda est un démonstrateur, Égide est présenté comme sa déclinaison opérationnelle, toujours en orbite géostationnaire.
Keraunos
Objectif : communications optiques
Démonstrateur déjà positionné dans l’espace, Keraunos vise à tester les liaisons optiques par laser entre un satellite et une station au sol. Le laser est vu comme une alternative aux ondes radio, avec des gains en matière de débits et de discrétion. Les turbulences atmosphériques sont une contrainte, mais elles ont été surmontées dans un test en 2024.

HYP4U
Objectif : imagerie hyperspectrale
Ce démonstrateur, attendu en 2026, vise à plonger dans l’imagerie satellitaire hyperspectrale, en l’explorant via un nano-satellite. L’imagerie hyperspectrale consiste à capturer des images de la Terre à travers des bandes du spectre électromagnétique fines et contiguës. Ce sera là aussi une recherche duale, avec des perspectives pour le monde civil.
GRAVES
Objectif : surveillance spatiale
GRAVES (Grand Réseau Adapté à la Veille Spatiale) n’est pas un satellite, mais un radar au sol actif depuis 2005. Son rôle ? Surveiller ce qu’il se passe en orbite basse, de 400 à 1 000 km d’altitude. Il peut traquer des objets dont la taille descend jusqu’à 10 cm. Le ministère des Armées a lancé le chantier de sa rénovation et de sa modernisation.
Aurore
Objectif : surveillance spatiale
Aurore est le successeur de GRAVES, attendu à partir de 2025 pour une première mise en service ; sa pleine capacité étant prévue pour 2030. Il s’agira également d’un système radar au sol pour suivre tout ce qui se passe à proximité de la Terre. Il sera capable « de voir plus loin des objets plus petits », selon le ministère des Armées.
Satam
Objectif : poursuite de cible
Acronyme de Système d’Acquisition et de Trajectographie des Avions et des Munitions, le système Satam mobilise trois radars de trajectographie. Déjà en place depuis 2023, ils servent à suivre la trajectoire de certains objets en orbite basse (risques de collision, retombées atmosphériques). Ces installations sont aussi en phase de modernisation.
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