La décision rendue par la Cour Suprême étasunienne le 27 juin 2005 a fait grand bruit. Beaucoup se sont rapidement égosillé sur la fin du P2P. Les sites grand public, type TF1 – LCI, annoncèrent la fin des échanges illégaux via protocole P2P. C’était sans compter sur l’analyse un chouilla plus poussée faite par quelques personnes, qui lirent la décision jusqu’au bout, et y décelèrent un message différent.
Oui Grokster et Morpheus ont été clairement visés et sanctionnés par la décision des juges américains.
Non ces juges n’ont pas mis en cause la technologie P2P. Toute la nuance est là.
La Cour a déclaré répréhensible l’attitude adoptée par les sociétés mises en cause. Celles-ci ont en effet :
– mis à disposition un logiciel d’échange de fichiers,
– fait la promotion de leurs outils, en les qualifiant de « nouveau Napster » et en mettant en avant la facilité de télécharger gratuitement des fichiers pourtant frappés par le droit d’auteur.
Ce n’est que ce second agissement que la Cour est venu punir : l’encouragement à la contrefaçon. Le fait de mettre à disposition un outil d’échange de fichier n’est lui aucunement prohibé. La jurisprudence Bétamax est sauve. Elle a juste été quelque peu précisée et affinée.
Pourtant le bruit qu’a fait cette décision peut laisser subsister le doute. Aux cris d’alarme des sites » généralistes grand public » sont venus s’ajouter les discours triomphateurs de quelques grandes figures politiques ou industrielles, fières d’avoir abattu le phénomène P2P et sauver la vie autant que les bourses des auteurs orphelins ou veufs… Un discours qui semble décalé voire mensonger. Mais tant qu’il est majoritaire, il reste crédible…
iMesh (et non pas ses utilisateurs) signe avec Sony
Et sa crédibilité pourrait être renforcée par un nouveau » fait divers « , qu’une interprétation rapide et erronée permet de qualifier de confirmation de mise à mort des échanges p2p illégaux. En effet, iMesh, important éditeur du logiciel éponyme, vient de signer un accord avec Sony/BMG, pour la distribution de contenus légaux et payants.
Nombreux sont ceux qui y voient une métaphore amusante : Les rats quittent le bateau pirate. A la veille de la disparition des outils P2P (rien que ça !), les éditeurs logiciels cherchent des solutions pour s’en sortir honorablement au niveau financier. Une nouvelle vague de désinformation devrait venir inonder vos fils RSS en ce sens, confirmant qu’ » après la décision historique de la Cour suprême américaine qui rend possible la poursuite des éditeurs de plate-formes peer-to-peer * », il est plus dangereux que jamais, limite suicidaire, de télécharger le dernier tube de Laurie illégalement.
Pour ceux que cela intéresse de creuser un tout petit peu plus que ce que TF1 ou Fox News lui apprend, sachez qu’iMesh a, de la même façon que Grokster, fondé la promotion de son outils en mettant en avant la facilité de télécharger gratuitement des contenus normalement payant car frappés de droit d’auteur. Si iMesh est donc bien dans le collimateur des majors, c’est sur ce seul fondement. D’autre part, la grande majorité des échanges P2P se font à partir de deux outils/protocoles : BitTorrent et eMule (et ses dérivés). Ces deux poids lourds du P2P sont sensiblement différents des outils qui passent en ce moment ou sont susceptibles de passer de mauvais moments devant les juges américains. Ils sont en effet open source, développés en grande partie par une communauté n’ayant pas de but lucratif (et n’ayant pas besoin de truffer l’outil de spyware pour avoir une source de revenus), ne font pas l’objet de publicité, le bouche à oreille étant largement suffisant. Ils semblent donc en théorie bien moins exposés à un risque de sanction pénale que leurs » confrères » d’iMesh ou Grokster. Est-ce d’ailleurs un hasard si les majors s’acharnent contre ces derniers plus que sur les développeurs de mule ou sur Braham Cohen, créateur de BitTorrent, bien que le trafic généré par les outils des deux derniers cités soit nettement supérieur à celui généré par Morpheus ou iMesh ? Pas sur…
Mais tant qu’à critiquer la désinformation, autant ne pas en être un auteur aussi. Ainsi il est bon de rappeler que si les majors devraient avoir les plus grandes difficultés à faire tomber eMule, ils en auront beaucoup moins à faire condamner un internaute lambda qui téléchargerait des contenus illégaux grâce à cet outil… La décision de la Cour américaine n’a pas condamné les échanges P2P, mais elle n’a pas légalisé non plus les échanges de fichiers protégés par P2P. Loin de là…
* passage extrait d’un article de « site généraliste » paru le 12/07
Antoine Bouteilly
Juriste, 25 ans, stagiaire en quête de travail, Antoine tient son blog (le »Blogototo« ) à propos de la culture, du P2P et du logiciel libre.
(Note de la rédaction : Si vous souhaitez publier vos propres réflexions dans les colonnes de Ratiatum, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse suivante : )
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