Il est bien difficile pour un amateur d’horlogerie d’aimer, et même de porter, une montre connectée comme celles dont nous parlons dans ces colonnes. Dotée généralement d’une autonomie de quelques heures, au mieux de quelques jours, d’une élégance bancale et d’un écran tactile, ces montres sont loin d’être ce que le monde de l’horlogerie définit comme un standard et une réussite.
La vision de la montre qu’ont proposé, de manière réductrice, la Sillicon Valley et ses ramifications internationales imposent un style lourd et une idée bien arrêtée de la montre. En somme, la montre connectée proposée par la tech grand public n’est pas une montre, ni une pièce d’horlogerie sur laquelle on s’attarde, c’est seulement un énième gadget déportant quelques fonctionnalités de nos smartphones. Le format de la montre a été choisi pour son accessibilité, mais une Apple Watch aurait pu être à notre cou si cela avait eu un sens dans son utilisation. En réalité, la montre connectée n’est pas une montre comme on les rêve, comme on les aime.
Et pourtant dans un secteur déjà en crise, l’horlogerie de luxe, la Watch et ses congénères ont porté un nouveau coup à une des industries les plus perfectionnistes et conservatrices du monde moderne. Néanmoins, rien ne semble commun entre une montre suisse et une montre connectée. Imaginons-nous remettre à nos enfants une Apple Watch, comme les montres suisses traversent les générations en passant de temps à autre chez les bijoutiers pour régler un balancier subitement asynchrone ?
Une idée suisse de la montre connectée
Malgré ses contradictions, la montre connectée a ouvert un marché, galvanisé une demande — souvent portée par des consommateurs qui n’avaient pas de culture horlogère — et dans un contexte de réduction des marchés, l’horlogerie de luxe a raison d’y voir une menace. Or c’est à ce titre que Peter Stas, fondateur avec sa femme en 1988 de la marque Frédérique Constant, a présenté à Bâle en 2015 la première montre d’horlogerie suisse connectée. Un pari étrange et finalement réalisé avec une rapidité saisissante dans un milieu où la minutie prime sur l’innovation. Mais jamais à court d’idées et des propositions la jeune marque suisse a imposé une certaine idée de l’avenir connectée du swiss made.
L’idée proposée par Frédérique Constant est une symbiose entre une vraie et élégante pièce d’horlogerie, et des fonctionnalité fiables d’une montre ou d’un bracelet connecté, avec traqueur d’activité et de sommeil. Dépourvue d’étrange écran ou encore de LED, la montre combine seulement une mécanique analogique fidèle à une montre à quartz à une puce comprenant bluetooth et accéléromètre. Avec une promesse qui confirmera l’intérêt d’un tel projet : un fonctionnement sur pile, une pile que Peter Stas annonce en 2015 d’une autonomie de deux ans. Une petite prouesse dans un monde dominé par les batteries qu’il faut recharger sur des cycles réguliers mais finalement très fidèle à une certaine idée du swiss made.
Les résultats de ces premiers modèles sont très satisfaisants pour la marque, qui pour son développement a investi dans une cellule de développement informatique, une originalité dans l’industrie suisse. En six mois, les montres connectés Constant vont représenter plus de 10 % du volume de montres vendues par la marque.
De Constant à MMT, l’aventure technologique suisse
Ce mardi, nous retrouvions Peter Stas à Genève où il vient adouber une entreprise qui a pris son indépendance, MMT Swiss Connect. Depuis la sortie de sa première montre connectée, la marque historiquement indépendante a été rachetée par le groupe japonais Citizen, mais les investisseurs japonais ont laissé la cellule technologique de Constant prendre son autonomie, et ainsi MMT Swiss Connect a depuis pris son envol, en inaugurant ses premières levées de fonds à son propre titre, et en recrutant une équipe plus importante et enfin en prenant pignon sur rue à l’Hôtel des Horlogers, aux abords de Genève, zone industrielle où on retrouve bien évidemment la marque de Stas mais également de très grands noms comme Piaget.
En somme, la petite aventure technologique de Frédérique Constant devient un collaborateur et sous-traitant à part entière pour l’ensemble de l’horlogerie suisse avec comme produit pour convaincre ses clients, une puce autonome à intégrer facilement dans des montres analogiques et qui rend chaque pièce suisse immédiatement connectée.
Depuis le premier modèle de leur puce, la société MMT a continué d’explorer ses technologies et mardi, Philippe Fraboulet présentait deux nouveaux modèles de puce à destination des horlogers. Un nouveau modèle d’un diamètre de 42 mm, doté cette fois ci d’une autonomie de quatre ans, et un plus mince modèle de 33 mm pour qu’enfin, des montres féminines puissent être connectées.
Peter Stas évoque déjà une première montre connectée pour femme chez Constant pour mi-octobre, une exclusivité mondiale que MMT accorde à ses fondateurs comme signe d’une confiance intacte malgré les rachats récents et les nouvelles structures. Mais Fraboulet entend être clair, MMT n’est pas une exclusivité Constant, et ses technologies sont appelées à intégrer des montres d’autres firmes, déjà Alpina ou encore Ferragamo se sont laissés tenter par la promesse de l’entreprise. Si bien que la société qui a déjà fourni 70 000 puces ambitionne en fournir à l’horlogerie suisse plus de 200 000 d’ici à 2018.
L’indépendance de cette startup, « swiss made technology » nous dit-on fièrement, lui offre de fait de nombreuses opportunités. En vendant avec ses puces un support technologique à la fois sur les applications pour smartphone proposées aux marques, mais également sur cloud et à la maintenance, MMT devient un recours pour une industrie qui a longtemps refusé toute transition numérique.
Car si en France,
Mais en intégrant de vraies fonctionnalités technologiques dépassant celle de Constant et de MMT, Withings aborde un autre segment du marché avec un compromis différent,
La standardisation des modules connectés laisse les horlogers rêver qu’un passage chez le bijoutier suffira, à l’avenir, à mettre à jour votre montre
Dans l’horlogerie suisse, les entreprises ont toujours eu une taille modeste, se concentrant par tradition sur leur cœur de métier. Les sous-traitants ont ainsi toujours eu une place de choix dans cette industrie du luxe. C’est donc naturellement que MMT devient un de ses sous-traitants ; à côté de ceux qui fournissent les bracelets et ceux qui construisent les mouvements, figure désormais l’expert suisse qui fournit les applications et les puces.
L’offensive suisse dans la montre connectée prend bien plus de sens dans la tradition du luxe propre à la montre qu’une Watch en or. Mais offre déjà des avantages que ni bracelet connecté, ni montre connectée ne peuvent prétendre avoir en matière d’autonomie.
Et il y a dans la montre connectée suisse une promesse qui a fait de l’horlogerie du petit pays une légende : une certaine idée de l’éternel. Si les puces de MMT sont soumises aux lois d’obsolescence du monde technologique, les montres qui les accueillent vivent dans un autre espace temps et la standardisation des modules connectés laisse les horlogers rêver qu’un passage chez le bijoutier suffira, à l’avenir, à mettre à jour votre montre connectée avec les futurs capteurs que la société espère ajouter en plus de son accéléromètre.
Enfin, ultime rêve des amateurs d’horlogerie connectée, la montre automatique connectée, devra attendre. La miniaturisation n’est pas encore à un niveau suffisant pour mêler mouvement automatique et une puce connectée, mais peut-être que d’ici trois ou quatre années, le rêve deviendra réalité. MMT n’oublie pas d’y penser en tout cas.
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