Emmanuel Macron a évoqué la dissuasion nucléaire française au détour d’une visite de la base aérienne 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur. Il a été question d’un « missile nucléaire hypersonique » qui sera emporté par les avions de combat Rafale. Un sujet que connaissent déjà les militaires, moins le grand public.

C’est un sujet que le président de la République n’a fait qu’effleurer lors de son discours prononcé à l’occasion d’un déplacement sur la base aérienne 116 de Luxeuil-Saint-Sauveur, mardi 18 mars. Mais c’est un thème qui sera hautement structurant pour les forces armées françaises, car il déterminera l’avenir de la dissuasion nucléaire de la France.

Dans le flux des annonces portant sur la modernisation et le renforcement de cette base située en Haute-Saône (est de la France, près de la frontière), avec notamment l’arrivée future de deux nouveaux escadrons de Rafale d’ici à 2035, le chef de l’État a évoqué un « missile nucléaire hypersonique », qui équipera la « prochaine version » de l’avion de combat.

Pour qui est très au fait de la chose militaire, cet armement est loin d’être une annonce surprise. Il est développé depuis des décennies pour succéder aux missiles nucléaires actuels. Mais au-delà des spécialistes de la défense et des amateurs éclairés, ce « missile nucléaire hypersonique » peut s’avérer bien plus obscur et constituer une découverte.

Aujourd’hui, la dissuasion nucléaire française repose sur deux piliers :

  • Il y a les missiles tirés par la force océanique stratégique, c’est-à-dire les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins — la France en a quatre, dont un est toujours en mer, prêt à faire feu sur ordre.
  • À cela s’ajoutent les armes aéroportées, lancées depuis des aéronefs.

L’ASN4G, missile nucléaire qui succédera à l’ASMP-A

C’est cette deuxième composante — les armes aéroportées — dont parle Emmanuel Macron avec ce missile nucléaire hypersonique. Ce programme, d’ailleurs, a déjà un nom : l’ASN4G, pour Air-Sol Nucléaire de Quatrième Génération. Son entrée en service est souhaitée pour la décennie 2030 — d’ici à 2035, selon le président de la République.

Actuellement, la composante aérienne s’appuie sur un missile appelé ASMP-A, pour Air-Sol Moyenne Portée – Amélioré. Déployé depuis 2009 et capable de voyager à une vitesse supersonique, il bénéficie d’un programme de rénovation (ASMP-A R, pour Rénové) afin de rehausser ses performances en attendant l’arrivée de l’ASN4G.

Rafale
L’ASN4G sera transporté par le Rafale. // Source : Joshua Williams

Compte de sa nature hautement stratégique, l’ASN4G est couvert en très grande partie par le secret défense. On sait toutefois que l’engin a vocation à évoluer au seuil hypersonique, c’est-à-dire au moins cinq fois la vitesse du son (Mach 5). En comparaison, l’ASMP-A évolue un peu en dessous, à une vitesse supposée autour de Mach 3 ou 4.

On sait aussi que l’ASN4G a vocation à être transportée exclusivement par le Rafale, là où l’ASMP-A est présent sous le Rafale et le Mirage 2000N K3. Ce ne sera d’ailleurs pas n’importe quel Rafale qui pourrait le transporter, mais uniquement ceux appartenant à la cinquième génération — le Rafale F5. Celui-ci doit faire ses débuts vers 2030.

Vitesse et manœuvrabilité extrêmes

Le développement de l’ASN4G tient compte de l’amélioration des défenses aériennes, dont les progrès pourraient finir par menacer la crédibilité de la menace nucléaire française, si elle devait être engagée — ce qu’on appelle les stratégies A2/AD, pour déni d’accès et interdiction de zone. D’où l’intérêt d’avoir une arme hypersonique.

Avec un missile hypervéloce, son interception est considérée comme quasi impossible — surtout s’il est doté de capacités hyper-manœuvrantes et peut s’appuyer sur des technologies améliorant sa furtivité. La France n’est pas le seul pays à s’intéresser aux armes hypersoniques : les États-Unis, la Chine, la Russie, l’Iran, l’Inde et la Corée du Nord sont aussi sur le coup.

Il a existé d’ailleurs deux pistes pour l’ASN4G : le programme Camosis, qui visait à privilégier avant tout la furtivité de l’engin en vol, et le programme Prométhée, qui mettait d’avantage l’accent sur la vélocité. Les orientations semblent privilégier cette deuxième option — vitesse et manœuvrabilité extrêmes — aujourd’hui.

Malgré ces caractéristiques, les armées du monde cherchent malgré tout à développer aussi des parades. La France aussi : à horizon 2035, le pays vise douze systèmes SAMP/T NG (Système sol-air moyenne portée/terrestre de nouvelle génération). Leur mission ? Pouvoir traiter des menaces évoluant au-delà de Mach 5. L’histoire du glaive contre le bouclier, en somme.

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