Avec ses surtaxes douanières, Donald Trump a déclaré une guerre économique au monde entier. Le président américain n’hésite pas à réécrire l’histoire et affirme que « l’Union européenne a été créée pour nuire aux États-Unis et au commerce ». Des déclarations forcément inquiétantes pour l’Europe, qui risque de voir son activité économique aux États-Unis fortement taxée et ses rapports avec la plus grande puissance mondiale contrariés. Le secteur automobile craint déjà des conséquences lourdes, avec des importations gelées.
Dans ce contexte inédit, la question des réseaux de paiement, qui revient régulièrement depuis plusieurs décennies, refait surface. L’Union européenne peut-elle s’appuyer sur Visa et Mastercard, deux acteurs américains, pour faire transiter tous ses paiements par carte ? Que se passerait-il si les États-Unis décidaient de nous attaquer sur cette dépendance, ce qui paralyserait l’ensemble de nos paiements ? L’idée d’un réseau européen de paiement refait surface.
Christine Lagarde veut un réseau européen
Aujourd’hui, les cartes distribuées par les banques françaises fonctionnent grâce aux réseaux américains. Visa et Mastercard sont les deux plus connus, American Express est accepté dans de plus en plus de commerces. La France est un des rares marchés avec son propre réseau, CB, mais il n’est pas accepté à l’étranger. Seuls les paiements en France, avec des terminaux de paiement et des cartes compatibles, transitent par le réseau français. Les autres s’appuient sur les réseaux américains.


Invité du podcast The Pat Kenny Show, Christine Lagarde, la présidente de la BCE, s’est exprimée le 8 avril sur le sujet : « Beaucoup de nos paiements numériques, lorsque vous payez en ligne, que vous utilisez votre carte ou votre téléphone, reposent sur des infrastructures non européennes. […] Nous devons réduire cette vulnérabilité et nous assurer qu’il existe une offre européenne disponible, juste au cas où, on ne sait jamais », affirme l’ex-ministre française.
Au-delà de la dépendance technologique, l’utilisation des réseaux américains coûte de l’argent aux commerces français. Les frais d’interchange, qui varient généralement de 0,3 % à 2 % du montant de la transaction, envoient de l’argent à Visa et Mastercard lors de chaque paiement. Un réseau européen permettrait de faire tourner cet argent en Europe, pour le réinjecter ailleurs dans l’économie.
CB, Wero ou un autre système : que peut faire l’Europe ?
Aujourd’hui, il existe plusieurs réseaux de paiement européens, mais ils sont souvent limités à un seul pays. Le réseau CB est le plus utilisé en France, mais ne fonctionne pas ailleurs. C’est pour cette raison que les banques fournissent généralement des cartes CB/VISA ou CB/Mastercard, qui sélectionnent le bon réseau automatiquement. Les paiements sur Internet, généralement, passent par l’acteur américain.

Pour rivaliser avec les États-Unis, l’Union européenne doit créer un standard commun, comme la Chine a pu le faire avec UnionPay ou l’Inde avec RuPay. La transition prendrait certainement plusieurs années, le temps d’équiper les terminaux de paiement et les consommateurs en cartes compatibles, mais permettrait à l’Europe de ne dépendre d’aucun acteur étranger. Le vrai problème est qu’il est peu probable que les commerçants des États-Unis adoptent le réseau européen, ce qui forcerait probablement les banques européennes à conserver une compatibilité Visa/Mastercard sur leurs cartes, pour les déplacements en dehors de l’Europe. Mais les transactions sur le continent seraient encadrées localement.
Autre possibilité pour l’Europe : l’application Wero, lancée par un consortium de banques européennes. Avec Wero, les banques permettent l’envoi rapide d’argent depuis son téléphone. Elles imaginent aussi un système de QR code pour envoyer ou recevoir de l’argent. Leur rêve est d’imposer ces QR code dans les magasins, pour que les commerçants limitent leur utilisation des cartes bancaires pour vendre des choses. On prendrait en photo un code pour payer, sans insérer de carte. 100 % de l’interchange resterait ainsi en Europe, avec des frais plus bas pour les commerçants, et zéro besoin de passer par Visa ou Mastercard.

En utilisant Wero, l’Union européenne répliquerait le modèle chinois, qui utilise des QR code pour la très grande majorité des paiements grâce aux applications AliPay ou WeChatPay. La transition vers le réseau européen serait aussi nettement accélérée : tout le monde pourrait contourner Visa ou Mastercard en téléchargeant une application. C’est sans doute sur cette stratégie que l’Europe devrait miser à court-terme, pour inciter les consommateurs à ne pas utiliser leur carte par solidarité européenne. Un compte Wero est directement relié à un compte bancaire, pas à un réseau de cartes.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

Toute l'actu tech en un clin d'œil
Ajoutez Numerama à votre écran d'accueil et restez connectés au futur !
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez la communauté Numerama sur WhatsApp !