L’Union européenne porte depuis quelques années un projet visant à se doter d’un réseau satellitaire souverain, équivalent à Starlink, avec une constellation comptant environ 300 satellites. Son nom : IRIS². Mais il apparaît que l’armée allemande aimerait plutôt avoir son propre système national. Au risque de torpiller indirectement IRIS² ?

C’est un sujet que les spécialistes des questions de défense connaissent hélas trop bien. En matière de coopération militaire, à plus forte raison quand cela touche le domaine industriel, l’entente avec l’Allemagne n’est jamais simple. La France est bien placée pour le savoir, en raison des difficultés à faire progresser certains chantiers bilatéraux.

Deux dossiers récents illustrent les frictions récurrentes qui surgissent de chaque côté du Rhin : le système principal de combat terrestre, qui remplacera les chars Leclerc et Leopard 2, et le chasseur de nouvelle génération, qui sera le successeur des avions Dassault Rafale et Eurofighter Typhoon. Mais voilà qu’une nouvelle difficulté émergerait, cette fois du côté des satellites.

L’Allemagne, sur le point de faire bande à part sur les satellites ?

Dans son édition du 9 avril 2025, le média allemand Handelsblatt rapporte que l’armée allemande se dirige vers la mise en place de son propre réseau de satellites déployés dans l’espace — une sorte de Starlink souverain, en somme. La constellation pourrait compter des centaines d’engins et serait déployée d’ici à 2029, au moins en partie.

Toujours selon le journal, le projet allemand se composerait en fait de plusieurs constellations de satellites — la première devant arriver donc dans les quatre prochaines années. Un porte-parole du ministère de la Défense a confirmé ces réflexions, mais sans pouvoir en dire davantage. Il apparaît que la décision n’est pas encore tranchée.

Europe Iris
L’UE a déjà un projet de réseau satellitaire souverain : IRIS². // Source : Commission européenne

Acquérir des moyens propres, c’est s’assurer de ne pas s’assujettir à d’autres puissances, ou, à tout le moins, de réduire une dépendance déjà existante. Cela évite les mauvaises surprises stratégiques. La France a historiquement suivi cette ligne, y compris en matière spatiale, ce qui la place dans une relative autonomie par rapport à l’Amérique.

Mais encore faut-il que ces initiatives nationales ne viennent pas télescoper des programmes en cours, bilatéraux ou communautaires. Or, il s’avère que les plans allemands rapportés par Handelsblatt menacent une initiative déjà en cours en Europe : IRIS² (un acronyme signifiant Infrastructure de Résilience et d’Interconnexion Sécurisée par Satellite).

IRIS², le réseau Starlink de l’Europe, future victime ?

Le but d’IRIS² est de donner à l’Europe un réseau de satellites dédié aux télécommunications, et indépendant des États-Unis. On parle d’une flotte de 300 satellites. Ce serait nettement moins que Starlink, qui en compte des milliers, mais suffisant pour couvrir la planète et satisfaire des besoins divers, y compris en matière de défense.

Officialisé en février 2022 par Thierry Breton, du temps où il occupait encore le poste de commissaire européen responsable de la défense, du numérique, de l’espace et de la politique industrielle, le programme IRIS² doit répondre à des besoins civiles et militaires, et inclure des capacités de communication reposant sur la cryptographie quantique.

Compte tenu du calendrier suggéré par Handelsblatt, des objectifs assignés à ce futur réseau de satellites made in Germany (les télécommunications, entre autres ) et des sommes en jeu, d’aucuns craignent que cela porte un sale coup à IRIS². Ce ne serait pas la première fois que Berlin se retrouve à faire bande à part, en suivant des intérêts nationaux, au risque de froisser des partenaires.

C’est ce que notait La Tribune. En théorie, l’Allemagne et la France sont tenues par les accords de Schwerin, qui prévoient un échange d’images optiques (fournies par la France) et de signaux radar (fournis par l’Allemagne). mais cette répartition a été malmenée en 2017, quand Berlin a passé commande de ses propres satellites d’observation optique.

Vue de Paris, l’attitude allemande sur ces sujets est une source sans cesse renouvelée d’exaspération et d’abattement. Mais, comme le pointe Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, cela traduit aussi le reflet d’une vision stratégique particulière de Berlin, influencée par sa géographie, et d’une certaine idée de Germany first. Pas simple, dans ces conditions, de progresser sur l’Europe de la défense.

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