On connait aujourd’hui Dassault Aviation pour ses aéronefs civils et militaires. Dans quelques années, peut-être pensera-t-on au groupe pour ses navettes spatiales. En tout cas, c’est une perspective que le PDG de la société, Éric Trappier, a tenu à retracer une nouvelle fois, à l’occasion d’une audition devant les membres de la commission de la défense à l’Assemblée nationale, le 9 avril 2025.
Mais plutôt que de navette spatiale, formule qui convient mieux dès que l’on parle de la très haute atmosphère et au-delà, l’intéressé a mentionné l’idée de « l’avion spatial ». Dans un extrait repéré par Zone Militaire, site dédié aux questions de défense, M. Trappier a fait le constat « qu’il n’y a pas d’avion spatial aujourd’hui ». Un manque que l’avionneur français serait prêt à satisfaire, à condition que l’État suive. Or, à ses yeux, il semble que le sujet n’accroche absolument pas en France.
« La volonté, je l’ai, a ainsi affirmé le dirigeant. « Mais j’ai l’impression que ça n’intéresse personne. Si j’étais provocateur […], je dirais que les seuls qui sont intéressés sont les Américains ». Il fait référence ici au projet nimbé de mystère X-37B, nom de code donné à cette navette spatiale américaine qui a déjà accompli sept missions autour de la Terre, dont une très récente. « Mais avec les Français, c’est difficile », a-t-il regretté.
La Chine et les États-Unis ont déjà des projets avancés
En réalité, si Washington a un historique notable dans ce domaine (au regard du concept Boeing X-20 Dyna-Soar entre les années 1950 et 1960), ce n’est pas la seule nation à se positionner désormais sur ce créneau. Il y a aussi la Chine, dont les progrès en aérospatiale ces dernières décennies sont spectaculaires. D’ailleurs, Pékin a aussi un projet d’engin spatial placé sous le sceau du secret, et qui rappelle fortement le X-37B.
Éric Trappier a certes reconnu que Paris a déjà beaucoup de fers au feu sur la défense et le spatial (« il y a Ariane et des tas de sujets importants »). Mais, pour le constructeur aéronautique, « il faut avoir [ce sujet] en tête, car le spatial se développe très rapidement ». Et d’ajouter au cours de l’audition « qu’il est fondamental qu’on puisse remettre le doigt dans ce domaine-là », pour rattraper le retard face à la Chine et aux USA.

Reste à savoir à quel horizon ce virage sera pris, le cas échéant. Aujourd’hui, Dassault est surtout focalisé sur deux gros dossiers dans le domaine de la défense : son avion de combat Rafale, dont il faut préparer l’évolution avec le standard du futur (Rafale F5, qui se combinera avec des drones), et son futur successeur, le chasseur de nouvelle génération, qui viendra renouveler les flottes des armées de l’air en France, en Allemagne et en Espagne.
Envoyer des satellites… ou en détruire
Comme le pointe Zone Militaire, ce n’est pas la première fois que M. Trappier évoque le sujet de l’avion spatial. Cela fait plusieurs années que le PDG y revient de temps à autre, au fil d’interviews ou de prises de parole diverses. Un intérêt qui ne vient pas de nulle part : historiquement, Dassault Aviation a travaillé sur plusieurs projets d’engins spatiaux, y compris des lanceurs et des navettes, habitées ou non.
Par exemple, Dassault a planché sur un programme maison, appelé VEHRA (VéHicule Hypersonique RéUtilisable AéRoporté), « un système de transport spatial réutilisable pour lancer des satellites en orbite basse », incluant « un véhicule hypersonique aéroporté et d’un avion gros porteur subsonique ». Trois versions ont été envisagées, selon les charges à envoyer, ainsi qu’une déclinaison habitée de six personnes.

Mais lors de son audition d’avril, Éric Trappier a évoqué un engin qui aurait visiblement un profil un peu plus offensif — l’avion spatial pourrait certes épauler le lancement de constellations en orbite, mais il pourrait aussi servir à détruire celles de l’adversaire. Une perspective dont il faut toutefois bien mesurer les conséquences, car un tir de missile, par exemple, a pour effet de polluer l’orbite, ce qui nuit, au final, à tout le monde.
L’armée française n’ignore pas le sujet
La bonne nouvelle, malgré l’alarmisme du patron de Dassault Aviation, c’est que l’armée n’ignore pas le sujet de l’avion spatial, là encore pour lancer des charges utiles autour de la Terre. Ainsi, Le général de division aérienne Philippe Adam, commandant de l’espace dans l’armée de l’air, a déjà fait part de l’intérêt des forces pour ce projet, lors de son audition par la même commission parlementaire, en décembre 2022.
L’espace occupe d’ailleurs une place croissante dans les préoccupations de l’armée — ce qui s’est reflété symboliquement dans l’évolution du nom de la composante aérienne. De plus en plus, l’armée française se prépare à la « bataille de l’espace », ce qui inclut un renforcement croissant des moyens de communication, d’écoute et d’observation, mais aussi le développement de solutions défensives et offensives. Avions spatiaux compris.
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