Meta a-t-elle acheté Instagram et WhatsApp dans le but d’éliminer la concurrence de Facebook ? C’est ce que le tribunal fédéral de Washington tente de savoir. Il a été saisi par l’autorité de la concurrence américaine (la FTC), qui réclame le démantèlement partiel de Meta. Elle souhaite qu’Instagram et WhatsApp soient vendus à d’autres acteurs de la tech.
Que reproche-t-on à Meta ?
En clair, le gouvernement américain reproche à Meta d’avoir acquis Instagram en 2012 (pour un milliard de dollars) et WhatsApp en 2014 (pour 19 milliards de dollars). Une plainte avait été déposée par la FTC en 2020, sous Trump. Dans un premier temps, elle avait été rejetée par le juge James Boasberg, au motif qu’elle n’était pas assez étayée. C’est sous la présidence de Joe Biden qu’elle avait été acceptée, en janvier 2022.

Selon le gouvernement, ces rachats auraient tué la concurrence. Pourtant, la Federal Trade Commission avait bien autorisé les deux transactions. Face aux juges, elle doit se justifier : elle explique que Facebook (le nom du groupe à l’époque) n’a pas été honnête. Le fait d’acheter Instagram et WhatsApp n’aurait pas été qu’une question de stratégie directe pour s’étendre pour Meta. Cela aurait consciemment été fait pour éviter que d’autres acteurs gagnent en importance.

Pour la FTC, il faut également prendre en compte l’état actuel du marché et pas seulement son état à l’époque : en dix ans WhatsApp et Messenger se sont imposés comme des messageries de référence, et Instagram comme l’un des réseaux sociaux les plus populaires.
Un procès historique pour Mark Zuckerberg et Meta
Ce lundi 14 avril, Mark Zuckerberg était présent au tribunal fédéral de Washington dans cette affaire dite anti-trust. Une image qui cristallise la guerre entre la Federal Trade Commission et les grandes entreprises du web. Une image qui n’est toutefois par rare, comme le note le New York Times : à 40 ans, Mark Zuckerberg a déjà comparu huit fois devant le Congrès et a témoigné au moins deux fois devant un tribunal, « soit plus que n’importe lequel de ses pais des plus grandes entreprises technologiques. » Mais il n’était jamais apparu dans une affaire antitrust.

Selon Le Point, les débats et interrogations devraient durer près de deux mois. Mais les avocats de la FTC ont décidé de frapper fort dès le premier jour : ils ont appelé à la barre Mark Zuckerberg, PDG de Meta (et accessoirement l’une des personnes les plus riches du monde), pour lui poser des questions. Le journal rapporte que l’avocat de l’accusation Daniel Matheson a reproché à Zuckerberg d’avoir créé « des barrières à l’entrée qui, pendant plus d’une décennie, ont protégé la position dominante de Meta ». Pour l’avocat, « si nous sommes ici, c’est parce que Meta rompu l’accord. Ils sont décidé que la concurrence était trop rude et qu’il serait plus facile de racheter leurs rivaux que de rivaliser avec eux », écrit Le Monde.

Pour étayer ses propos, il cite un email daté de 2008 de Mark Zuckerberg, où ce dernier racontait : « Mieux vaut acheter que concurrencer ». Avant de citer un autre mail, cette fois-ci en 2012, juste avant le rachat d’Instagram : Zuckerberg trouvait primordiale cette opération pour « neutraliser un concurrent potentiel ». Daniel Matheson argue par ailleurs qu’après le rachat d’Instragram, Facebook aurait modifié l’expérience utilisateur pour l’éloigner de Facebook et éviter de le cannibaliser.
Quelle stratégie pour se défendre ?
Comme l’a expliqué au Point Anupam Chander, professeur de droits des nouvelles technologies à l’université Georgetown, le procès va aussi se jouer sur la définition du marché. Pour la FTC, Facebook, Instagram et WhatsApp font partie d’un même marché, celui des réseaux sociaux.
Dans ses armes, Meta a le fait que Facebook et Instagram permettent de voir des publications de ses proches comme celles d’influenceurs. Le groupe devrait aussi se défendre en expliquant que d’autres messageries concurrentes sont populaires : iMessage, Telegram, etc.

Enfin, il y a la concurrence que fait TikTok à Instagram et à Facebook, qui compte 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis. Concernant TikTok, Meta a déjà commencé à se défendre. Lors de cette première journée de procès, Mark Hansen, avocat de Meta, a expliqué que lorsque TikTok a brièvement été coupé aux États-Unis en janvier dernier (le réseau social avait été banni du pays), la fréquentation de Facebook et Instagram a respectivement augmenté de 20 et 17%. Mark Hansen, tente de convaincre qu’il existe toujours une forte concurrence, incarnée principalement par TikTok.
Autre ligne de défense pour Meta : si la FTC obtient bel et bien le démantèlement du groupe de Zuckerberg, cela montrerait qu’aucun de ses accords d’acquisition n’est définitif.
Meta veut à tout prix éviter une vente forcée d’Instagram et de WhatsApp
La pire des issues pour Meta est celle demandée par la FTC, à savoir la vente forcée d’Instagram et de WhatsApp. Une sanction qui pourrait être prononcée par le tribunal fédéral de Washington si Meta est reconnu coupable d’avoir enfreint la loi. Ce serait une première pour une entreprise spécialisée dans le web : si la FTC l’a souvent demandé, elle n’a jamais obtenu gain de cause. Cela changerait également la manière dont les grandes entreprises du numériques font des affaires.

Instagram représente une grande partie des revenus de Meta, qui a besoin de ces fonds pour massivement investir (il y a quelques années, dans le métavers) dans l’intelligence artificielle ou encore les lunettes connectées. Le réseau social compte aujourd’hui plus de deux milliards d’utilisateurs mensuels. Au total, Meta a généré plus de 62 milliards de dollars de bénéfice net, soit 38% de son chiffre d’affaires.
Quelles sont les chances pour la FTC de gagner ?
À l’heure actuelle, une victoire de la FTC semble difficile à envisager. Devant les juges, elle va devoir démontrer que Meta n’aurait pas connu un succès similaire sans ces deux acquisitions. À l’époque des rachats, Instagram et WhatsApp n’étaient encore que des start-ups et pas des grandes sociétés. Si dans les mails de Zuckerberg, ce dernier expliquait ne pas vouloir investir dans un deuxième réseau social, des investissements ont été réalisés par la suite.
D’autres procès antitrust sont en cours ou ont été résolus récemment. En 2024, le ministère de la Justice avait gagné son procès contre Google : il l’accusait d’avoir un monopole sur la recherche en ligne. Le ministère est également en confrontation avec Apple et la FTC a poursuivi Amazon, ainsi que Microsoft. Des affaires qui sont toujours en cours.
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