J’aime à penser qu’une blague circule en ce moment dans les bureaux de Cupertino. Un ingénieur Apple entre dans un bar, commande un verre, et demande au barman : « Vous avez entendu parler d’Apple Intelligence ? » Le barman répond : « Non, mais avez-vous vu ce que Trump a encore tweeté ? »
Ce n’est pas très drôle, car j’ai demandé à une IA de me faire une blague introductive sur le dilemme Apple dont je vais parler, mais ça illustre assez bien ce qui doit se passer dans la tête de Tim ces derniers mois. Une opportunité manquée, largement décriée et ayant lancé une crise en interne, éclipsée par les frasques géopolitiques de Trump qui représentent un danger encore plus grand. En clair, je n’aimerais pas forcément qu’on me demande de faire un SWOT chez Apple ces jours-ci.
Premier problème : Apple Intelligence
Apple Intelligence devait être LA révolution de 2024. Une IA intégrée aux appareils, respectueuse de la vie privée, capable de générer du texte, des images, de résumer vos messages et de vous aider à écrire. Le genre de technologie qui me plaît : prendre à contre-pied une trend pour retourner à la base de l’innovation qui marche, à savoir, celle qui résout les vrais problèmes des vrais gens.
Soyons honnêtes deux secondes : à date, Apple Intelligence est un échec. Un échec stratégique, un échec d’exécution, un échec de marketing. La marque qui nous a habitués à des lancements millimétrés a raté son coup. Pendant que ChatGPT et Claude continuent de progresser à vitesse grand V, Apple sort une IA bancale, retardée, et dont les fonctionnalités les plus intéressantes sont repoussées à des mises à jour ultérieures – provoquant en même temps une crise interne rarement vue.

Apple Intelligence a débarqué en France officiellement le 31 mars 2025 et depuis, les rares personnes qui la testent autour de moi me font des retours soit moqueurs, soit dépités. Playgrounds est une vanne, les générations d’émojis et autres gadgets ont principalement ajouté des effets scintillants à droite à gauche, les résumés de notification sont toujours aussi mauvais…
Pendant ce temps-là, Perplexity continue d’être une habitude (merci Apple d’avoir ajouté un bouton action), ChatGPT sort banger sur banger et Google commence à revenir dans la partie et sera forcément gagnant sur un secteur grâce à Android et sa diffusion massive dans les poches des utilisateurs de smartphones du monde entier.
Mais le plus drôle (ou le plus triste, c’est selon), c’est que, grosso modo, personne ne parle d’Apple Intelligence. Faites le test chez vos amis qui ont un iPhone récent : combien ont eu la curiosité de retraiter un texte avec Notes ou de générer plus d’un émoji avec Messages ? Combien vous vantent les mérites de la gomme magique, disponible depuis 10 ans chez la concurrence et qu’Apple réussit à faire moins efficace que celles des autres ?

En revanche, combien de ces mêmes gens se sont ghiblifiés ou ont créé un Starter Pack ces derniers jours ?
Mais il y a encore pire, la polémique Apple Intelligence est balayée depuis le Liberation Day par une catastrophe à venir pour Tim et sa team : Trump et ses frais douaniers.
Le tonitruant Trump terrifie la team Tim
Pour un CEO comme Tim Cook, c’est un mélange de bénédiction et de malédiction. D’un côté, personne ne s’attarde trop sur Apple Intelligence en dehors des analystes de la tech. De l’autre, son entreprise fait face à un défi bien plus existentiel.
Depuis sa réélection, Trump a promis une chose : des droits de douane massifs, appliqués ces derniers jours avec une surenchère difficile à comprendre vis-à-vis de la Chine. Si je vous écris un chiffre aujourd’hui, il a de fortes chances d’être faux demain. Pour Apple, dont la supply chain est mondiale et dépend encore largement de la Chine, c’est un cauchemar logistique qui se profile.

Imaginez un instant : chaque iPhone, chaque MacBook, chaque Apple Watch assemblée en Asie (Chine, Inde, Vietnam pour ne citer que les plus gros pays partenaires d’Apple) pourrait voir son prix augmenter mécaniquement de plusieurs dizaines ou centaines d’euros. Dans un marché déjà saturé, où les consommateurs rechignent à renouveler leurs appareils trop chers, c’est potentiellement dévastateur.
Voilà donc Tim face à un paradoxe fascinant : il doit simultanément gérer un retard technologique que personne ne remarque et préparer son entreprise à une tempête économique que tout le monde voit venir.
C’est comme naviguer dans un détroit dangereux avec un bateau qui prend l’eau, pendant qu’un typhon se profile à l’horizon. Lequel des deux problèmes mérite le plus votre attention immédiate ? Comme je l’ai déjà écrit, je n’aimerais pas être dans la tête de l’équipe décisionnaire d’Apple, à quelques semaines de l’annonce d’un nouvel iOS et quelques mois du lancement d’un nouvel iPhone.
Tim mijote-t-il quelque chose ?
Je me demande parfois ce que pense Tim Cook le soir, dans sa villa californienne, en sirotant un thé vert biologique. Regrette-t-il l’époque Jobs, où l’innovation était reine et où la politique semblait moins folle ? Ou voit-il cette nouvelle crise comme une opportunité de réinventer Apple une nouvelle fois ?
Tim Cook est un survivant. Il a survécu à l’ombre de Steve Jobs, aux critiques incessantes, aux doutes sur sa capacité à innover. Il a transformé Apple en la plus grande entreprise du monde, en valeur. Il a même réussi à faire oublier certains échecs cuisants (quelqu’un se souvient d’Apple Maps à ses débuts ? Aujourd’hui, l’application est une référence).
Peut-être que dans cette double crise, il voit une chance. La chance de faire d’une pierre deux coups : repenser l’IA d’Apple plus fondamentalement et restructurer sa chaîne d’approvisionnement pour les années 2030. Quoi qu’il en soit, Apple se trouve aujourd’hui dans une position fascinante, prise entre deux tempêtes : l’une technologique, invisible au grand public pour le moment, et l’autre géopolitique, impossible à ignorer.
La question n’est plus de savoir si Apple va souffrir, mais plutôt comment l’entreprise va se transformer pour dépasser cette souffrance passagère. Et si l’histoire nous a appris une chose sur cette société, c’est qu’elle a un talent incroyable pour ressortir plus forte de ces crises.
J’ai, personnellement et après plus de 15 ans à suivre l’actualité d’Apple, hâte de voir comment les prochains mois vont s’articuler. Je ne suis sûr que d’une chose : je serai surpris.
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