En matière d’économie, l’instinct est parfois trompeur. Des chercheurs américains ont examiné l’impact que peut avoir la présence de livres d’occasion sur un site comme Amazon.com. Contrairement à ce que le bon sens nous invite à penser, le fait de permettre aux internautes d’acheter et de revendre des livres usagés aurait pour effet de les inciter à acheter du neuf. Une leçon à tirer pour la musique ?

Amazon, originellement, est un marchand de livres sur Internet. Sa fortune s’est bâtie sur les ouvrages neufs qu’il vendait aux américains isolés des grandes villes et des grandes librairies. Lorsque le site a ajouté à ses services une plateforme d’échange de livres d’occasion, certains ont cru qu’Amazon souhaitait progressivement éliminer ses stocks et donc ses frais de gestion, au profit d’une activité uniquement immatérielle. Amazon deviendrait une centrale de l’occasion comme l’est eBay, le grand spécialiste de l’enchère entre particuliers.

En réalité, Amazon a sans doute eu un nouveau coup de génie marketing, qui a dérouté jusqu’aux professionnels de l’édition.

La Guilde des Auteurs et l’Association des Editeurs de Livres aux Etats-Unis ont exprimé à Amazon leurs craintes de voir les demandes de livres neufs s’effondrer si la visibilité du marché parallèle de l’occasion sur Internet s’accroissait. Exactement comme l’industrie du disque panique dès que de la musique gratuite est proposée sur les réseaux P2P.

Or trois chercheurs, Anindya Ghose de l’Université de New York, et Michael D. Smith et Rahul Telang de l’Université de Carnegie Mellon, ont étudié l’impact de l’occasion sur le marché du neuf. Le New York Times relate ainsi que « la présence d’un marché pour les livres d’occasion rend les consommateurs davantage enclins à acheter des livres neufs, parce qu’ils peuvent facilement les revendre plus tard« .

Difficile d’appliquer la formule à la musique en ligne ? C’est pourtant un peu celle tentée avec un succès croissant par le service Weed. S’il ne permet pas à proprement parler de revendre sa musique (au sens de s’en déposséder au profit d’un autre), Weed propose de rémunérer les internautes qui uploadent la musique achetée sur la plateforme. Nous ne sommes pas très loin d’Amazon et de son service de livres d’occasion…

Mais même le P2P et sa gratuité pourrait avoir un effet positif sur la « musique neuve ».

Donner pour mieux recevoir

En lisant l’étude (.pdf), on apprend que l’effet d’Amazon et de ses livres d’occasion est globalement positif pour l’ensemble de la société. En chiffre d’affaires brut, l’occasion mord à peine sur les revenus annuels des éditeurs (0,2%), et le peu de pertes est largement compensé par les revenus indirects, notamment ceux issus des droits d’auteur. Exactement comme la baisse de vente des CD dans la filière musicale est largement compensée par la hausse de fréquentation des spectacles vivants. Les auteurs, grâce aux livres usagés, gagnent en notoriété. Le fait de se faire connaître grâce à l’occasion leur permet de gagner de nouveaux acheteurs pour leurs prochaines publications, annonce l’étude américaine. Pour le public enfin, « les marchés de livres d’occasion en ligne apportent un accès à la propriété de livres à tout un segment de la société qui autrement n’aurait pas la possibilité de les posséder« .

N’y a t-il pas là une similitude troublante avec le P2P, qui permet au public d’accéder à toute la musique (ou autres films) qu’ils n’ont pas la possibilité d’acheter ? Jeudi, nous rapportions l’étude du cabinet britannique The Leading Question, qui concluait que « les amateurs de musique qui violent les lois sur le piratage sont des clients de grande valeur« . Il serait temps d’en prendre soin autrement que par des procès.

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